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L'Assemblée nationale propose des pistes pour améliorer l'accès aux soins des détenus

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Selon les députés, le manque de personnels médicaux et les difficultés d'organisation et de pilotage sont les principaux obstacles à une prise en charge sanitaire et psychiatrique globale et cohérente des personnes incarcérées. Aussi font-ils un certain nombre de propositions pour y remédier.

«Sans prise en charge sanitaire digne de ce nom en détention, aucune réinsertion sociale durable des détenus n'est raisonnablement envisageable et la lutte contre la récidive perd alors de son efficacité. » C'est ce qui ressort d'un rapport rendu public le 8 juillet par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'exécution des décisions de justice pénale, qui s'est, cette fois, penchée sur la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice (1).

Inquiétude sur l'état de santé des détenus

Si la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a constitué un « progrès majeur » dans la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées, admet le député (UMP) Etienne Blanc, il n'en reste pas moins que « la qualité et la continuité des soins dispensés en prison ne sont toujours pas équivalentes à celles de l'ensemble de la population, alors même que les besoins qui restent encore à satisfaire représentent un enjeu majeur de réinsertion de ces publics fragiles et in fine de prévention de la récidive ». « Même si l'état général est jugé bon à l'examen clinique d'entrée pour huit nouveaux détenus sur dix, la prévalence des maladies demeure plus élevée qu'au sein de la population générale », note le rapporteur, soulignant la surexposition de la population carcérale au VIH et aux hépatites et son mauvais état de santé bucco-dentaire. Cette situation est d'autant plus flagrante que « les moyens matériels, humains et organisationnels [y étant] affectés ne permettent pas toujours de répondre de manière satisfaisante à la situation ». L'élu suggère en conséquence de « mettre en place dans les meilleurs délais un suivi de la santé des personnes détenues [...] à la fois plus régulier et prenant en compte les différents moments clés du parcours pénitentiaire, de l'entrée à la sortie de prison, afin de mieux adapter les moyens disponibles aux besoins désormais clairement identifiés ».

La mission pointe également la « place croissante et de plus en plus préoccupante » des troubles psychiatriques en détention. En 2003, si l'on exclut les monoconsultants, le taux de recours aux soins de santé mentale était de 271 pour 1 000 détenus, un taux dix fois supérieur à celui observé en population générale (25 pour 1 000). Et le recours aux soins était trois fois supérieur dans les établissements pénitentiaires dotés d'un service médico-psychologique régional (SMPR). Quant au taux de suicide en prison, même s'il diminue, il reste de sept à dix fois supérieur à celui constaté dans la population générale. Les risques de suicide étant, selon le rapport, « majorés à certains moments du parcours pénitentiaire : lors des premières semaines de détention, du placement en quartier disciplinaire, avant un jugement... » La mission d'information recommande donc de « consolider la politique de prévention du suicide en prison grâce à un repérage des entrants et à une prise en charge adaptée de la crise suicidaire ».

Des difficultés d'organisation et de pilotage

Même si le dispositif des SMPR a « considérablement amélioré la prise en compte des pathologies et troubles mentaux », il se révèle « encore insuffisant » du fait de l'ampleur des besoins, constate Etienne Blanc. Ces services, qui n'existent que dans 26 établissements pénitentiaires, ne peuvent en effet accueillir les patients en hospitalisation complète du fait du défaut de présence sanitaire, ainsi que des difficultés d'accès aux établissements hospitaliers durant la nuit. Le rapporteur pointe en outre le manque de psychiatres intervenant dans les prisons et les « réticences des établissements de santé à recevoir des personnes en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre », une précaution de sécurité que vient d'ailleurs de dénoncer le contrôleur général des lieux de privation de liberté (voir ce numéro, page 16). « Seules les unités pour malades difficiles peuvent aujourd'hui procurer un cadre sécurisé pour accueillir ce type de public », reconnaît le député de l'Ain, des unités aujourd'hui uniquement au nombre de quatre.

Du côté des moyens consacrés aux soins en prison, 192 millions d'euros ont été alloués à ce secteur en 2007. Le nombre de personnels médicaux s'élevait à cette date à 469 équivalents temps plein (+ 50 % en dix ans) et celui des autres personnels soignants à 1 897 (+ 84 %). Ce qui correspond à 0,92 médecin (2)et 3,75 autres personnels soignants pour 100 places de détention. Même si le taux de couverture médicale semble « à première vue très satisfaisant » (trois fois supérieur à la moyenne nationale), ces chiffres doivent néanmoins être nuancés, souligne le rapport, pour être interprétés au regard des facilités potentielles d'accès aux soins mais aussi des besoins de la population carcérale qui se trouve dans une situation particulièrement dégradée.

Par ailleurs, « l'offre de soins souffre actuellement d'un manque de pilotage stratégique au niveau national comme régional », estime la mission d'information. De manière générale, les moyens humains dédiés à la prise en charge sanitaire des détenus sont « très inégaux », notamment en psychiatrie : dans les SMPR, les effectifs de psychiatres rapportés au nombre de détenus varient de 1 à 5,5, le même constat pouvant être fait pour les unités de consultation et de soins ambulatoires (UCSA). Les établissements pénitentiaires sont aussi inégalement couverts par les équipes de santé mentale selon qu'ils accueillent un SMPR ou pas. Ceux qui en sont dotés concentrent 41 % de la population pénale et disposent de 56 % des effectifs soignants.

