Quel est votre état d'esprit avant le vote du Sénat ?
L'an dernier, malgré l'impréparation du décret du 31 janvier 2008 prévoyant une gratification pour les stages de plus de trois mois, on a réussi tant que bien que mal, avec des tours de passe-passe, à faire fonctionner l'alternance. Mais c'est un acquis fragile et rien n'est gagné. Or on nous en remet une couche en réduisant à deux mois la durée des stages ouvrant droit à gratification, à nouveau sans prévoir de financement. Les étudiants qui sont montés au créneau l'an dernier n'y comprennent plus rien (2). Je vois dans cette impréparation une volonté politique d'affaiblir les professions sociales. Pas seulement pour des raisons de coût, mais aussi idéologiques. Je ne suis pas sûr que, dans notre société, on attende du travail social autant qu'il y a 15 ans. Il y a un débat lancinant, tant du côté de l'Etat que des conseils généraux, sur ses missions : a-t-on encore besoin des travailleurs sociaux classiques avec leurs titres ou des intervenants plus opérationnels ne pourraient-ils pas faire l'affaire ? On voit bien d'ailleurs le mouvement de déqualification qui s'opère dans les services. La gratification sert de catalyseur aux doutes actuels sur l'utilité du travail social.
Vous avez évalué à 25 millions d'euros le coût de la gratification...
Nous avons procédé à une évaluation très fine du coût de cette mesure. Si elle impacte la quasi-totalité du temps de formation des diplômes de niveau III, elle ne représente que 25 millions d'euros pas an. Une goutte d'eau pour le budget de l'Etat ! Or comment expliquer que celui-ci préfère mettre en péril la formation de 28 000 étudiants, qui débouche pourtant, dans la quasi-totalité des cas, sur des embauches en contrat à durée indéterminée, plutôt que de mettre la main à la poche ? Et alors que le gouvernement a lancé un plan pour l'emploi des jeunes !
L'an dernier, les centres de formation avaient été soutenus dans leur mobilisation par plusieurs syndicats d'employeurs. On ne les entend guère aujourd'hui...
On a un peu le sentiment que les branches professionnelles se désintéressent du dispositif de formation. Aussi, si la plupart des directeurs partagent nos préoccupations, certains se retranchent derrière la réduction des budgets et les obligations qui pèsent sur eux pour refuser d'accueillir des stagiaires. On ne peut pourtant pas dire, d'un côté, qu'on a besoin de professionnels diplômés et opposer, de l'autre, une fin de non-recevoir aux étudiants ! La conjonction de l'attitude gouvernementale et de la frilosité des employeurs jouent contre le travail social. Si on laisse aller les choses, dans quelques années, du fait de la pénurie de stages, on aura diminué par trois le nombre d'étudiants des formations de niveau III.
L'Organisation nationale des éducateurs spécialisés propose que les gratifications soient versées par un organisme indépendant (3)...
Si l'Etat arrête de faire la politique de l'autruche, il y a des modalités simples à mettre en place. Il suffirait que la future direction générale de la cohésion sociale affecte une ligne de son budget à la gratification. Les établissements passeraient des conventions annuelles de financement avec les directions régionales de la cohésion sociale en fonction du nombre de mois de stage envisagés chez eux. Les directeurs n'auraient plus à quémander un financement auprès de leurs autorités de tarification.
Jusqu'où êtes-vous prêts à aller si rien ne bouge ?
Avec le GNI, nous avons adressé des lettres aux ministères concernés et au Haut Commissaire à la jeunesse. Nous devons rencontrer, dans les jours qui viennent, un conseiller du ministre du Travail. Nous déciderons alors des suites de notre action.
(1) Association française des organismes de formation et de recherche en travail social : 1, cité Bergère - 75009 Paris - Tél. 01 53 34 14 74.
(2) Le Collectif rhône-alpin des étudiants en travail social a d'ailleurs adressé des lettres aux ministères concernés sur le problème du financement de la gratification -