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Le plan d'actions 2009 de la chancellerie pour prévenir les suicides en prison

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Par une simple lettre datée du 15 juin, Rachida Dati, alors garde des Sceaux, a présenté aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires son plan d'actions 2009 pour prévenir les suicides en milieu carcéral. Ce plan reprend les préconisations du rapport du docteur Louis Albrand d'avril dernier, rapport que l'auteur n'a pas souhaité remettre officiellement à la ministre de la Justice, l'estimant largement retouché par l'administration pénitentiaire qui ne souhaitait pas que la surpopulation carcérale soit avancée comme un facteur de la recrudescence des suicides en prison. Ce nouveau plan consiste en la « généralisation de ce qui a fait ses preuves mais qui est parfois encore trop peu appliqué sur le terrain », indique la chancellerie, et en l'expérimentation de dispositifs innovants (1).

Généraliser les actions de formation, de détection et de prise en charge

Doivent ainsi être « immédiatement mises en oeuvre » les recommandations du rapport « Albrand » visant à intensifier les actions déjà entreprises en matière de formation continue, de détection et de prise en charge du risque suicidaire des personnes détenues, ainsi que celles de « postvention » (2). Dans ce cadre, la formation des personnels pénitentiaires en matière de prévention des suicides est un « axe prioritaire ». Pour le ministère de la Justice, il s'agit de prioriser la formation continue des gradés et des personnels de surveillance affectés dans les zones de détention sensibles (quartier disciplinaire, quartier arrivant, quartier d'isolement, quartier et établissement pour mineurs, service médico-psychiatrique régional) et des chargés des parloirs. Objectif : former la totalité de ces personnels d'ici à la fin 2009. En outre, estime-t-il, cette formation doit aussi être étendue aux personnels d'insertion et de probation oeuvrant au sein de ces secteurs et à l'ensemble des personnels lors de l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.

Autre priorité : renforcer la détection du risque suicidaire, « notamment dans les périodes les plus sensibles, à l'arrivée ou lors d'un placement en cellule disciplinaire ». L'administration pénitentiaire entend ainsi systématiser la prise en considération du risque suicidaire au moment du placement au quartier disciplinaire. Une procédure d'accueil adaptée des détenus, avec un entretien systématique avec un officier, doit être mise en place (3). « Les conditions d'un placement au quartier disciplinaire peuvent se révéler dans certains cas inadaptées à la conduite d'une audience sur le moment. Dans ce cas, explique-t-elle, il ne s'agit pas de réaliser immédiatement un entretien, dans un contexte de vives tensions ou de signes manifestes d'agressivité. » « Il revient au personnel d'évaluer le moment le plus opportun de mener cet entretien, en tout état de cause le jour même du placement en cellule disciplinaire. » Cet entretien permettra de revenir sur l'incident qui a motivé le placement en cellule disciplinaire et d'apprécier l'état physique et psychologique du détenu. A cette occasion, indique le ministère, ce dernier doit être informé du fait qu'il peut solliciter le personnel « à tout moment en cas de difficultés ».

Concernant la protection des détenus, la chancellerie préconise, dans les cas de « situations extrêmes » (crise suicidaire détectée par exemple), l'utilisation de couvertures indéchirables et de vêtements déchirables (pyjamas, gant et serviette de toilette), « qui précédera le plus souvent la mise en oeuvre d'une hospitalisation d'office ». L'utilisation de ce matériel sera limitée dans le temps et réservée aux quartiers de détention sensibles. Dans ce cadre aussi, l'ancienne garde des Sceaux demande que des commissions pluridisciplinaires « prévention suicide » soient mises en place dans tous les établissements. Elles devront se réunir « à un rythme au minimum bimensuel, avec la présence systématique des personnels d'insertion et de probation ». Autre recommandation : le chef de l'établissement pénitentiaire doit organiser, « dans les plus brefs délais », un entretien avec le ou les codétenu(s) de la personne suicidée et un debriefing pour les personnels.

