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Justice pénale des mineurs : les contre-propositions associatives

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Citoyens et justice, la FN3S, l'Unasea et l'Uniopss ont adressé aux administrations, à la fin du mois de juin, leurs observations et propositions sur l'avant-projet de code de la justice pénale des mineurs. Outre le maintien des principes fondamentaux du dispositif, ces organisations réclament un groupe de travail sur le sort des 10-13 ans.

Dans l'attente du calendrier fixé par la nouvelle ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, les consultations se poursuivent sur l'avant-projet de code de la justice pénale des mineurs, daté du 30 mars dernier. Après de premières réactions véhémentes (1), dont celle de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), les quatre grandes organisations intervenant dans le champ de l'enfance et de la jeunesse - Citoyens et justice, la FN3S, l'Unasea et l'Uniopss - ont adressé leurs observations et demandes d'amendements à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et à la direction des affaires criminelles et des grâces à la fin du mois de juin.

Les fédérations associatives désapprouvent clairement plusieurs dispositions qui fondent la philosophie générale du texte : le « démantèlement » de la fonction du juge des enfants, clé de voûte de la justice des mineurs, en raison du renforcement du rôle du parquet, la possibilité d'incarcérer les enfants dès 13 ans (alors que la commission Varinard proposait 14 ans et, par exception, 12 ans en matière criminelle), les dispositions relatives aux 16-18 ans, « qui glissent d'un régime spécialisé vers un régime général », et les « contradictions relatives aux mineurs de 10 à 13 ans », soumis à des dispositions spécifiques. Elles formulent, en préalable, plusieurs revendications d'ordre plus politique que technique : la rédaction d'un code dédié aux mineurs réunissant à la fois les dispositions pénales, civiles et sociales, la mise en oeuvre d'une réforme cohérente avec « la refonte de la politique de la jeunesse », des moyens « adaptés aux missions et ambitions de la justice des mineurs » et un moratoire législatif de cinq ans sur les lois relatives à la délinquance juvénile, afin d'accorder du temps à l'expérimentation et à l'évaluation. Plus globalement, elles souhaitent que la réforme fasse l'objet d'un « débat public national et d'une concertation de tous les acteurs ».

Estimant que les principes généraux de la justice des mineurs sont, malgré les intentions affichées, battus en brèche dans le détail du texte, les associations proposent de créer un « livre préliminaire » qui listerait l'ensemble de ses principes fondamentaux - internationaux, constitutionnels et législatifs. Au chapitre des ambiguïtés à lever, la double compétence du juge des enfants devrait clairement être affirmée. Et la place du secteur associatif habilité, quasiment pas mentionné, rappelée, pour éviter que ce dernier ne soit cantonné dans une fonction de prestataire subsidiaire.

Quant aux modifications apportées par le texte, les organisations refusent que le juge des enfants soit écarté de l'instruction : « Il faut conserver la relation humaine qui fait partie de l'acte du processus éducatif accompagnant la sanction. » La mise en place d'un « mandat unique à la PJJ » (2) lui ôterait en outre le pouvoir de désigner directement le service chargé de mettre en oeuvre la mesure, contestent-elles, réclamant que la totalité des compétences des juges des enfants (instruction, jugement et application des peines) soient explicitement préservées. Autre requête : ôter au classement sans suite le critère d'« exceptionnel » prévu dans l'avant-projet au nom du « principe de nécessité de réponse pénale ». De même, pour préserver la liberté d'appréciation des magistrats, le principe de progressivité dans la sévérité des réponses devrait être remplacé par celui de « cohérence, proportionnalité et individualisation ». Les organisations préconisent la collégialité des formations de jugement « pour toutes les infractions risquant une peine de plus de trois ans d'emprisonnement et pour toutes celles commises en état de récidive », alors que le texte prévoit un juge unique pour les délits dont la peine encourue est inférieure à cinq ans, soit « la majorité des affaires concernant les mineurs ».

Les organisations réagissent également aux sanctions éducatives retenues (avertissement judiciaire, remise à parents, suivi éducatif en milieu ouvert et placement). Pour assurer le temps nécessaire à la réinsertion, argumentent-elles, leur durée devrait pouvoir atteindre deux ans, et non six mois renouvelables une fois. Les dispositions prévues risqueraient par ailleurs de se traduire par une quasi-disparition de la réparation pénale parmi les alternatives aux poursuites, en la transformant en « simple module de suivi éducatif » et en n'autorisant « que les réparations directes, soit 10 % des mesures actuelles, et en les subordonnant à l'accord préalable de la victime ». Les fédérations proposent donc à la DPJJ de les associer à une réflexion sur la réparation et suggèrent d'ores et déjà de retenir deux types de mesures : une « réparation citoyenne » dans le cadre des alternatives aux poursuites et une réparation pénale intégrée aux sanctions éducatives. Elles prônent également le maintien de la médiation pénale, « utilisée avec succès par certains parquets à raison de 2 000 à 3 000 mesures par an sur l'ensemble du territoire ». La durée des mesures d'investigation, plaident-elles, devrait être de trois mois renouvelables une fois (la durée actuelle de l'IOE est de six mois), contre une durée unique de trois mois maximum dans l'avant-projet.

Tout comme l'AFMJF, les organisations désapprouvent fortement les dispositions pour les 10-13 ans, qui se verraient jugés en responsabilité civile, tout en pouvant faire l'objet d'une retenue au cours de l'enquête et de mesures éducatives, provisoires où à la suite de l'audience. En vertu de l'âge de responsabilité pénale fixé à 13 ans, elles estiment que ces mineurs ne devraient plus relever du nouveau code. Elles sollicitent la mise en place d'un groupe de travail paritaire, rassemblant les représentants du secteur associatif habilité, de la DPJJ, des magistrats, et le cas échéant, des professionnels de santé, chargé de mener une réflexion en profondeur et d'envisager les modalités de leur prise en charge, à travers, notamment, des mesures d'assistance éducative ou de protection administrative.

A l'instar également de l'AFMJF, les organisations soutiennent l'idée d'une « césure de la procédure », avec la création d'une audience préliminaire, dont l'objectif serait « de rendre la première rencontre avec le juge des enfants plus solennelle, de renforcer la représentation de la justice et de ses objectifs », au cours de laquelle le juge des enfants déciderait de l'opportunité des suites à donner. Autre axe présent dans les recommandations de la commission Varinard, mais au final non retenu : la « déjudiciarisation » du premier acte de délinquance sans gravité, en s'appuyant sur les instances locales existantes. Les fédérations demandent une réflexion pluridisciplinaire sur le sujet.

Notes

(1) Voir ASH n° 2613 du 12-06-09, p. 23.

(2) Le secteur associatif n'est pas cité comme pouvant être désigné directement par le juge.

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