La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a présenté le 9 septembre, en conseil des ministres, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire relatifs au défenseur des droits, créé par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 afin de renforcer les possibilités de recours non juridictionnel dont dispose le citoyen pour assurer la défense de ses droits (1). Le projet de loi organique précise notamment le statut, les missions, les pouvoirs et les moyens mis à la disposition de la nouvelle institution. Le second projet de loi le complète en prévoyant notamment les sanctions pénales dont sera assortie la méconnaissance des dispositions relatives à ses pouvoirs d'investigation. Les deux textes doivent désormais être examinés par le Parlement.
Nommé par décret en conseil des ministres pour un mandat de six ans non renouvelable, le défenseur des droits pourra, selon le projet de loi organique, être saisi :
directement, par voie de réclamation, par toute personne s'estimant lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'une administration de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public ;
des agissements d'une personne privée lorsque sera en cause la protection des droits d'un enfant. A cet égard, précise le texte gouvernemental, le défenseur des droits pourra non seulement être saisi par un enfant mineur qui estime que ses droits n'ont pas été respectés mais aussi par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits des enfants et les services médicaux ou sociaux ;
des agissements d'une personne privée dans le cas d'un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité. A ce titre, il pourra être saisi par toute personne qui aura été témoin de faits dont elle estimera qu'ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans ce domaine, commis par une personne publique ou privée.
La saisine du défenseur des droits sera gratuite, stipule le projet de loi.
Dans tous les domaines, il pourra également se saisir d'office de faits relevant de sa compétence, dès lors que l'intéressé aura été averti et ne s'opposera pas à son intervention. En outre, les parlementaires pourront toujours le saisir des réclamations dont ils auront été destinataires.
Ses attributions devraient donc s'étendre non seulement à celles exercées aujourd'hui par le médiateur de la République, mais aussi à celles du défenseur des enfants (voir les réactions à ce sujet, ce numéro, page 20) et de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité.
Sauf si le Parlement en décide autrement, le défenseur des droits ne reprendra pas, en revanche, celles du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ce qui avait été envisagé dans un premier temps. Il devrait par ailleurs être associé, à sa demande, aux travaux de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ainsi qu'à ceux de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Et, comme l'est déjà le médiateur de la République, il devrait être membre de droit de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Enfin, il pourrait transmettre aux autres autorités indépendantes chargées d'une mission de protection des droits et libertés les réclamations qui les concerneraient également, en leur faisant part de ses observations et en demandant à être informé des suites qui leur sont apportées.
A noter : le projet de loi prévoit que le défenseur des droits sera assisté de deux collèges de trois personnalité qualifiées chacun, qui seront obligatoirement consultés sur le traitement des réclamations en matière respectivement de déontologie de la sécurité et de protection de l'enfance.
Selon le projet de loi organique, les personnes et organismes mis en cause devront communiquer au défenseur des droits toutes informations et pièces utiles et autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à ses questions.
La nouvelle institution pourra en outre recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information qui lui apparaîtra nécessaire sans que leur caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé (2). Les informations couvertes par le secret médical ne pourront toutefois lui être communiquées qu'à la demande expresse de la personne concernée, à l'origine de la réclamation, sauf s'il s'agit d'informations relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. Le défenseur des droits bénéficiera encore d'un droit d'accès - et même d'un droit d'accès inopiné en cas de nécessité impérieuse - aux locaux administratifs ou privés. Toutes ces obligations feront l'objet, en cas de méconnaissance, de sanctions pénales instituées par le projet de loi ordinaire.
Si le Parlement adopte le projet de loi en l'état, le défenseur des droits disposera de pouvoirs accrus par rapport au médiateur de la République. Ainsi, non seulement il pourra faire toute recommandation qui lui paraîtra de nature à garantir le respect des droits et des libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement, mais aussi et surtout, il pourra enjoindre à l'administration ou à l'organisme en cause, si ses recommandations n'ont pas été suivies d'effet, de prendre les mesures nécessaires et le cas échéant publier un rapport spécial si aucune suite n'est donnée. Il pourra également proposer aux parties au litige de conclure une transaction. Soit spontanément, soit sur invitation de la juridiction ou d'une partie au litige, il pourra encore présenter des observations dans une affaire en cours, qu'elle soit civile, administrative ou pénale. Enfin, il pourra saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur l'interprétation ou la portée d'un texte législatif ou réglementaire, de façon à couper court aux difficultés qui proviendraient d'interprétations divergentes des textes applicables.
(2) Sauf en matière de secret de l'enquête et de l'instruction et de secret concernant la défense nationale, la sûreté de l'Etat ou la politique extérieure.