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Errance, prostitution et toxicomanie dans le nord-est parisien : améliorer la prise en charge...

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Mieux comprendre les spécificités des populations en situation d'exclusion fréquentant les gares de l'Est et du Nord, à Paris, et concernées par les conduites addictives, l'errance et la prostitution, pour mieux adapter leur prise en charge sanitaire et sociale. Tel est l'objectif d'une étude « ethnographique et qualitative » réalisée par le Groupe de recherche sur la vulnérabilité sociale et l'Observatoire régional de santé Ile-de-France, à la demande d'un comité de pilotage constitué de la Préfecture de Paris, de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé de la Ville, de la direction des affaires sanitaires et sociales et de la mairie du Xe arrondissement (1). Dévoilée par le site Mediapart, elle devrait être rendue publique au mois d'octobre, indique-t-on à la Ville de Paris, accompagnée de réponses des pouvoirs publics.

« La focalisation de populations socialement vulnérables ou en situation de grande précarité aux abords et à l'intérieur des gares est un constat sociologique qui se vérifie dans chaque grande agglomération », expliquent les auteurs. Les gares, en effet, sont des « lieux de sociabilité marginale », de rupture de liens, qui concentrent une multiplicité de formes d'exclusion, mais aussi des comportements communs caractérisés par la complexité des réponses à apporter. Personnes sans domicile marquées par l'isolement et l'usage de l'alcool, injecteurs de produits psychoactifs, jeunes errants, sans-abri originaires de Roumanie, migrants afghans, irakiens, kurdes, iraniens en transit, personnes à faibles ressources disposant d'un logement mais qui fréquentent les distributions alimentaires et entretiennent une « sociabilité » avec les sans-domicile, prostitués... Les observations de terrain ont permis d'estimer cette population à au moins 600 personnes, dont une centaine de jeunes sans domicile. Leurs raisons de fréquenter ce territoire sont liées aux activités qui peuvent y être pratiquées : la mendicité, la prostitution professionnelle ou occasionnelle, notamment parmi les adolescents, dont de jeunes Roumains qui y recourent sans pour autant le reconnaître. Ces publics viennent aussi trouver dans les gares une réponse à des besoins de première nécessité - se nourrir grâce aux distributions alimentaires, accéder aux sanitaires -, ou une activité de survie, comme le vol, le trafic de stupéfiants ou de marchandises, faire de petits boulots comme pousser les chariots à bagages ou même exercer un travail ponctuel non déclaré. Point commun des personnes rencontrées : leurs besoins sanitaires et sociaux sont liés à leurs conditions de vie très précaires, à leur exclusion des soins, à leur manque de couverture sociale et à leurs pratiques à risque.

Les liens qu'elles entretiennent avec le dispositif sanitaire et social « sont évoqués comme étant difficiles par les personnes elles-mêmes ». Les lieux de distribution de matériel d'injection et les structures d'aide aux sans-domicile sont, en effet, perçus comme des prestataires de services : les personnes obtiennent ce dont elles ont besoin sans qu'une relation puisse s'établir et permettre un suivi social soutenu. Cette défiance généralisée, explique l'étude, vient essentiellement de l'écart entre les attentes des usagers et l'absence de solutions disponibles. Et lorsque les actions sont jugées positives, c'est surtout en raison de « la capacité des professionnels à entretenir une relation de face à face perçue par les personnes en grande difficulté comme étant empreinte de respect et exempte de jugement ».

Plusieurs types de freins à l'efficacité du dispositif sanitaire et social sont par ailleurs identifiés par les professionnels. Deux d'entre eux sont liés au lieu lui-même. La SNCF, d'une part, est « accusée d'avoir un discours social qui masque une volonté de «nettoyage» du territoire » en favorisant l'éloignement des « marginaux ». Le manque de domiciliation administrative dans le Xe arrondissement de Paris, d'autre part, contraint les professionnels à se déplacer dans d'autres arrondissements pour accompagner les usagers dans leurs démarches. D'autres obstacles sont structurels, comme l'absence d'offre de logements, les conditions « déplorables » des centres d'hébergement, le cadre législatif relatif aux sans-papiers, le manque d'interlocuteurs relais parmi les personnels non spécialisés (voirie, police...).

Si une meilleure coordination des acteurs apparaît comme une nécessité, le sujet divise néanmoins les acteurs de terrain et leur hiérarchie. Tandis que les cadres prônent un travail plus partenarial pour une meilleure efficacité, une telle perspective inquiète les équipes, déjà confrontées au manque de temps, à des populations toujours plus nombreuses et craignant « que cette injonction ne serve à masquer la résolution de ne pas leur accorder plus de moyens ». Elles estiment que le travail en réseau ne doit pas être un outil « imposé » mais venir « de la base ». Cette confrontation « met en valeur la précarisation du travail social comme frein majeur à la mise en oeuvre d'un travail de partenariat transversal à l'échelle du territoire et au développement d'une culture commune », analysent les auteurs. L'investissement des tutelles est donc réclamé par les cadres dirigeants « pour fournir des moyens financiers adéquats, mais aussi pour mettre en cohérence, organiser, favoriser les rencontres et réduire le sentiment de concurrence en resituant les populations au centre du dispositif ». Les professionnels font, par ailleurs, une dizaine de propositions, parmi lesquelles le développement du secours d'urgence et la mise en place d'un accompagnement social généraliste pour assurer un suivi dans la durée. Celui-ci « serait justement un des points forts que la constitution d'un réseau serait à même de mettre en oeuvre », ajoute l'étude. Une réflexion sur le décloisonnement et la cohérence des prises en charge, en somme, qui vaut pour tout le dispositif d'urgence et d'insertion.

Notes

(1) L'étude s'est appuyée sur l'observation in situ du terrain, des entretiens libres et des entretiens semi-directifs avec le « public cible » et les professionnels, ainsi que sur des entretiens collectifs avec ces derniers.

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