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Imaginer des réponses pour les sans-abri et leur chien

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La plupart des structures d'hébergement font l'impasse sur l'accueil des personnes à la rue avec chien(s). Mais, à l'heure où leur visibilité s'accroît, notamment dans les centres urbains, il devient urgent de trouver des solutions adaptées. Quelques pionniers mettent en place des expériences intéressantes.

Avoir un chien, dans la rue, n'est pas inutile : compagnon de galère, il rassure et réconforte tout en éloignant les importuns. « C'est le seul être qui me donne de l'amour », peut ainsi affirmer un homme sans abri (1). Acquis souvent au hasard des rencontres, il permet de mieux vivre la dure réalité de la rue grâce, notamment, à la sympathie qu'il inspire à certains passants. « C'est un support identitaire fort », avance le sociologue et maître-chien Christophe Blanchard. Malgré ces vertus, le chien reste néanmoins un frein à l'insertion. Il pose en effet un certain nombre de problèmes à son propriétaire et peut même devenir, selon le sociologue, une « source aggravante de marginalisation sociale ».

Avoir un chien représente un coût qui peut aller de 500 à 1 000 € par an, uniquement pour l'alimentation (2), ce qui est loin d'être négligeable pour son propriétaire, souvent très précarisé. En outre, sa présence - ou, plus exactement, la fusion existant entre le maître et son chien, qui, si elle permet parfois de reconstruire les fils d'un parcours difficile, rend toute séparation éprouvante - complexifie certaines étapes : « Où laisser son chien en cas d'hospitalisation ? Que faire de son animal lorsqu'il faut se rendre à un entretien d'embauche ou se déplacer dans des administrations pour effectuer des démarches sociales qui permettront justement la réintégration dans un système classique ? », s'interroge Christophe Blanchard, qui précise que le chien retarde tout particulièrement l'installation dans un logement stable, « ce qui freine tout le processus ultérieur d'accès à la formation ou à l'emploi ».

Face à ces situations, les structures d'hébergement proposent-elles des solutions adaptées ? Force est de constater que peu d'entre elles ouvrent leurs portes à ce type de public. A Paris, moins d'une centaine de places d'hébergement d'urgence lui seraient réservées. Malgré tout, une réflexion semble émerger. La FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) a ainsi organisé une journée nationale sur ce thème (3), s'appuyant sur le travail effectué par la FNARS des Pays-de-la-Loire, qui a débouché sur la publication d'un guide pratique (voir encadré, page 34). Car tout porte à croire qu'une fraction non négligeable de la population en errance continuera à se doter de chiens, ne serait-ce que pour compenser son mal-être social.

« L'enjeu est double, précise Martin Choutet, chargé de mission pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri et mal logées auprès du cabinet du préfet Alain Régnier. Il s'agit d'une part de prendre les personnes comme elles sont, avec leur chien, en organisant les dispositifs en conséquence et, d'autre part, de leur faire prendre conscience, grâce à l'accompagnement effectué par les travailleurs sociaux, des difficultés liées à sa présence. » Il n'est toutefois pas question de créer des structures dédiées à l'accueil de personnes avec chiens : celles-ci doivent s'intégrer aux dispositifs de droit commun. En revanche, des adaptations sont possibles - et souhaitables - « pour ouvrir quelques places au sein des structures existantes », comme le suggère la FNARS.

Les rares expériences en cours soulèvent d'ores et déjà une série de questions à ne pas éluder, tant sur le plan de l'accompagnement social qu'au plan architectural, sanitaire ou financier. La Cité André-Jacomet, à Paris, s'est lancée dans l'aventure en ouvrant, en septembre 2008, deux chambres pour personnes avec chien (sur 180 lits). « A reculons », de l'aveu même d'Agnès Noireaut, la directrice adjointe de l'établissement : « Salariés et usagers étaient très inquiets, explique-t-elle. Ils avaient notamment des craintes par rapport au comportement de l'animal. » Il a fallu organiser des réunions d'information, adapter le règlement intérieur et envisager la formation des professionnels (avec le groupe cynophile de la RATP). Côté aménagement, les murs des deux chambres ont été recouverts d'un revêtement en bois et la structure a été équipée de laisses, colliers, muselières, gamelles, brosses, croquettes de dépannage... Le tout pour un budget global d'environ 600 € (hors formations).

