Aux yeux du secteur associatif, le « livre vert » sur la jeunesse, rendu public le 7 juillet (1) à l'issue des travaux de la commission de concertation présidée par Martin Hirsch, contient des avancées incontestables. Pour autant, la prudence reste de mise en attendant les arbitrages du gouvernement et le chiffrage des mesures retenues. Plusieurs propositions, en matière de formation, d'orientation, d'emploi, de ressources et de logement, semblent de nature à poser les bases d'une politique rénovée, estime ainsi le Cnajep (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire). Mais « quels moyens seront débloqués ? Quelle part assumera l'Etat, et corrélativement quelles compétences envisage-t-il de transférer aux collectivités ? Quels partenariats seront noués avec les acteurs agissant dans le champ des politiques jeunesse, notamment avec les associations dont le tissu est actuellement fragilisé par le désengagement de la puissance publique ? » L'organisation s'interroge aussi sur la possibilité de renverser l'image « stigmatisante et criminalisante » qui préside souvent aux politiques en direction de la jeunesse. La réserve est de même nature à l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ). Celle-ci se félicite de « l'affirmation d'une politique jeunesse transversale, appuyée sur une loi d'orientation et de programmation », tout en demandant une clarification sur les moyens, la gouvernance des dispositifs, et une articulation entre les différentes politiques concernant les jeunes, trop souvent contradictoires.
Sur la question des ressources, l'un des volets majeurs de la concertation, les acteurs restent encore dans l'expectative, le « livre vert » n'ayant pas tranché entre un système de dotation ou d'allocation. En attendant, l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) se félicite d'avoir eu gain de cause sur le plan des principes : « Nous avons insisté pour éviter un système réservé seulement aux jeunes capables d'entrer dans un parcours de formation ou d'emploi, explique Bruno Grouès, conseiller technique à l'Uniopss. Selon la rédaction finale, le soutien à l'autonomie serait aussi un droit pour les jeunes éloignés de l'emploi qui accepteraient d'entrer dans un parcours d'insertion sociale. » L'Uniopss s'interroge sur les avantages et les inconvénients des deux systèmes - la dotation, défendue par Martin Hirsch, ou l'allocation - qui devraient faire l'objet d'expérimentations.
Pour Nicole Maestracci, présidente de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale), ce débat sur le choix des dispositifs est secondaire : « La vraie question est celle du niveau d'effort » consenti par l'Etat. Par ailleurs, analyse-t-elle, le système préconisé hésite encore entre le modèle des pays du Nord, fondé sur l'indépendance financière des jeunes grâces aux aides de l'Etat, et celui des pays du Sud, qui s'appuie sur le soutien familial. « La contrepartie de l'approche universelle aurait dû être de réorienter les aides aux familles. Mais, faute d'être allé jusqu'au bout de la logique, on reste dans un système hybride. » Quant à la proposition d'instaurer un système équivalent au revenu de solidarité active (RSA) « complément de revenu » pour les moins de 25 ans déjà en emploi, elle représente, pour la présidente de la FNARS, « une petite ouverture ».
D'autres propositions sont jugées intéressantes, comme celle de créer un « service public de l'orientation », de conforter les missions locales dans leur rôle de « pivot de l'insertion des jeunes éloignés de la formation et de l'emploi ou ayant des problématiques sociales particulières ». L'instauration d'une mesure de protection pour les jeunes sans ressources et privés de soutien familial, dont la responsabilité serait partagée entre le conseil général et l'Etat, a particulièrement été plébiscitée par les réseaux associatifs intervenant auprès des jeunes en difficulté. « Si nous nous satisfaisons des principes énoncés, leur application reste à approfondir et à arbitrer, commente Karine Métayer, conseillère technique à l'Uniopss. Quelle sera la répartition des compétences entre l'Etat et les conseils généraux ? Pour ces derniers, seront-elles obligatoires ou facultatives ? » L'Uniopss, qui estime que le partage des compétences devrait se traduire par un transfert de financement adapté aux conseils généraux, réfléchit à des propositions de mise en oeuvre concrète. Quant au chapitre du logement, les pistes avancées « ne pourront être effectives que lorsque l'on sera venu à bout de la crise du logement », nuance Nicole Maestracci. Les préconisations en matière de santé, notamment de prévention, sont jugées parmi les plus timides.