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Pour une réelle coordination des soins en EHPAD

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Le suivi médical des résidents des EHPAD reste trop souvent éclaté et peu cohérent, malgré la création des médecins coordonnateurs, s'alarme Pierre Louis, lui-même directeur d'EHPAD. Pour lui, la totale liberté de choix du médecin traitant qui prévaut dans ces structures va à l'encontre de l'intérêt des patients.

«La réforme des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du 26 avril 1999 a laissé le choix aux établissements d'une option tarifaire entre le forfait de soins partiel et le forfait de soins global. Ce choix a ensuite été rendu réversible chaque année. La circulaire budgétaire et comptable du 15 février 2008 a fait passer de 12 à 30 % l'écart entre le forfait partiel et le forfait global. Celle du 13 février 2009 a porté cet écart à plus de 31 % et incite les EHPAD à opter pour le forfait de soins global (1). Pourtant, très peu de forfaits de soins globaux seront signés en 2009.

Pour mémoire, le forfait de soins global comprend le forfait de soins partiel plus le coût de la rémunération des médecins généralistes libéraux, des prestations des auxiliaires médicaux libéraux (kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes...) et des examens de biologie et de radiologie autres que ceux nécessitant un équipement lourd. Cette définition explique en soi le peu d'empressement des directeurs à choisir cette option : méconnaissance du dispositif, difficultés à déterminer le montant des charges nouvelles, et surtout, point essentiel, non-maîtrise des dépenses nouvelles, intégralement prescrites par les médecins traitants.

Nombreux sont les médecins coordonnateurs, comme les directeurs, qui pensent que le forfait global peut permettre une meilleure organisation médicale et paramédicale des EHPAD, avec une vision globale du résident, celle qui prévaut actuellement étant morcelée en raison du grand nombre de médecins libéraux qui y interviennent. Il existe en effet un fossé entre les espoirs fondés par la mise en place des médecins coordonnateurs et les difficultés d'exercice de leur métier. Dans les faits, ils ne coordonnent que très partiellement l'activité libérale médicale et paramédicale en établissement.

Les missions du médecin coordonnateur en EHPAD (2) font une large part aux relations avec les médecins traitants. Ainsi, entre autres, il veille à l'application des bonnes pratiques gériatriques et formule toutes recommandations utiles dans ce sens ; ou encore il élabore une liste des médicaments à utiliser préférentiellement, en collaboration avec les médecins traitants des résidents.

Le contrat type entre le médecin coordonnateur et l'établissement (3) va également dans ce sens puisqu'il prévoit notamment que le médecin coordonnateur élabore et met en oeuvre avec le concours de l'équipe soignante et des professionnels de santé libéraux le projet de soins, qui doit préciser les modalités d'intervention de chacun, qu'il tient informés les médecins traitants de l'évolution de l'état de santé des résidents, qu'il réunit ses confrères au moins une fois par an...

Voeu pieux

Les larges attributions du médecin coordonnateur envers les médecins traitants se heurtent à la faiblesse de ses moyens. Vis-à-vis de ses confrères libéraux, le registre de son action est celui de la demande, de la suggestion, de l'incitation, voire du voeu pieux ou de l'incantation. Par ailleurs, si le médecin coordonnateur a de nombreuses obligations envers le médecin traitant, ce dernier n'en a aucune vis-à-vis du médecin coordonnateur ou de l'établissement. Ce constat pose la question du contrat entre le médecin traitant et l'EHPAD qui, bien que prévu par l'article L. 314-12 du code de l'action sociale et des familles et ayant rang législatif au même titre que le libre choix du médecin, n'est quasiment pas mis en oeuvre (4), faute de décret d'application et en l'absence d'un accord entre le ministère chargé des affaires sociales et les syndicats de médecins libéraux.

Ce contrat, créé par la loi du 2 janvier 2002, et qui doit prévoir les conditions particulières d'exercice des professionnels de santé exerçant à titre libéral dans les EHPAD, aurait plusieurs vertus, s'il était mis en place. Celles d'acter qu'il est différent de prendre en charge un patient à son domicile et dans un EHPAD ; de reconnaître que l'intervention du médecin libéral doit être coordonnée à l'organisation de l'établissement ; de rééquilibrer les relations entre le médecin coordonnateur et le médecin libéral, par exemple en identifiant les obligations de ce dernier ; de demander aux médecins libéraux de repenser leur activité en EHPAD et de proposer à ceux qui souhaitent y maintenir, voire y accroître, leur activité, de s'engager par contrat avec l'établissement ; et d'organiser le libre choix du patient autour d'un médecin traitant salarié et/ou de médecins libéraux ayant signé un contrat avec l'établissement.

En effet, actuellement, les critères de choix du médecin traitant sont extrêmement divers : le médecin traitant au domicile continue de prendre en charge son patient en établissement, un médecin présent dans l'EHPAD le jour de l'admission d'un résident accepte de le prendre en charge, chaque infirmière recommande un médecin avec lequel elle s'entend bien, le médecin coordonnateur propose un confrère, un praticien remplaçant du mois d'août constitue sa clientèle... Il résulte de cette situation le plus grand éparpillement qu'il soit, 38 médecins traitants pour 80 lits, 42 médecins traitants pour 50 lits, qui dit mieux ? La liberté sans contrainte du libre choix du médecin traitant s'exerce-t-elle dans l'intérêt du patient ?