Un dispositif d'accueil spécifique a également été mis en place : l'entretien d'admission se fait en présence du chien afin d'évaluer dans quelle mesure l'animal obéit à son maître. En outre, un livret d'accueil précise que la responsabilité du chien incombe à son propriétaire, qui est chargé de le nourrir et de le soigner. Le résident doit désinfecter régulièrement la gamelle du chien, veiller à l'entretien de sa chambre et éviter autant que possible le contact de l'animal avec les autres usagers. L'ouverture de deux lits supplémentaires est prévue au bout de un an si le bilan se révèle satisfaisant. Le dispositif, très cadré, ne permet toutefois pas d'accueillir les personnes les plus marginales.

Il en va tout autrement pour les associations CASA, à Avignon (Vaucluse), et Les enfants du canal, à Paris (4), qui pratiquent un accueil inconditionnel. « Nous avons pris les personnes avec leur animal sans se soucier des questions législatives ou techniques », explique Christophe Louis, directeur de l'association parisienne, qui gère 21 chambres d'hébergement et dix chambres en habitat diffus. Sur la trentaine de personnes accueillies, un tiers environ possèdent un ou plusieurs animaux - des chiens, généralement, mais aussi des rats, des chats, des lapins, des souris... Au-delà de l'aménagement des locaux (avec un revêtement de sol adapté), une charte a été élaborée conjointement avec les résidents pour fixer des règles communes : les chiens doivent être tenus en laisse, porter une muselière et ne pas pénétrer dans les espaces communs. Participation des usagers et autogestion ont également été à l'origine de la création de l'association CASA, précurseur en matière d'accueil des SDF avec chiens. Créée en 2001 de l'action spontanée d'un groupe de sans-abri d'Avignon, l'association, qui gère aujourd'hui un équipement d'une vingtaine de lits (5), a d'emblée accepté toutes les personnes en possession d'un ou de plusieurs chiens. « Notre structure fonctionne très bien, note Frédéric Petit, qui réside à CASA avec son chien depuis quatre ans. Pourquoi cela ne serait-il pas le cas ailleurs ? »

Contrairement à la Cité Jacomet qui ne propose aucun service spécifique à destination des personnes avec chiens, l'association CASA travaille en partenariat avec la SPA (Société protectrice des animaux), un vétérinaire et un club canin afin d'améliorer les relations homme/animal - en organisant, par exemple, des concours de chiens de rue. Dans la même logique, l'association Les enfants du canal effectue un travail de sensibilisation autour du ramassage des déjections canines et des nuisances potentielles à l'encontre du voisinage et propose un accompagnement chez le vétérinaire. Des maraudes cynophiles devraient également être opérationnelles pour l'hiver 2009-2010 avec des « travailleurs pairs » - anciens sans-abri embauchés par l'association en contrat d'insertion - formés à l'éducation canine afin d'apporter des conseils, techniques et moyens aux propriétaires de chiens à la rue pour que l'animal soit en conformité avec la législation en vigueur (vaccin, tatouage...). Objectif : faire en sorte que l'animal ne soit plus un prétexte à l'exclusion. « Il ne s'agit pas de créer une maraude spécifique mais de répondre à un besoin, explique Christophe Louis. Car, bien qu'il existe quantité de maraudes à Paris, la plupart ne vont pas vers les personnes avec chiens, souvent par crainte de l'animal. »

Outre les maraudes cynophiles, d'autres dispositifs - distincts de l'hébergement - peuvent être proposés aux sans-abri avec chiens, qu'ils soient dans une dynamique d'insertion ou non. La ville d'Angers finance un service d'éducation canine, porté par la régie de quartier, à destination des personnes éloignées de l'emploi dans les quartiers prioritaires. Par le biais de cours individuels ou collectifs, sont dispensés des informations et des conseils de base en matière de réglementation ou d'éducation canine (effet de meute, mâle dominant, bagarre entre chiens...). Tous les 15 jours, l'éducatrice intervient au sein du Point accueil solidarité santé, une structure de jour du centre ville, qui a installé un chenil depuis deux ans pour permettre aux propriétaires de chiens de faire garder leur animal le temps d'un repas au restaurant social situé à proximité ou d'une démarche administrative. Dans le même registre, à Strasbourg, l'association Lianes propose des séances collectives de socialisation des chiens afin d'aider les personnes en grande difficulté, accompagnées de leur référent social, à reprendre confiance en elles en utilisant le chien comme médiateur (6). « L'éducateur canin est, semble-t-il, une profession avec laquelle il va falloir travailler », note Michel Blanchard, président du groupe d'appui national 115, qui se félicite du métissage professionnel suscité par l'accueil des personnes avec chiens.

