Que vous inspire cette réunion ?
Cette démarche d'ouverture nous paraissait positive et intéressante, et semblait pouvoir s'inscrire dans le prolongement du Livre vert sur les politiques en faveur de la jeunesse, dont l'ambition est de porter une image positive des jeunes. Malheureusement, l'angle retenu est restreint aux relations entre les jeunes et les forces de sécurité, alors qu'elles ne sont qu'un symptôme d'un malaise social plus profond. Nous réservons d'ailleurs notre décision sur une participation aux groupes de travail, dont les thèmes auraient pu et dû être élargis aux autres difficultés vécues par les jeunes, comme la relégation sociale et économique, la discrimination. En outre, la réflexion risque une nouvelle fois d'être menée à marche forcée, l'idée du ministère étant d'aboutir au début de l'année 2010. Nous regrettons également que le tour de table n'ait pas été l'occasion d'un état des lieux et d'un bilan des actions engagées par le gouvernement dans les quartiers. Pas un mot, par exemple, sur l'impact du plan « Espoir Banlieues » de Fadela Amara. Pas un mot non plus sur la création des unités territoriales de quartier en janvier 2008, ou encore des délégués à la cohésion police-population. Enfin, si Brice Hortefeux a souligné sa volonté de ne pas organiser une « réunion gadget », nous demeurerons vigilants face au risque d'instrumentalisation.
La situation se dégrade-t-elle ?
Si les chiffres attestent d'une augmentation des incivilités contre les forces de l'ordre, le phénomène n'est pas nouveau et s'inscrit dans la continuité de l'incapacité à répondre au malaise de certains jeunes. Le contexte socio-économique actuel peut, en outre, renforcer le sentiment de frustration dans les banlieues populaires, déjà confrontées à une crise chronique. Le problème n'est pas seulement une affaire de vouvoiement entre jeunes et policiers ! Le ministère a annoncé la création d'une équipe de conciliation, sans plus de précision. Mais tant que la police et la gendarmerie seront les seuls représentants des services publics dans les quartiers, ils resteront pour les jeunes les symboles d'une société injuste, avec laquelle ils ont maille à partir.
Rien n'a-t-il changé depuis les émeutes de 2005, y compris pour les associations ?
On ne peut pas dire que les réponses proposées ont été efficaces ! Et nous nous méfions de la volonté affichée de s'appuyer sur les associations. Nous nous sommes ainsi interrogés sur l'absence, à la réunion, de certains acteurs, comme la prévention spécialisée ou la Fédération des centres sociaux. Le secteur associatif a, en outre, subi des coupes budgétaires en 2009 et a vu son partenariat avec l'Etat et les pouvoirs publics se fragiliser. Les éléments qui pouvaient sécuriser l'horizon de nos associations, comme le principe du conventionnement pluriannuel, ont été en partie remis en cause. Nous espérons que la conférence nationale de la vie associative prévue le 17 décembre sera l'occasion de remédier à cette fragilisation.
Qu'auriez-vous souhaité aborder lors de cette table ronde ?
L'éducation, la prévention, le dialogue intergénérationnel, la discrimination, ou encore la participation des jeunes à la vie de leurs quartiers, afin de leur montrer qu'ils peuvent avoir prise sur la société. Reconquérir les quartiers, c'est l'ensemble des acteurs de la République qui doit le faire, pas seulement la police ! En n'apportant qu'une réponse policière, on renvoie toutes les responsabilités aux forces de l'ordre, en présentant ces dernières comme les seuls interlocuteurs possibles des jeunes. Cette logique criminalisante participe plus du cercle vicieux que du cercle vertueux ! Il serait temps de rompre avec la démagogie sécuritaire et d'agir sur d'autres champs.
(1) Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire : 15, passage de la Main-d'Or - 75011 Paris - Tél. 01 40 21 14 21.