Le comité de réflexion sur la justice pénale a remis le 1er septembre au président de la République son rapport sur les modalités d'une réforme de la procédure pénale (1). Missionné en octobre dernier (2), Philippe Léger, président du comité, devait conduire des travaux visant à redonner aux codes pénal et de procédure pénale une certaine cohérence pour mieux prendre en compte les récentes réformes, répondre aux exigences d'une lutte plus efficace contre toutes les formes de la délinquance et accroître le respect des droits des personnes mises en cause et des victimes. Ce rapport, qui s'est inscrit dans la continuité des propositions de Serge Guinchard sur la répartition des contentieux (3), soulève de vives critiques dans l'opposition qui y voit un « nouveau coup porté à l'indépendance de la justice ». Critique contre laquelle la garde des Sceaux s'est insurgée. Celle-ci doit maintenant lancer une concertation plus large pour élaborer un projet de loi.
Au coeur de la réforme proposée : la suppression du juge de l'instruction, telle que souhaitée par Nicolas Sarkozy. Le comité constate que « l'ambiguïté fondamentale du juge d'instruction montre qu'un juge, responsable d'une enquête pénale, ne peut agir avec une stricte neutralité et n'est pas totalement un juge ». En outre, relève-t-il, « l'intervention d'un juge, pour tous les autres aspects de l'enquête, ajoute peu au travail de la police judiciaire », « accroît le délai préalable au jugement » et a « pour effet pervers de maintenir les personnes mises en examen ainsi que les victimes dans une situation d'incertitude pendant une durée déraisonnable ». Selon lui, la procédure d'instruction - qui n'a pratiquement plus d'équivalent en Europe - « n'est plus adaptée à notre temps en ce qu'elle n'améliore ni l'efficacité de l'enquête, ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes ». Dès lors, il propose de simplifier la phase préparatoire du procès pénal en instituant un cadre unique d'enquête, dont la conduite pourrait être assurée par le procureur de la République. Dans un souci de clarification et de simplification, celui-ci déciderait aussi des poursuites à en donner.
Pour contrebalancer cette extension de pouvoirs donnés au parquet, le comité préconise l'instauration d'un juge de l'enquête et des libertés - qui remplacerait le juge d'instruction - investi exclusivement de fonctions juridictionnelles. Il pourrait contrôler l'action du parquet, notamment en décidant des mesures attentatoires aux libertés individuelles (écoutes téléphoniques, perquisition hors flagrance et accord de l'intéressé, mandat d'amener, prolongation d'une garde à vue...).
Ne souhaitant pas que la suppression de la phase d'instruction amoindrisse les droits existants des victimes, le comité insiste pour qu'ils soient garantis et renforcés tout au long de l'enquête. Ainsi, il suggère de maintenir la possibilité de dénoncer auprès du procureur de la République des faits qu'elles estiment constitutifs d'une infraction. Toutefois, en cas de classement sans suite ou si un délai de trois mois s'est écoulé depuis le dépôt de la plainte, la victime pourrait saisir le juge de l'enquête et des libertés, qui aura alors le pouvoir d'ordonner au parquet d'enquêter (4). « La victime pourrait [alors] devenir partie à une enquête et bénéficier pleinement des droits du contradictoire et de la défense, à savoir notamment l'accès au dossier, l'assistance d'un avocat lors des auditions, la possibilité d'effectuer des demandes d'actes et de soulever la nullité d'un acte », expliquent ses membres. Cette mesure, indique Philippe Léger, devrait permettre de « contourner l'éventuelle inertie du parquet dans la conduite des investigations ».
Les droits des parties civiles doivent également être renforcés durant la phase de jugement. Pour ce faire, le comité propose notamment qu'une victime puisse demander au parquet, lorsqu'elle n'a pas été avisée de la date d'audience au cours de laquelle il a statué sur des faits la concernant, de citer l'auteur des faits devant la juridiction pénale afin qu'elle se prononce sur les intérêts civils. Pour le comité, cette mesure devrait permettre de « mieux garantir les droits des victimes et de leur faire bénéficier des règles de la procédure pénale lorsque l'institution judiciaire a manqué à son obligation d'information ».
Par ailleurs, l'auteur souhaite, comme cela est permis à l'accusé et au ministère public, que la partie civile puisse disposer d'un droit de récusation lors de la formation du jury d'assises.
Le rapport avance aussi quelques propositions pour renforcer les droits du mis en cause. Par exemple, toute personne entendue par un service d'enquête, qu'elle soit placée ou non en garde à vue, devrait être informée des faits justifiant son audition. En outre, il suggère d'harmoniser les modalités de la garde à vue, au cours de laquelle l'intéressé pourrait bénéficier de droits de la défense accrus (renforcement de la présence de l'avocat, création d'une période de « retenue judiciaire » avant de décider d'une garde à vue...).
Par ailleurs, le membres du comité relèvent que le secret de l'enquête et de l'instruction est « plus souvent vu aujourd'hui comme heurtant le principe de la liberté d'information, principe renforcé ces dernières années par les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme ». Parallèlement, « tout en proclamant le principe d'un secret, le législateur en a exonéré toutes les personnes ne concourant pas à la procédure, soit le mis en cause, la victime mais également les journalistes ». Aussi suggèrent-ils, afin de clarifier la situation, de « supprimer le secret de l'enquête et de l'instruction mais de maintenir le secret professionnel et les sanctions qui s'y attachent à l'égard des personnes qui concourent à la procédure ».
D'autres mesures visent enfin à simplifier la procédure pénale (réduction des délais d'audiencement en matière criminelle, allégement de la procédure d'assises en cas de reconnaissance de sa culpabilité par l'accusé...) et à renforcer les garanties entourant le procès d'assises (motivation des arrêts, possibilité pour le jury d'accéder au dossier de la procédure...).
(1) Rapport disponible sur
(4) En cas de classement sans suite du juge de l'enquête et des libertés, la victime disposera d'un recours gracieux auprès du procureur général.