La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la France, le 9 juillet, pour traitements dégradants à l'égard d'un prisonnier jugé dangereux et placé sous le régime de haute surveillance réservé aux détenus issus du grand banditisme.
Selon la Cour, « les conditions de détention du requérant, classé DPS [détenu particulièrement signalé] dès le début de son incarcération, soumis à des transfèrements répétés d'établissements pénitentiaires, placé en régime d'isolement à long terme et faisant l'objet de fouilles corporelles intégrales régulières s'analysent, par leur effet combiné et répétitif, en un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 » de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Dans cette affaire, un homme a été incarcéré en 2001 puis condamné pour vol, séquestration, tentative d'homicide sur un fonctionnaire de l'administration pénitentiaire et participation à une tentative d'évasion par hélicoptère. Placé dès le début de son incarcération sous haute surveillance, il a été maintenu en isolement, a changé 16 fois d'établissements et subi des fouilles corporelles systématiques, avec pour seule justification les actes commis avant sa détention. Or, pour la Cour, la décision de mise en isolement doit être motivée et la seule référence au grand banditisme ou au risque d'évasion, non étayée, est insuffisante. En outre, la Haute Juridiction européenne estime que l'attitude des autorités pénitentiaires n'a pas permis de tenir compte d'un changement du comportement du détenu et l'a privé de toute chance de réinsertion future, ce qui constitue un traitement inhumain et dégradant.
La CEDH estime par ailleurs qu'il y a violation de l'article 13 de la Convention, en ce que le détenu n'a pas disposé d'un recours effectif pour faire valoir ses griefs, notamment au regard des transferts répétés et des fouilles corporelles fréquentes.
Globalement, la juridiction de Strasbourg pointe le traitement particulièrement sévère, automatique et indifférencié des détenus considérés comme les plus dangereux. Un traitement qui prend appui sur une note de service du ministère de la Justice du 20 octobre 2003, annulée depuis par le Conseil d'Etat dans une décision du 29 février 2008.
Avec cet arrêt, la CEDH entend ainsi poser une limite morale à la politique sécuritaire de la France envers les détenus jugés particulièrement dangereux. Le gouvernement français peut encore faire appel de cette décision, qui condamne en outre la France à verser 12 000 € au requérant pour dommage moral.