Dans les chambres ou pas ?

Tout reste à construire, néanmoins. Parmi les questions posées par les structures d'hébergement qui souhaitent franchir le pas, celle de savoir s'il faut privilégier le chenil ou l'accueil des chiens dans les chambres est récurrente. Si le chenil offre, à première vue, une solution pratique, il ne résiste pas toujours à l'épreuve de la réalité. En effet, la plupart des sans-abri, notamment les « punks à chiens » (voir encadré ci-contre), souhaitent dormir avec leur(s) chien(s), le travail d'autonomisation de l'un par rapport à l'autre restant à faire. Dans ces conditions, pour eux, le chenil « serait un nouvel obstacle » à leur intégration dans une structure, explique Christophe Louis. De la même façon, si la plupart des établissements conditionnent l'entrée d'un chien au fait qu'il soit vacciné, en réalité, les carnets de vaccination sont rarement à jour. Plutôt que d'exclure, certains proposent alors un accompagnement vers la vaccination du chien, considérée comme un jalon, aussi modeste soit-il, dans le parcours d'insertion des personnes.

Le souci d'éviter l'exclusion des propriétaires de chiens des structures d'hébergement ne doit pas, toutefois, conduire à l'exclusion des non-propriétaires. Or, sur le terrain, il peut arriver que la présence de chiens incommode les usagers sans animaux. Au Relais Grand-Froid de Chambéry, une structure qui accueille de façon inconditionnelle des personnes en grande difficulté avec des problèmes d'addiction dans 28 chambres assez sommaires, dont 12 peuvent accueillir des publics avec chiens, Christophe Bastista, chef de service au sein de l'association La Sasson qui gère le local, observe des « débats tendus, avec agressivité physique », entre les hébergés qui ont un chien et les autres. Au coeur de ces tensions, les différences culturelles jouent un rôle important : certaines traditions - musulmanes notamment - considèrent le chien comme un animal impur qui n'a pas sa place à l'intérieur des habitations.

Pour apaiser le climat et, d'une façon générale, réaliser les ajustements nécessaires à la présence de chiens dans les centres d'hébergement, il paraît difficile de faire l'économie d'une « démarche participative qui intègre les maîtres aux instances, à l'entretien des locaux, etc. », explique Sébastien Perrinel, directeur adjoint de l'association L'horizon au Mans. Les décideurs et les techniciens du social doivent « élaborer avec les propriétaires précaires des réponses adaptées à leurs besoins spécifiques », renchérit Christophe Blanchard. Pensé collectivement, le règlement intérieur devra plus précisément entériner certaines décisions relatives à la présence des chiens : ont-ils accès aux parties communes ? Qui gère leur alimentation ?... Chaque structure peut bien entendu affiner ses réponses eu égard à son propre fonctionnement. Les expériences déjà en cours montrent toutefois que certaines options font leur preuve : les chiens restent sous la responsabilité de leurs maîtres et doivent être tenus en laisse. Ils ont accès à la chambre de leur propriétaire mais ne peuvent se rendre dans les lieux collectifs.

Reste entier le problème des gardes, bien que les chiots nouveau-nés se voient souvent désignés des « parrains » et « marraines », compagnons de rue des propriétaires de la chienne, afin de s'en occuper en cas de nécessité. « Car, quand un propriétaire a deux chiens et qu'on lui en confie deux autres, les difficultés sont bel et bien présentes », constate Christophe Blanchard. Pour y remédier, l'association Lianes a mis en place un service original de pensions pour chiens dans des familles d'accueil bénévoles en cas d'hospitalisation ou d'incarcération, pour quelques jours ou quelques mois, selon les situations. Car, au-delà de la difficulté qu'éprouve souvent le maître à se séparer de son chien, la pension « classique » coûte chère (12 à 14 € par jour au minimum). Et, en cas de décès du propriétaire, la question devient épineuse : « Que fait-on lorsqu'on se retrouve avec un, deux, parfois trois chiens sur les bras ? », demande un éducateur dont la structure a dû débourser une coquette somme le temps de trouver une solution d'adoption.

