Peu avant la tenue de son colloque, le 8 septembre, pour le 10e anniversaire de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU), le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (dit « Fonds CMU ») a rendu public, le 1er septembre, son quatrième rapport d'évaluation de la loi (1). L'occasion aussi de faire le point sur l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé (ACS), instituée par la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie. Si « ces deux dispositifs n'ont certes pas fait disparaître les inégalités sociales de santé qui reposent sur des facteurs multiples, on peut [néanmoins] penser qu'ils sont des vecteurs déterminants pour les réduire », estime le Fonds, rappelant qu'ils permettent aujourd'hui à cinq millions de personnes d'accéder à une complémentaire santé.
Au 31 décembre 2008, on dénombrait près de 4,2 millions de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) tous régimes confondus (soit 6,4 % de la population), un effectif en baisse par rapport à 2007 (- 5,1 %). La métropole comptait à elle seule environ 3,5 millions de bénéficiaires, dont 46,8 % se concentraient dans les régions du Nord-Pas-de-Calais, de Provence-Alpes-Côte d'Azur, du Languedoc-Roussillon, d'Ile-de-France et de Rhône-Alpes. Toutefois, note le Fonds, ce sont les départements d'outre-mer qui affichent la plus forte proportion de bénéficiaires : 13,5 %, alors qu'ils ne représentent que 2,8 % de la population (2). Dans la majorité des cas, il s'agit d'une population jeune : 44 % des bénéficiaires ont moins de 20 ans et 30 % sont âgés de 20 à 39 ans. Les personnes vivant seules ou étant à la tête d'une famille monoparentale sont également prédominantes. Enfin, selon le rapport, « le bénéficiaire de la CMU-C appartient majoritairement à un ménage dont la personne de référence a un faible niveau scolaire, il est issu d'un milieu social modeste, principalement ouvrier, touché par le chômage » (3).
En raison de la crise économique, les chômeurs justifiant d'une faible activité préalable devraient commencer à arriver en fin de droits à compter de la mi-2009, suivis ensuite par ceux ayant des droits ouverts pour deux ans. Aussi, indique le Fonds, sera-t-il « nécessaire d'informer ces personnes peu habituées à avoir recours aux aides sociales, en travaillant avec les pôles emploi, qui disposent des données sur les personnes recevant une très faible indemnité ou arrivant en fin de droits ». En outre, explique-t-il, pour le calcul des droits à la CMU-C, sont prises en compte les ressources des 12 derniers mois. Or, si un abattement sur les revenus d'activité passée est prévu dans le cadre d'une entrée au chômage, ce n'est pas le cas pour un chômeur qui bascule dans le régime de solidarité et perçoit l'allocation de solidarité spécifique. « Ainsi, alors que ses indemnités subissent une chute brutale, il sera nécessaire qu'une dizaine de mois s'écoulent avant que les ressources des 12 derniers mois se situent au-dessous du plafond d'octroi de la CMU-C ». Pour pallier cette injustice, le Fonds CMU propose de « prévoir, par décret, un abattement spécifique sur les indemnités chômage perçues avant le passage à l'allocation de solidarité spécifique ». Une mesure qu'il préconise également pour l'ACS.
Par ailleurs, pour les personnes disposant d'un logement, un forfait logement est ajouté à leurs ressources. Or « il s'agit d'un mécanisme peu lisible, cause d'incompréhension et principale source de contentieux devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale », estime l'institution, qui suggère donc d'« évaluer l'impact du forfait logement et la pertinence de son maintien ».
Autre proposition de l'institution : améliorer la qualité des soins offerts aux titulaires de la CMU-C. Elle souhaite ainsi adapter le panier de soins qui leur est proposé, en y ajoutant des forfaits de prise en charge particuliers pour des soins non remboursés par l'assurance maladie.
Enfin, pour combattre les refus de soins, le Fonds CMU propose d'« introduire un indicateur de suivi des refus de soins dans la loi de finances de l'Etat ou dans la loi de financement de la sécurité sociale ». Mais aussi de « donner juridiquement une valeur probante au testing et [d']ouvrir la possibilité de sanction directe par la caisse », même si cette possibilité, prévue dans le projet de loi « hôpital » initial, a finalement été écartée.
