C'est l'annonce de la mort de Blanche qui l'a replongé dans son passé... Blanche était hébergée dans un foyer d'accueil pour déficients mentaux. En 1978, Bernard Grandjean y avait été éducateur. Comme il est devenu dessinateur depuis, c'est sous forme de B.D. qu'il a eu envie de raconter son autobiographie. Sur fond noir et blanc, avec quelques pointes bleu-vert, le trait échappe au réalisme, pour rester fidèle à la mémoire.
Lui revient son adolescence, solitaire, aux beaux-arts de Lyon. Ses histoires d'amour impossibles, ses recherches esthétiques. Il finit par abandonner et découvre le foyer, pour un remplacement d'abord. Bernard est conquis. Et il le dit en croquis : il dessine les visages des pensionnaires, leurs répliques, leurs manies, avec tendresse et humour. La distribution des médicaments au petit déjeuner, l'atmosphère d'excitation quasi constante, son désarroi face à une équipe qui semble parler une langue étrangère. Peu à peu, pourtant, il s'initie, s'épanouit. Le trait s'apaise.
Puis devient fébrile : un soir, il tombe amoureux. Le besoin d'aller voir ailleurs, la répétition, l'usure du temps, une ambiance devenue délétère au foyer : il démissionne et décide, avec son amie, de s'installer à Paris. C'est là qu'il va faire du dessin son métier. Mais sans abandonner totalement ses années du foyer. En y réfléchissant, penché sur sa planche, Bernard Grandjean se sent entouré, dans son bureau solitaire, par tous les résidents. Ce sont eux qui, trente ans plus tard, lui donnent envie de raconter sa vie, de coucher ses « belles années » sur le papier pour en sortir grandi.
Les belles années - Bernard Grandjean - Ed. La boîte à bulles - 15 €