Un suivi socio-éducatif particulier

Au-delà des adaptations techniques et réglementaires, souvent vécues comme des contraintes, la présence du chien confère au suivi socio-éducatif une dimension supplémentaire qui peut enrichir le travail des professionnels. Ce qui suppose, toutefois, qu'ils aient vaincu leurs réticences : outre la peur de l'animal, il arrive qu'ils se sentent dépossédés de leur travail - « Je suis éducateur spécialisé et pas éducateur canin ! » -, voire accablés par des tâches supplémentaires. Impossible, dès lors, de faire l'impasse sur l'information, la sensibilisation et, dans le meilleur des cas, la formation du personnel. Pas question non plus de rester figé sur un jugement, largement partagé, selon lequel le chien sert d'alibi à son propriétaire pour ne pas entamer de démarches d'insertion. « C'est une représentation qu'il faut dépasser, explique Sébastien Perrinel. Arrêtons de faire abstraction de l'animal, prenons en compte le comportement du maître et, enfin, valorisons ses ressources personnelles. » Bien des sans-abri ne trouvent en effet la volonté de vivre que dans la relation très forte qu'ils ont nouée avec leur chien et il serait illusoire de vouloir les en séparer brusquement, même si, à terme, c'est l'autonomisation du maître par rapport à son chien qui est visée. « Je préfère échouer avec mes chiens que réussir sans eux », note d'ailleurs un jeune sans-abri (7). « Nous sommes dans une problématique très vaste qui renvoie à la fois à l'humain et à l'animal : il faut sans cesse aller de l'un à l'autre sans jamais perdre de vue notre objectif d'intégration de la personne », analyse la vétérinaire comportementaliste Nathalie Simon. Dès lors et sans nier les risques attenants à la présence de chiens (sanitaires et liés à leur agressivité), la prise en compte du binôme homme/chien s'impose.

Dans cette perspective, le chien peut servir de support à l'élaboration du projet d'insertion du maître et faciliter sa sortie de la rue. Pour encadrer le processus et donner des repères aux travailleurs sociaux, le foyer de la Tannerie, à Nantes, s'est doté d'un outil spécifique. Plutôt que d'abandonner l'expérience à la suite des difficultés (abandons de chiens, changements de propriétaire, maltraitance, trafics...) qui ont suivi l'installation d'un chenil, le centre Saint-Benoît, qui gère la structure, a décidé de se tourner vers des partenaires fiables pour assurer pleinement son rôle éducatif vis-à-vis des usagers.

C'est ainsi qu'a été mis en place, sous la houlette de Nathalie Simon, un dispositif d'accompagnement visant à valoriser le rapport à l'animal sous la forme d'une évaluation du couple homme/chien. « Ce binôme est très riche en enseignements sur l'histoire des personnes et peut nous aider à appréhender plus rapidement leurs difficultés sociales tout en créant du lien », explique Thierry Pastou, chef de service au centre Saint-Benoît. L'entretien d'évaluation, effectué en présence du vétérinaire, de l'éducateur spécialisé, de la personne et de son chien, sert de cadre à l'ensemble de la démarche d'insertion. Le propriétaire du chien est amené à considérer que son animal n'est un frein à son insertion que dans la mesure où il ne prend pas en compte les difficultés spécifiques engendrées par sa possession. Il s'agit également de valoriser la personne à travers le comportement bien traitant qu'elle adopte vis-à-vis de son chien, dont la fidélité sera d'autant plus indéfectible qu'il est correctement soigné - alors qu'un chien maltraité aura pour conséquence de dévaloriser le maître aux yeux des autres. « Par l'intermédiaire du chien, il est possible de contourner les pudeurs ou les incapacités des personnes à prendre soin d'elles (se reposer, avoir un lieu stable...) en faisant valoir que c'est aussi pour le bien de l'animal », explique Thierry Pastou. En outre, ces savoir-faire, une fois mis en évidence, entraînent rapidement une émulation auprès des autres propriétaires de chiens. Positive pour le SDF, la démarche l'est tout autant pour le chien : elle permet par exemple de prévenir les actes de maltraitance et les contagions de parasites. De compagnon de route, le chien peut alors devenir compagnon d'insertion.