Etienne Blanc regrette aussi que « le ministère de la Santé se [perçoive] comme un simple prestataire de services au profit de l'administration pénitentiaire. Une certaine forme d'incompréhension et de méfiance réciproques semble s'être installée, rendant d'autant plus difficile la définition d'une politique partagée. » Aussi propose-t-il de renforcer le pilotage national des actions « santé et justice » grâce à la mise en place d'un comité de pilotage restreint placé sous l'autorité du Premier ministre et présidé par lui (3). Ses missions : arbitrer les différends entre les deux ministères, définir et impulser une véritable politique sanitaire, aux contours clairement précisés et aux contraintes partagées par les différents acteurs. Des comités de pilotage régionaux pourraient aussi être institués pour coordonner l'ensemble des référents « santé en prison » en région. Dans ce cadre, le rapporteur suggère aussi de « confier explicitement aux futures agences régionales de santé la double mission d'identifier les besoins sanitaires des personnes en détention et de réguler l'offre de soins en [prison] » (4).

En outre, pour pallier l'impossibilité d'organiser des extractions médicales, qui requièrent du temps et des moyens importants, la mission d'information préconise de « densifier la prise en charge dans les UCSA grâce au recours plus systématique à la télémédecine et à la visio-consultation ». Elle recommande aussi d'assurer la continuité des soins après la sortie de prison, « [en généralisant] les consultations post-pénales, qui présentent le double intérêt de poursuivre les soins entrepris en détention et d'être un point de sécurisation pour les personnes sortant de prison ».

Pallier les faiblesses du suivi socio-judiciaire

Le rapport pointe par ailleurs les faiblesses du suivi socio-judiciaire, qui consiste à soumettre le condamné, pendant une certaine durée, à des mesures d'assistance (dont l'injonction de soins) et de surveillance destinées à prévenir la récidive. Initialement réservée aux auteurs d'infractions sexuelles, cette mesure a été progressivement étendue à l'essentiel des infractions violentes et aux violences conjugales. « Mais en définitive, souligne le rapport, si le champ des infractions pour lesquelles il peut être encouru s'est considérablement élargi, le prononcé de la mesure n'a pas à ce jour suivi cette évolution » puisqu'il n'a été ordonné que dans 11 % des cas où il était possible. En pratique, le suivi socio-judiciaire est une mesure lourde, réservée aux infractions les plus graves (36 % en matière criminelle, contre 7,7 % en matière délictuelle) commises par des majeurs (24 %, contre 5,4 % pour les mineurs). Face à ce constat, la mission d'information estime que « la pratique du suivi socio-judiciaire révèle l'existence de faiblesses importantes auxquelles il est essentiel de remédier rapidement ». Lesquelles ? Par exemple, la pénurie de médecins coordonnateurs faisant l'interface entre la prise en la charge sanitaire et la mission d'information au juge de l'application des peines : ce sont 40 tribunaux de grande instance et 17 départements qui en sont dépourvus en 2009. Même si des efforts ont été faits pour augmenter leur nombre (revalorisation des indemnités, assouplissement des conditions de recrutement...) (5), cela reste insuffisant. Aussi la mission d'information préconise-t-elle notamment de « supprimer le numerus clausus qui limite à 20 le nombre de condamnés que peut suivre le médecin coordonnateur » et d'augmenter le nombre de ces professionnels « grâce à une [nouvelle] revalorisation de leurs indemnités ainsi qu'à une poursuite des efforts de communication et de formation engagés à [leur] égard ».

Au-delà, la mission d'information propose de « réserver cette peine [le suivi socio-judiciaire] lourde à mettre en oeuvre et qui mobilise d'importants moyens aux infractions les plus graves » et de prévoir qu'elle ne pourra à l'avenir être prononcée qu'« à titre exceptionnel pour les cas de violences conjugales et délits d'incendiaires les plus graves ». Parallèlement, l'injonction thérapeutique pourrait être réservée au suivi socio-judiciaire, à la libération conditionnelle, à la surveillance judiciaire et à la surveillance de sûreté. Enfin, la mission préconise d'encourager l'intervention des médecins coordonnateurs dès le début de l'incarcération - et non pas à compter de la libération du condamné - afin de permettre la continuité du suivi à la sortie de la prison.

Notes

(1) Prochainement disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Plus précisément, 0,6 médecin de soins somatiques et 0,32 médecin de soins psychiatriques.

(3) Actuellement, la coordination de la politique de santé en milieu carcéral est assurée par une commission interministérielle « santé et justice », qui se réunit au minimum deux fois par an.

(4) Cette direction stratégique pourrait se traduire par l'inscription dans tous les schémas régionaux d'organisation sanitaire d'un volet « santé en prison », concernant aussi bien les aspects somatiques que psychiatriques.

(5) Voir notamment ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 18 et n° 2607 du 1-05-09, p. 15.

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