En EHPAD, la multiplicité des intervenants médicaux libéraux, et par conséquent le faible nombre de patients par médecin, peut entraîner des difficultés en matière de qualité de prise en charge médicale du résident : absence de visite en dehors de la visite périodique, et intervention de SOS Médecins même la semaine et durant les heures ouvrables ; variabilité des mises à jour des dossiers médicaux et des fiches de traitements ; absence de suivi des actes des auxiliaires médicaux ; difficultés à fournir les renouvellements de prescriptions dans les délais ; prescription de médicaments télécopiée ou téléphonique ; absence ou pauvreté des échanges d'informations avec le médecin coordonnateur ou les infirmières ; difficultés d'accès au médecin pour le résident et sa famille. A cela s'ajoute l'hétérogénéité des pratiques médicales qui ne permet de mettre en oeuvre ni la liste des médicaments à utiliser préférentiellement, ni l'application des bonnes pratiques gériatriques.

Des vérités qui dérangent

En vérité, le temps de présence médicale en établissement est trop faible, mais il est surtout mal adapté, car éclaté. Une présence médicale accrue et plus cohérente améliorerait la qualité de la prise en charge des résidents et permettrait une organisation plus efficiente des soins. Il faut donc aller dans le sens d'une limitation du nombre d'intervenants médicaux et d'un transfert de l'activité libérale facturée à l'acte vers un temps de présence médical salarié.

Diverses solutions peuvent être envisagées : un médecin coordonnateur et quelques médecins traitants libéraux assurant chacun une journée de salariat ; un médecin coordonnateur qui soit également médecin traitant salarié avec quelques médecins traitants libéraux ; un médecin coordonnateur qui soit l'unique médecin traitant salarié.

Peut-on suggérer quelques vérités sans risquer d'être brûlé sur le bûcher de l'hérésie par quelque Ordre professionnel ?

Les fonctions de médecin coordonnateur et de médecin traitant ne sont pas incompatibles.

Le libre choix du médecin traitant peut s'effectuer dans les deux sens, soit vers un médecin libéral, soit vers un médecin salarié.

Le libre choix du médecin traitant peut s'appliquer de façon variable, soit entre tous les médecins libéraux possibles, soit entre les médecins libéraux ayant signé un contrat avec l'établissement, soit en choisissant le médecin salarié de l'établissement en même temps que l'établissement.

Tout établissement, qu'il soit au forfait partiel ou global, peut salarier un médecin traitant, même s'il n'y a intérêt que dans le second cas.

Un contrat doit régir les relations entre l'établissement et les intervenants libéraux.

Pour le forfait de soins global, le contrat ouvre droit au paiement par l'établissement des honoraires du médecin traitant.

Le médecin traitant peut être payé à l'acte, au forfait, ou être salarié.

Evidemment, ces rappels ne soulèveront pas l'enthousiasme des syndicats professionnels de médecins libéraux. Et pourtant, lorsqu'elle a lieu, la mise en place d'un médecin traitant salarié est plébiscitée par les résidents et renforce la cohérence de la prise en charge médicale et paramédicale.

La dispersion des intervenants médicaux est d'ailleurs une exclusivité des EHPAD au sein de l'hébergement médico-social. Hier, avant la création des médecins coordonnateurs, un médecin salarié, dit «attaché», prenait en charge les 20, 30 ou 40 résidents de la section de cure médicale, sans que personne ne trouve rien à y redire. Aujourd'hui, personne ne s'étonne qu'en unité de soins de longue durée ou en maison d'accueil spécialisée le futur résident choisisse le médecin salarié de l'établissement dans lequel il est admis. Cela vaut également dans le secteur sanitaire : clinique psychiatrique, centre de soins de suite et de réadaptation.

Il faut donc travailler sur la notion de libre choix du médecin traitant, principe à géométrie variable, et convenir que la plus totale liberté de choix qui prévaut aujourd'hui en EHPAD ne résulte ni de la mission de l'établissement, ni de la catégorie juridique dont il relève, ni de sa charge de soins, mais plus prosaïquement de l'absence d'organisation.

Les pouvoirs publics qui se font de plus en plus pressants en faveur du forfait de soins global et vont imposer, dès 2011, la réintégration des médicaments dans les forfaits de soins, doivent donner aux médecins coordonnateurs et aux directeurs les moyens réglementaires d'offrir aux résidents la prise en charge la plus efficiente possible. »

Contact : pierrelouis.ehpad@gmail.com

Notes

(1) Voir ASH n° 2598 du 27-02-09, p. 16.

(2) Arrêté du 26 avril 1999, décret n° 2005-560 du 27 mai 2005, décret n° 2007-547 du 11 avril 2007.

(3) Adopté par le Conseil national de l'Ordre des médecins en février 2001, puis mis à jour en novembre 2005 et mai 2007.

(4) Quelques rares exemples existent pourtant, dont l'un auquel l'auteur de l'article a participé.

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