En amont de ce processus vertueux, le chien apparaît également comme un atout pour établir le dialogue dès la prise de contact avec le travailleur social. « Montrer qu'on est capable de s'occuper d'un animal distingue d'une population qui est tombée encore plus bas », note Christophe Blanchard. « La personne, quand elle parle de son animal, se sent valorisée et a tendance à ne pas transformer la réalité », précise Thierry Pastou. Dès ces premiers moments, le maître, en montrant que le chien a besoin de lui, est ainsi habilité à se percevoir - et à se projeter - comme digne de confiance. Le travailleur social peut dès lors s'appuyer sur l'animal pour faire passer plus facilement des messages éducatifs, notamment en ce qui concerne le rapport à l'autorité : « Le propriétaire fixe généralement des règles à son chien, ce qui nous permet, à notre tour, de travailler sur les règles collectives », explique Christophe Louis. « En considérant la question de l'animal, on prend en compte la partie d'humanité que l'individu lui fait porter et qui lui appartient », explique, plus largement, l'association Les enfants du canal.

Le défi professionnel posé aux travailleurs sociaux par l'accueil des sans-abri avec chiens ne doit pas occulter la question du financement. A l'heure où les budgets sont tirés à la baisse, nombre d'actions n'auraient pas vu le jour sans l'aide des fondations et des associations de protection des animaux (8). « On bricole », résume Christophe Louis, directeur de l'association Les enfants du canal à Paris, dont la Fondation Brigitte-Bardot prend en charge les frais d'alimentation des chiens et les frais de vétérinaire. Du côté des aménagements architecturaux, les crédits du plan de modernisation des structures d'hébergement peuvent être activés : « 110 millions d'euros devraient être disponibles en 2009, il faut donc faire vite, tout en étant ambitieux », déclare Martin Choutet, chargé de mission auprès du cabinet du préfet Alain Régnier, qui espère ainsi que, bientôt, « toute une palette de réponses » seront disponibles pour l'accueil de ce public atypique : de la simple attache au chenil, en passant par la niche lorsque les locaux ne sont pas accessibles aux chiens jusqu'à la possibilité, pour l'animal, d'accéder aux chambres dans les structures collectives ou aux appartements en habitat diffus. « Il n'y a pas de modèles, ni de recettes miracle, remarque Christophe Louis. Il est pourtant nécessaire de faire preuve d'audace pour accompagner ces personnes au mieux. »

« UNE PRÉCARITÉ D'UN NOUVEAU GENRE »

La problématique des personnes en errance avec chiens, bien qu'elle ne soit pas nouvelle et renvoie même à un certain imaginaire romantique du vagabondage, a pris, selon le sociologue et maître-chien Christophe Blanchard, une dimension nouvelle avec l'apparition des « punks à chiens » dans la plupart des centres urbains d'Europe et d'Amérique du Nord. Agée de 17 à 35 ans, souvent masculine (9), cette population précarisée et souffrant de problèmes toxicologiques et alcooliques importants s'est généralement retrouvée « à la rue très tôt après des parcours familiaux et scolaires souvent très chaotiques » (10). Peu mobile, elle parcourt chaque jour un itinéraire ritualisé allant des lieux d'accueil municipaux ou associatifs aux pôles commerçants de la ville en un « système géographique cohérent qui entretient [son] identité ». Pour ces personnes, poursuit le sociologue, « avoir un chien signifie qu'on appartient à une certaine communauté qui se distingue des jeunes - souvent festivaliers - qui ne vivent à la rue que l'été. C'est également une borne biographique qui permet de séquencer la monotonie du quotidien et de donner des repères dans le parcours de vie. » « Ce n'est pas un effet de mode, observe-t-il. Mais plutôt l'émergence d'une précarité d'un nouveau genre. »

UN GUIDE POUR UN ACCUEIL ATYPIQUE

Mine d'informations à destination des responsables de structures qui souhaitent franchir le pas de l'accueil de public avec chiens, le guide publié par la FNARS est le résultat de consultations et de réflexions engagées pendant plus d'un an entre la FNARS Pays-de-la-Loire, ses adhérents et ses partenaires (11).

