En 2008, le déficit du régime général de la sécurité sociale a été de 10,2 milliards d'euros et une « dégradation forte est inévitable dès 2009 » du fait de la crise financière mondiale, indique la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale rendu public le 16 septembre (1). En effet, explique-t-elle, le montant des recettes « stagne voire diminue, en l'absence d'affectation de recettes nouvelles » et, « faute de pouvoir prendre des mesures d'économies à effet immédiat, la croissance des dépenses se poursuit à un rythme antérieur pour les branches retraite (+ 5 %), maladie (+ 3 %) et, dans une moindre mesure, dans la branche famille ». Aussi la cour avance-t-elle des pistes devant permettre de mieux maîtriser les dépenses.
Bien que partageant l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale (2)), la Cour des comptes s'est néanmoins arrêtée sur l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) médico-social, pour lequel elle constate une sous-consommation globale de l'ordre de 509 millions d'euros en 2008, attribuable à l'enveloppe « personnes âgées » (économie de 539 millions, soit plus de 8 % de l'objectif prévu). Toutefois, relève-t-elle, ce phénomène de sous-consommation n'est en soi « pas nouveau » et s'accentue même par rapport aux années précédentes : 142,7 millions en 2005, 289,7 millions en 2006 et 487,7 millions en 2007. Selon la cour, cette sous-consommation s'explique entre autres par le « caractère tardif de l'utilisation des moyens prévus pour financer, notamment, les créations de places en établissement ». Dans ce cadre, la Haute Juridiction juge nécessaire de lancer une réflexion sur ces sous-consommations et sur l'utilisation des réserves de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (3) afin de mieux ajuster le montant de l'ONDAM médico-social aux besoins constatés.
La charge de travail des services du contrôle médical des caisses d'assurance maladie (cinq millions de dossiers en 2007) « rend nécessaire une réforme du contrôle de certaines demandes de prestations, notamment des demandes d'admission en affection de longue durée (ALD) », estime la Cour des comptes. En effet, les demandes de reconnaissance ou de prolongation d'ALD sont systématiquement soumises à l'avis du contrôle médical qui, aujourd'hui, présente des « lacunes majeures », soutient Philippe Seguin, président de l'institution. Plus de 2,3 millions d'avis ont été rendus en 2007 - un chiffre qui devrait s'accroître (4) - et le nombre d'avis négatifs rendus est « toujours relativement faible » : il était respectivement de 6,7 % et de 2,3 % pour les demandes d'admission et de prolongation. Force est de constater pour la cour que, « devant les contraintes du traitement de masse des demandes », « dans la plupart des cas, la réalité de l'affection ainsi que la qualité de la prise en charge médicale du patient ne sont donc pas contrôlées ». En outre, elle critique l'imprécision de certains critères médicaux de définition des ALD, imprécision laissant de « larges marges d'interprétation qui expliqueraient que la géographie de ces ALD ne soit pas bien corrélée avec les données épidémiologiques ». La Cour des comptes suggère donc de « reprendre la réflexion sur les ALD afin de mieux les cibler sur les traitements les plus longs et les plus coûteux ». Elle propose d'ailleurs que le contrôle a priori soit maintenu pour les ALD qui présentent les taux d'avis défavorables les plus élevés. Et, pour les autres, de « donner au médecin traitant la responsabilité de l'admission en ALD et de développer parallèlement des contrôles a posteriori sur des patients déjà admis en ALD » issus de ciblages statistiques.