Le nombre de bénéficiaires d'attestation de droits à l'ACS est passé de 511 000 à 597 000 entre 2007 et 2008 tous régimes confondus, soit une hausse de 16,7 %. Le nombre de personnes ayant utilisé leur attestation s'élevait, quant à lui, à un peu plus de 470 000 en février 2009 (+ 31 % en un an), soit près de 75 %. Un résultat « clairement très satisfaisant », se félicite le Fonds (4). Pour améliorer l'accès au dispositif, le ministère de la Santé a remplacé, depuis le 1er janvier 2008, l'attestation de droits par un « chèque aide pour une complémentaire santé ». Cependant, souligne le rapport, « cette mise en place ne s'est que modérément traduite dans les chiffres ». En revanche, le Fonds a constaté une augmentation du nombre de refus de droits par les caisses depuis février 2008 : ceux-ci sont effet passés de 12 000 par mois en moyenne sur la période allant de juillet 2007 à janvier 2008 à 16 000 pour la période de février à mai 2008. « L'absence de ciblage, dans le cadre d'une telle opération, peut expliquer ce résultat », estime le Fonds. Ajoutant qu'« informer est une condition nécessaire mais pas suffisante, l'accompagnement [s'avérant] indispensable à l'obtention de résultats ».
Pour améliorer le dispositif, le Fonds estime nécessaire notamment de développer sa lisibilité. En ce sens, il préconise entre autres d'« intégrer l'ensemble des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées [ASPA] au dispositif ACS », c'est-à-dire ceux en couple, rappelant que les personnes âgées supportent les taux d'effort les plus élevés (5). Et de veiller à ce que la revalorisation de l'ASPA soit prise en compte pour éviter que les bénéficiaires isolés n'en soient exclus. Concrètement, précise le Fonds, il conviendrait de « prévoir un abattement sur le montant de l'ASPA pris en compte dans les ressources ACS afin que l'ensemble des bénéficiaires de l'ASPA bénéficient du dispositif ».
Autre objectif : « éviter la multiplication de dispositifs connexes ». En effet, souligne le rapport, s'il convient de prendre acte des politiques concourant au développement de l'ACS, « il est à craindre qu'elles brouillent la lisibilité du dispositif tout en créant des effets d'aubaine. En outre, les conditions de mise en oeuvre de ces interventions peuvent générer une inégalité de traitement selon le lieu de résidence, ce qui soulève une question de fond. » Aussi l'institution demande-t-elle à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) de « préciser davantage le champ d'intervention de son action sociale », une attention particulière devant être apportée aux assurés les plus âgés.
Autre piste d'amélioration : « poursuivre le ciblage des populations tout en l'adaptant ». Pour ce faire, le rapport recommande de « mettre en oeuvre des échanges d'informations dématérialisées entre la caisse nationale des allocations familiales et la CNAM sur les nouveaux bénéficiaires potentiels de l'ACS relevant des dispositifs de l'allocation aux adultes handicapés, des allocations logement et de l'allocation de parent isolé » (6). En outre, il propose de « rendre systématique une relance par les caisses des bénéficiaires d'attestations couverts par une complémentaire santé et qui [ne l']ont pas remis à leur organisme complémentaire ».
(1) Rapport disponible sur
(2) Plus précisément, la part de la population couverte par la CMU-C s'élève à près de 36 % à la Réunion, à 32 % en Guyane, à 28 % en Martinique et à 23 % en Guadeloupe.
(3) En 2006, 46 % des chefs de ménage ouvriers ou employés sont chômeurs parmi les bénéficiaires de la CMU-C, contre 6 % pour le reste de la population. Dans 38 % des cas, il s'agit d'un chômage non indemnisé.
(4) Toutefois, précise-t-il, une partie de ces attestations ne peuvent être utilisées puisque leurs bénéficiaires ont souscrit un contrat collectif d'entreprise dont la grande majorité n'ouvre pas droit à l'ACS.
(5) Il s'agit de la part du prix du contrat de complémentaire santé restant à la charge de l'assuré. De 2 % pour les personnes âgées de 25 à 29 ans, elle s'élève à 6 % pour les plus de 80 ans.
(6) Rappelons que, en métropole, l'allocation de parent isolé a été remplacée, le 1er juin dernier, par le revenu de solidarité active.