Pratique, concret et évolutif, il s'adresse aussi bien aux professionnels qu'aux usagers. Pour les premiers, le guide présente d'abord les textes administratifs et réglementaires qui encadrent l'accueil des personnes avec chiens. Pour prévenir les risques inhérents aux nuisances sonores et olfactives, l'ouvrage rappelle que les gestionnaires doivent respecter quelques textes de référence, notamment le règlement sanitaire départemental (RSD). Au-delà d'un certain nombre d'animaux accueillis, la structure est considérée comme un élevage et au moins un professionnel doit être titulaire d'un certificat de capacité relatif à l'entretien des animaux de compagnie. Le guide fournit également des clés pour ajuster les outils retenus au projet de la structure, et pour les évaluer. Il rappelle qu'il est conseillé de préciser la spécificité de l'accueil proposé pour les personnes avec chiens en débattant, avec les usagers, des règles d'hygiène et de sécurité, du respect du voisinage, des usagers et des professionnels, du ramassage des déjections canines, de la limitation ou non du nombre de chiens, de la participation financière des usagers pour l'hébergement et l'alimentation du chien... Pour le bon fonctionnement de la structure, il est également important de préciser à tous les équipements mis à disposition, les prestations proposées (éducation canine, gardiennage du chien...), les conditions d'accompagnement (entretien avec ou sans chien par exemple) et les sanctions éventuelles. Selon les partenariats noués, il peut arriver que la structure fournisse croquettes et conserves, voire carrément un « kit » constitué d'une laisse, d'une gamelle, d'un anti-parasite... Le guide fait, en outre, le point sur les responsabilités du maître, notamment en matière d'identification du chien et d'assurances. Enfin il propose des pistes pour développer des pratiques professionnelles adéquates : participation des maîtres à l'entretien des locaux et aux équipements canins, distribution d'informations canines, modes de garde du chien, mise en place de partenariats... Attaches, niche ou chenil, accueil en chambre ou en habitat diffus : le guide rappelle que les solutions sont multiples. Pour compléter le tout, quatre fiches cartonnées à destination des usagers permettent de faire le point autour des thèmes « vivre avec son chien », « avoir un chien : avoir une responsabilité », « prendre soin de son chien » et « les chiens dits dangereux ».

Notes

(1) In SDF : un chien pour seul compagnon , reportage diffusé sur la chaîne NT1.

(2) A quoi il faut ajouter les frais de vaccination (entre 45 et 70 par an), de stérilisation (250 ), d'hygiène (environ 120 ), de trousseau (laisse, gamelle), d'assurances, de pension...

(3) Intitulée « L'accueil des personnes avec chiens : comment le travail social peut-il s'en saisir ? », cette journée thématique nationale a eu lieu le 12 mai dernier à Paris.

(4) Association créée dans le cadre de l'action des Enfants de Don Quichotte - http://lesenfantsducanal.fr/.

(5) Voir ASH n° 2570 du 29-08-08, p. 49.

(6) Lianes propose également ses services pour rassurer et conseiller les structures d'hébergement qui souhaitent accueillir des personnes avec chien(s) en les aidant notamment à élaborer un nouveau règlement intérieur ou en assurant les promenades du chien en cas d'absence prolongée du maître - Contact : http://association.lianes.free.fr/.

(7) In SDF : un chien pour seul compagnon , reportage diffusé sur la chaîne NT1

(8) La Fondation Sommer, qui vise à améliorer les relations homme/animal (www.fondation-apsommer.org), la SPA et la Fondation Brigitte-Bardot sont des partenaires financiers de premier plan.

(9) Depuis quelques années, néanmoins, le nombre de femmes sans abri avec chien(s) augmente. Celles-ci nouent une relation très forte avec l'animal qu'elles considèrent souvent comme un enfant de substitution.

(10) « Les jeunes errants et leurs chiens : nouvelles figures urbaines de la précarité », article de Christophe Blanchard, avril 2009 - chrbblanchard@yahoo.fr.

(11) Des maîtres et des chiens - Guide pratique pour l'accueil des personnes accompagnées de leur(s) chien(s) - Disponible sur www.fnars.org.

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