Dans la mesure où « les perspectives financières des régimes de retraite sont préoccupantes », la Cour des comptes s'est surtout penchée sur l'importance des avantages familiaux de retraite, tels que la majoration de durée d'assurance (MDA) et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), dont l'objectif est de limiter les effets sur les pensions des interruptions d'activité liées à la présence d'enfants. « Certes, admet-elle, ces deux dispositifs contribuent à réduire l'écart entre les niveaux de pensions, notamment entre les hommes et les femmes. Mais, dans un contexte qui s'est modifié, leurs ciblages respectifs et leur cohérence semblent désormais problématiques. » Pour mémoire, la majoration de durée d'assurance pour enfants consiste à accorder aux femmes jusqu'à huit trimestres par enfant, qu'elles aient ou non interrompu leur activité au cours de leur carrière. L'AVPF, elle, ouvre aux assurés remplissant certaines conditions - notamment de ressources - des droits à la retraite dont le bénéfice est différé dans le temps. Initialement réservée aux femmes cessant de travailler, l'AVPF s'adresse désormais à un public plus large. Les ouvertures de droit sont aujourd'hui surtout liées à la charge d'un enfant de moins de 3 ans (63 %), puis à la charge de famille nombreuse (36 %) et, pour une minorité de bénéficiaires (1 %), à une prestation liée au handicap. En outre, les règles entourant la prestation - d'ailleurs « peu connue » - se sont complexifiées. La MDA, quant à elle, induit un « risque de désincitation à la poursuite d'activité », estime Philippe Seguin. Ainsi, « le jeu combiné de l'AVPF et de la MDA - qui, se cumulant intégralement, peuvent conduire à de longues périodes de validation gratuite - entraîne, d'une part, une certaine surcompensation des interruptions lorsqu'elles sont très longues et, d'autre part, une désincitation à la poursuite du travail ».
Pour la Cour des comptes, une réforme d'ensemble s'impose donc sur la base des recommandations du Conseil d'orientation des retraites formulées en décembre dernier (5). Dans tous les cas, les évolutions retenues devront intégrer la contrainte financière et « être pensées avec le souci d'une cohérence et d'une efficience accrues du système des aides aux familles, qui devrait privilégier l'aide apportée lorsque les enfants sont à charge, plutôt que quand les parents sont en retraite ». La Haute Juridiction suggère ainsi que « la MDA soit réformée en s'inspirant du schéma retenu dans la fonction publique, pour ce qui concerne les femmes qui n'interrompent pas leur activité au-delà du congé maternité ». Ainsi, « le bénéfice d'une MDA de deux trimestres serait lié à l'accouchement ou à l'adoption pour les enfants nés après la réforme ». Et, pour ceux nés avant la réforme, « une MDA pourrait être accordée au parent ayant interrompu son activité pendant au moins deux mois suite à la naissance ou l'adoption ». Rappelons que le gouvernement n'a pas attendu les remarques de la Cour des comptes pour engager ce chantier puisque, pour tenir compte d'un arrêt récent de la Cour de cassation qui a étendu à un père le bénéfice de la MDA (6), il a lancé un certain nombre de concertations, dont les conclusions seront intégrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Parallèlement, en cohérence avec la réforme de la MDA, l'AVPF doit, elle aussi, être révisée en vue d'en faire un « dispositif simple de compensation des interruptions de carrière », indique Philippe Seguin, et qui prendrait le relais de la MDA au-delà du congé maternité. En outre, « comme dans la fonction publique, les possibilités de cumul des deux dispositifs seraient limitées : le bénéfice des deux trimestres de MDA serait perdu si deux trimestres ou plus d'AVPF étaient validés l'année de l'accouchement ». Enfin, il préconise la suppression de toute condition de ressources spécifique à l'AVPF, « ce qui simplifierait fortement le dispositif et faciliterait la diminution de la durée de la MDA ». Au-delà, la cour suggère que le bénéfice effectif de l'AVPF puisse « être conditionné à une durée minimale cotisée au moment de la liquidation de la pension ».
(1) Disponible sur
(3) Lors de leurs auditions devant la cour, les ministres chargés de la santé, de la solidarité et du budget ont indiqué avoir missionné les inspections générales des affaires sociales et des finances sur cette problématique. Leurs conclusions devraient servir à la fixation de l'ONDAM 2010.
(4) Selon un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale de 2008, le nombre de personnes en ALD devrait atteindre les 12 millions d'ici à 2020 - Voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 15