A la suite de sa visite au Centre hospitalier Esquirol de Limoges (Haute-Vienne) en décembre dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu publiques, le 18 juin, ses premières recommandations sur les modalités d'accueil des détenus et des malades hospitalisés sous contrainte (hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers) dans les unités fermées des établissements hospitaliers.
« Si l'information des malades admis en hospitalisation sans consentement est donnée de manière rapide et homogène sur l'ensemble de l'établissement, l'exercice des voies de recours n'est néanmoins pas suffisamment garanti aux patients », indique tout d'abord Jean-Marie Delarue. En effet, « les explications données le sont exclusivement par un personnel soignant dans des termes juridiques peu accessibles ». Aussi estime-t-il qu'« un modèle de document national, à destination d'un public non averti, devrait être élaboré, notamment en lien avec les associations d'usagers ». Le contrôleur général relève également que le livret d'accueil délivré au patient admis dans le cadre d'une hospitalisation à la demande d'un tiers - et l'informant sur sa situation et ses droits - n'informe pas de la conduite à tenir en cas de préjudice pendant le séjour. Il reste « très général et ne mentionne aucune adresse des autorités citées pour les recours éventuels, se contentant de renvoyer les malades à l'assistante sociale de leur unité d'hospitalisation ».
Jean-Marie Delarue estime en outre que la prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement n'est « pas réalisée dans les meilleures conditions, dès lors que de moins en moins de malades ont la possibilité de participer à des activités organisées en dehors des pavillons d'hébergement », activités (cafétéria, bibliothèque...) auxquelles ils ne peuvent se rendre qu'accompagnés. Les personnels invoquent le manque de temps mais le contrôleur général juge cette situation « anormale dans la mesure où les malades hospitalisés sous contrainte le sont pour des durées parfois longues ». Il estime au contraire qu'ils doivent prendre part à des activités en dehors de leur pavillon d'hébergement « à chaque fois que leur état de santé leur permet ».
Le contrôleur général attire aussi l'attention de l'établissement et des autorités sur le recours à la procédure de sortie d'essai, pratique au sujet de laquelle le corps médical de l'établissement visité s'est montré « très divisé ». Certains estiment en effet que soit le malade est encore à risque et il doit alors rester hospitalisé, soit il ne l'est plus et, dans ce cas, l'hospitalisation d'office doit être levée. D'autres estiment que la sortie d'essai permet de maintenir un « cadre thérapeutique ambulatoire, sans lequel certains malades n'adhéreraient plus à leur traitement, en l'absence de soins ambulatoires dans la réglementation actuelle ». Il en ressort dès lors, selon Jean-Marie Delarue, « des pratiques très variées », qui entraînent, pour certains malades, le « maintien sous un régime juridique de contrainte que ne justifie plus toujours leur état de santé et pour une durée sans rapport avec une réelle période de transition ». Aussi le contrôleur général suggère-t-il que cette question fasse l'objet d'une réflexion au niveau national.
Jean-Marie Delarue critique par ailleurs l'existence de mesures de sécurité renforcées pour la surveillance des détenus lors des soins. Il considère en effet que les précautions de sécurité ne doivent « pas donner lieu à la dispensation de soins distincts et appauvris au sein de l'hôpital et à la suspension des droits mis en oeuvre dans l'établissement pénitentiaire ». En outre, le maintien de ces patients dans des chambres au sein d'unités sécurisées est une pratique qui, selon le contrôleur général, n'est pas « toujours justifiée sur le plan médical » et « répond à une demande des autorités préfectorales ». Les détenus hospitalisés subissent ainsi une « situation d'isolement de fait », l'isolement étant ici utilisé pour « éviter une évasion et non sur un plan thérapeutique ». A cela, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins - également destinataire du rapport de visite - a répondu au contrôleur général, dans un courrier du 6 avril dernier, que, « actuellement, les détenus hospitalisés pour des motifs psychiatriques ne font l'objet d'aucune garde de la part des autorités de police ou de justice, contrairement à ceux hospitalisés pour soins somatiques ». Et que, pour mettre fin à ce type de situation, l'établissement concerné entendait expérimenter le bracelet électronique mobile. Quoi qu'il en soit, Jean-Marie Delarue rappelle que « l'égalité des malades face à la nécessité de soins impose, pour les détenus hospitalisés, que leur participation aux activités collectives soit possible afin d'intégrer les éléments thérapeutiques jugés nécessaires pour tout patient ». Et que les droits qui leur sont reconnus pendant leur détention, tels que les promenades ou les visites, doivent aussi être respectés pendant l'hospitalisation.