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Bien que répondant aux besoins des familles, la PAJE laisse subsister des inégalités, constate l'Assemblée nationale

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale a présenté, dans un rapport rendu public le 8 juillet (1), un premier bilan de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), dont la montée en charge s'achèvera à la fin de l'année. Fin 2008, elle était versée à plus de 2,2 millions de familles et représentait 11,4 milliards d'euros, soit 99 % des dépenses pour les prestations petite enfance. Une lourde charge pour la branche famille qui, après avoir été excédentaire, affichait un déficit de 300 millions à cette même date, déficit qui devrait atteindre 2,6 milliards en 2009 (2). Malgré un apparent succès, la PAJE, qui vise à favoriser le libre choix des familles, « n'a pas permis de corriger certaines disparités », relève la mission, qui formule donc un certain nombre de propositions pour y remédier.

Un succès qui coûte cher

Pour mémoire, la PAJE est constituée d'un socle de base comprenant la prime à la naissance (ou à l'adoption) et l'allocation de base. Ses trois autres composantes sont des compléments, à savoir le complément de libre choix d'activité (CLCA), le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) et le complément de libre choix du mode de garde (CMG). Selon le rapport, en décembre 2008, neuf familles sur dix ayant un enfant de moins de 3 ans percevaient une ou plusieurs composantes de la PAJE (3). Plus précisément, 46 % d'entre elles recevaient uniquement l'allocation de base et 9 % le complément de mode de garde pour l'emploi d'une assistante maternelle. Les familles cumulaient le plus souvent l'allocation de base avec le CLCA (18 %), le complément de mode de garde pour l'emploi d'une assistante maternelle (12 %) ou avec ces deux dernières prestations (5 %).

Les dépenses liées à la PAJE ont, quant à elles, progressé d'environ un tiers depuis sa création en 2004, « notamment sous l'effet du fort développement de l'aide à la garde par une assistante maternelle », souligne la MECSS. Alors que le gouvernement avait avancé, lors du vote du projet de loi instituant la prestation, un surcoût prévisionnel de 800 millions d'euros à l'issue de sa montée en charge, ce sont en fait 8,3 milliards qui y ont été réellement affectés. Si l'augmentation du coût de la PAJE a conduit le gouvernement à s'interroger sur le calibrage de la prestation, « les rares mesures correctrices qui ont été prises ont été de faible ampleur ou n'ont pas été couronnées de succès », regrette la mission. Celle-ci estime que le surcoût de la PAJE « résulte d'une sous-évaluation persistante des effets liés à son extension et à la modification du comportement des familles ». « Une partie de la sous-estimation provient [aussi] de la difficulté de chiffrer le surcroît de dépenses lié à la prise en charge des indemnités d'entretien des assistantes maternelles, désormais intégrées dans la base de remboursement de la PAJE ». Aussi les députés suggèrent-ils à la branche famille de « renforcer, autant que faire se peut, son expertise afin de fiabiliser davantage les prévisions de dépenses que le gouvernement est amené à soumettre au vote des assemblées » lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Un objectif de simplification « partiellement atteint »

Même si elle est appréciée des familles, la PAJE reste « relativement complexe » malgré le regroupement de diverses prestations sous une appellation unique. En effet, explique la MECSS, « la PAJE est une prestation composite qui rassemble plusieurs prestations ayant chacune leur objet particulier et leurs règles propres, parfois plus complexes que les règles applicables aux prestations antérieures ». Cette complexité, qui « correspond [certes] à la volonté de les adapter aux besoins des familles », a aussi l'inconvénient de rendre leur gestion par les caisses d'allocations familiales « plus difficile et plus lourde et a des conséquences en termes d'efficience », ajoute-t-elle.

Pour simplifier le dispositif, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a lancé en mai dernier le site Internet www.mon-enfant.fr, qui propose aux parents une information complète régulièrement mise à jour pour les aider à trouver une solution de garde. A l'occasion de son audition devant la mission, le 19 mai, la secrétaire d'Etat chargée de la famille a clairement indiqué que « la prime à l'installation des assistantes maternelles ne leur sera versée que si les informations les concernant sont mises en ligne sur ce site ».

Un point positif : selon une enquête de satisfaction menée en 2005 par la CNAF, le centre national Pajemploi - service auprès duquel s'effectuent les formalités de la PAJE - est jugé « plus simple et facile d'utilisation », rapporte la mission, une appréciation corroborée par le fait que, en 2008, 85 % des déclarations étaient effectuées sur Internet.

