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L'obligation alimentaire : une solidarité à réinventer

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Jusqu'à il y a peu encore, le « rSa » affichait sa modernité avec une tranquille sérénité. Son inspiration, qui emprunte à la théorie de l'impôt négatif, son objectif d'« activer » une dépense passive d'allocation et de favoriser la reprise d'un emploi par un intéressement monétaire, sa mise en oeuvre précédée d'une phase d'expérimentation - pour courte qu'elle ait été -, son financement finalement par taxation des revenus du capital dans une optique redistributive, son accompagnement ab initio d'une volonté d'évaluation pour permettre d'en apprécier les apports et les éventuelles difficultés et d'ajuster le dispositif si nécessaire... Autant d'innovations qui, certes, pouvaient se rencontrer ailleurs de manière isolée et limitée, mais qui, réunies, fondaient cette revendication d'une rupture essentielle avec les conceptions et les modes de faire antérieurs au bénéfice d'une solidarité complètement repensée. Il n'est pas jusqu'à son sigle, récemment revisité par quelque communiquant, qui n'illustre désormais symboliquement cette haute ambition. La graphie retenue ne met pas l'accent sur le versement d'une prestation, mais entend rendre immédiatement perceptible sa dimension de solidarité, affirmée comme première.

Entre procès en archaïsme et procès en sorcellerie, la récente polémique sur la mise en jeu impérative de l'obligation alimentaire, en particulier à l'égard de ses ascendants, pour pouvoir entrer dans le nouveau dispositif(1) a été en ce sens ravageuse. Elle a d'un seul coup fait prendre conscience à chacun, et d'abord aux futurs bénéficiaires, que, en dépit de sa modernité de construction et d'allure, le « rSa » n'était nullement un droit universel et inconditionnel, mais demeurait, comme l'avait été le RMI, un dispositif subsidiaire, qui n'a vocation à accueillir une personne que lorsqu'elle a fait valoir tous ses autres droits. Certes, les formulations passablement comminatoires qui figuraient dans le formulaire de demande et paraissaient imposer la sollicitation préalable des obligés alimentaires en ont été retirées. Mais le « rSa » s'est brusquement trouvé ramené, au moins jusqu'à ce que l'émotion retombe, à ce qu'il se refusait fondamentalement à être : un dispositif d'aide sociale, certes sophistiqué et inventif. Même mise en oeuvre avec discernement - comme pour le RMI, qui accordait un large pouvoir d'appréciation et de dispense aux présidents de conseils généraux -, l'obligation alimentaire signe en effet la primauté de la solidarité familiale sur la solidarité nationale.

La vivacité des réactions et des échanges auxquels a donné lieu l'éventualité d'une « taxation des parents » avant de pouvoir bénéficier du « rSa » souligne une nouvelle fois, après les débats récurrents sur l'opportunité ou non des recours sur succession en matière d'aide sociale aux personnes âgées, l'urgence d'une modernisation en profondeur d'une obligation qui a peu évolué depuis 1804 et la création du code civil. Désuète dans son vocabulaire - qui peut comprendre sans être agrégé de lettres l'expression « débiteur d'aliments » ? -, de plus en plus incomprise, dans ses mécanismes très complexes, de ceux sur lesquels elle pèse, très hétérogène dans son application selon les prestations et les collectivités, mal adaptée aux multiples mutations de la famille, et en particulier à son instabilité accrue, cette obligation a véritablement besoin d'être réinventée. Le Conseil économique et social a, dans un avis de mai 2008, formulé plusieurs pistes de réflexion intéressantes à cet égard pour redéfinir l'articulation entre prise en charge sociale et obligation alimentaire, et favoriser une mise en oeuvre plus cohérente et plus juste de cette dernière dans un cadre rénové. Reste à les transformer en réforme d'ensemble.

Cet aggiornamento est d'autant plus indispensable que la création d'un « cinquième risque » pour la prise en charge de la perte d'autonomie ne sera pas éternellement l'Arlésienne de la protection sociale. Or ce projet suppose de définir clairement l'équilibre souhaitable entre prévoyance individuelle et prévoyance collective, d'une part, et entre solidarité familiale et solidarité nationale, d'autre part. Il serait en effet tout aussi illusoire de pallier les difficultés du financement public par un recours aux seules solidarités familiales que d'ignorer, au-delà de leur mobilisation spontanée dans des dimensions considérables, la contribution que celles-ci pourraient apporter, sans revêtir aucun caractère confiscatoire, à plus d'équité entre bénéficiaires et à plus de solidarité entre générations.

Notes

(1) Voir ASH n° 2614 du 19-06-09, p. 9.

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