Le ministre de l'Immigration a reçu le 17 juillet une vingtaine d'associations d'aide aux étrangers pour discuter du « délit de solidarité »... et notamment leur proposer de modifier légèrement une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) afin, en particulier, de mieux protéger les travailleurs sociaux appelés à apporter une aide humanitaire aux clandestins (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 29).
Il s'agit plus précisément de l'article L. 622-4 du Ceseda, qui dispose qu'il ne peut y avoir de poursuites pénales « lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ». Cet article, a expliqué le ministre, vise à protéger explicitement l'action humanitaire de toute poursuite, tout en maintenant ces poursuites lorsque l'aide apportée à l'étranger en situation irrégulière a des contreparties comme par exemple une servitude domestique ou le versement d'un loyer.
Toutefois, pour apaiser le sentiment de « pression policière » exprimé par les acteurs de terrain - et « même si aucune condamnation d'un acte humanitaire n'a pu être retrouvée » -, Eric Besson s'est dit prêt à modifier cette disposition en concertation avec les associations. « L'exonération dont bénéficie l'aide humanitaire, telle que prévue par l'article L. 622-4 du Ceseda, peut [...] paraître rédigée de manière trop restrictive, et conduire un lecteur non averti à penser que seule l'aide aux étrangers en quasi danger de mort est effectivement exonérée des poursuites et condamnations prévues à l'article L. 622-1 », a ainsi reconnu le ministre, ajoutant qu'une amélioration de la rédaction de cette disposition « permettrait probablement d'apporter aux acteurs du secteur une sécurité juridique supplémentaire, face à ce qu'ils conçoivent comme un risque non avéré mais potentiel ». Concrètement, « nous pourrions notamment compléter cette exemption en y ajoutant clairement l'ensemble des agents des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dans l'exercice de leur mission, au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale », a-t-il suggéré. « Ces travailleurs sociaux sont en effet amenés à apporter au quotidien une aide humanitaire aux étrangers en situation irrégulière dans le cadre de leur mission, et ne peuvent donc pas être inquiétés à ce titre. »
Poursuivant sur le thème du « climat de pression policière qui pèserait sur l'activité quotidienne des associations humanitaires », le ministre de l'Immigration a encore insisté sur sa volonté de sanctuariser les lieux dans lesquels est apportée une aide humanitaire. « Les lieux où sont soignées, alimentées, hébergées les personnes en situation de détresse, ne sauraient être les cibles d'une politique de contrôle et d'interpellation pour les forces de police et de gendarmerie », a-t-il souligné, sauf s'il s'agit d'opérations ordonnées par la justice, « qui peuvent être parfaitement justifiées lorsqu'elles sont indispensables au démantèlement d'une filière ». Concrètement, Eric Besson a annoncé qu'il travaillera, « dès la rentrée », en lien avec la garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur, à l'élaboration d'une circulaire qui précisera « l'ensemble des lieux qui doivent être exclus, pour des raisons humanitaires, des opérations de contrôle » des forces de l'ordre.
Au cours de la même réunion, le ministre a encore proposé de lancer l'élaboration d'un guide à destination des bénévoles et des salariés des associations humanitaires, afin notamment de leur permettre de « mieux identifier les risques qui s'attachent aux filières d'immigration clandestine ». « Des questions simples et concrètes devront [y] être posées », a expliqué Eric Besson : « quels sont les signes qui peuvent laisser penser qu'un centre d'hébergement d'urgence est utilisé par une filière d'immigration clandestine », « peut-on héberger un étranger en situation irrégulière, en toute connaissance de cause, au-delà de l'urgence, et sans limitation de durée », « peut-on exiger de lui une contrepartie à son hébergement [etc.] ? »
Pour finir, le ministre a indiqué vouloir réunir de nouveau les associations avant la fin de l'année, « pour faire le point sur ces trois propositions d'actions et ouvrir de nouveaux chantiers ».