Des disparités dans le choix des compléments

Même si « le complément de libre choix d'activité favorise le maintien d'une activité à temps partiel pour les femmes, [il n'a toutefois] pas permis de réduire les inégalités entre hommes et femmes », estiment les députés. A la fin 2008, 570 000 personnes bénéficiaient de cette prestation, dont seulement 2,5 % de pères. Ce taux n'a pratiquement pas bougé depuis la création de la PAJE et, « à ce rythme, le délai pour parvenir à un éventuel rééquilibrage entre les pères et les mères risque d'être long », soulignent-ils, ajoutant par ailleurs que le CLCA à temps partiel a surtout profité aux mères de familles aisées. C'est pourquoi la MECSS suggère de « s'orienter vers un congé mieux indemnisé mais d'une durée plus courte, qui pourrait être de un an, et dont au moins une partie serait partagée entre le père et la mère » (4). Elle souhaiterait aussi que ses modalités soient souples pour notamment permettre la prise du congé de manière fractionnée, « par journée, par exemple jusqu'aux 10 ans de l'enfant ». Cette réforme pourrait, selon elle, « permettre de dégager un nombre de places de garde significatif actuellement utilisées pour la garde d'enfants de moins de 1 an » et de les redéployer pour accueillir des enfants plus âgés, en particulier ceux de 1 à 2 ans. En toute logique, les députés militent également pour une réforme du congé parental - dont les contours doivent être discutés au sein du Haut Conseil de la famille installé en juin dernier (5). Il s'agirait d'un congé « plus court, mieux indemnisé, partagé et souple qui permette d'améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale et de réduire les inégalités dans l'arbitrage entre le travail et les tâches familiales en fonction du niveau des ressources et du sexe ».

De son côté, le COLCA - réservé aux parents ayant au moins trois enfants à charge - n'a pas trouvé son public, constate la mission : deux ans et demi après sa création, on ne dénombrait que 2 100 bénéficiaires. Une insuffisance déjà pointée par la Cour des comptes (6). Toutefois, cette formule semble plaire aux pères puisqu'elle en rassemble trois fois plus que ne le fait le CLCA de rang 3. Quelle explication à cela ? « Peut-être est-ce seulement en raison d'une promotion et d'une communication insuffisantes », avance la mission.

Enfin, le complément de libre choix du mode de garde est en « fort développement », constate la mission : en décembre 2007, le nombre de ses bénéficiaires s'élevait à 810 000. Le coût des aides directes versées aux familles pour le financement d'un mode de garde payant a pratiquement doublé, puisqu'il est passé de 2,3 milliards d'euros en 2003 à 4,5 milliards en 2008. Selon l'enquête de satisfaction de la CNAF menée en 2005, les parents considèrent que cette prestation favorise effectivement le libre choix du mode de garde et réduit fortement leur reste à charge : de 63 % pour une assistante maternelle et de 47 % pour une garde à domicile. Toutefois, regrette la MECSS, « des inégalités subsistent ». Même si, après allocations et crédits d'impôt, le taux d'effort est ramené à 5 % ou 7 % du budget, quels que soient les niveaux de vie des parents, « l'emploi d'une garde à domicile, même partagée, reste trop onéreux pour les parents les plus modestes ». Aussi préconise-t-elle de procéder à une nouvelle revalorisation du montant maximum du CMG pour ces familles. Mais pour qu'elle produise pleinement son effet, « il conviendrait de relever le plafond d'aide actuellement fixé à 85 % de la dépense engagée ». Pour financer cette majoration, les députés recommandent de diminuer les plafonds de ressources pour l'attribution de l'allocation de base et de la prime à la naissance. « Par cohérence, ajoutent-ils, il serait souhaitable de cesser de verser la majoration du CLCA aux familles ayant les revenus les plus élevés qui ne perçoivent pas l'allocation de base ».

F. T.

Notes

(1) Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2614 du 19-06-09, p. 11.

(3) 60 % d'entre elles bénéficiaient d'une seule composante, 35 % de deux composantes et 5 % de trois composantes.

(4) Un partage que prônait déjà l'inspection générale des affaires sociales en 2006 - Voir AH n° 2469 du 15-09-06, p. 9.

(5) Voir ASH n° 2613 du 12-06-09, p. 16.

(6) Voir ASH n° 2573 du 19-09-08, p. 11.

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