Lancement d'expérimentations « très ciblées »

Afin d'améliorer la détection du risque suicidaire, la chancellerie souhaite améliorer la communication avec les familles des détenus, en installant une boîte aux lettres au sein du local d'accueil des familles et des locaux d'attente en amont et en aval des parloirs. Le dispositif devrait être expérimenté dans 15 établissements pénitentiaires dès le début du mois de juillet. Pour qu'il soit efficace, l'administration préconise que le courrier soit relevé tous les jours et que du matériel d'écriture soit disponible auprès des boîtes. En outre, un interlocuteur identifié sera désigné comme gradé chargé des parloirs et assurera l'interface avec les familles, les surveillants des parloirs et les bénévoles de l'accueil. Autre préconisation : atténuer le sentiment d'isolement des condamnés, notamment en les formant au soutien d'un codétenu en souffrance. Selon le ministère, il s'agit de « mettre fin à une hypocrisie » puisque, dans les faits, par le doublement en cellule, les codétenus assurent des fonctions de prévention, de soutien, de détection du risque, de protection de la personne en crise, de sauvetage parfois et souvent d'alerte. En quartier arrivants, ils pourront assumer la fonction de « codétenu référent arrivant » pour les nouveaux détenus : ils leur prodigueront informations et conseils et pourront participer aux phases collectives de l'accueil. En détention, ils assureront une « écoute et la mise en lien avec les différents personnels et bénévoles ». Dans tous les cas, leur mission doit s'effectuer sur une période définie (par tranche de 15 jours renouvelable) et faire l'objet d'une évaluation hebdomadaire. Volontaires, ces « codétenus de soutien » seront choisis par le chef d'établissement à la suite d'un entretien avec un médecin psychiatre et parmi ceux dont le reliquat de peine est d'au minimum un an. Ils recevront alors une formation aux premiers secours et une autre à la prévention du suicide d'une durée minimale de 30 heures (4). Objectif de la chancellerie : « former dans chaque établissement pénitentiaire 2 % de la population carcérale ». En contrepartie, ces détenus volontaires bénéficieront d'avantages matériels dans le régime de détention (gratuité de la télévision, augmentation de la durée et de la fréquence des parloirs...). Leurs missions de soutien seront également prises en compte, d'une part, dans le parcours d'exécution de la peine et le traitement des aménagements de peine et, d'autre part, pour l'octroi de remises de peine supplémentaires, une libération conditionnelle anticipée, voire des grâces.

Enfin, le plan prévoit la construction de cellules de protection d'urgence (ou sécurisées), situées à proximité des services médicaux, qui accueilleront les détenus « dont l'état apparaît incompatible, en raison d'un risque suicidaire important ou lors d'une crise suicidaire aiguë, avec [leur] placement ou [leur] maintien en cellule ordinaire » (5). Il s'agit là de cellules « lisses » dans lesquelles aucun point d'accroche n'existe. Toutefois, « il ne s'agit ni d'une cellule disciplinaire, ni d'une chambre d'isolement ». Le placement sera limité à 24 heures, le temps d'organiser la prise en charge sanitaire.

Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur www.ash.tm.fr}

[Lettre de la ministre de la Justice du 15 juin 2009, non publiée]
Notes

(1) Dans un communiqué du 22 juin, l'UGSP-CGT s'est félicitée de la détermination du ministère de la Justice, sous réserve, toutefois, qu'elle ne se résume pas à de l'affichage. Le syndicat a aussi rappelé que le plan ne pourrait être efficace qu'à la condition notamment de renforcer le personnel de surveillance.

(2) Il s'agit des mesures à prendre à la suite d'un suicide.

(3) Les établissements peuvent trouver en annexe de cette lettre un livret type d'accueil au quartier disciplinaire à remettre au détenu concerné et une note relative à la procédure d'accueil dans ce secteur.

(4) Les codétenus référents des quartiers arrivants recevront, eux, une formation mixte santé-pénitentiaire.

(5) Le placement dans ce type de cellule entraînera automatiquement l'utilisation de vêtements déchirables et de couvertures indéchirables.

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