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Ouvrir les portes aux enfants handicapés

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La plate-forme nationale Grandir ensemble vient de rendre public son rapport sur l'accès des enfants en situation de handicap dans les structures d'accueil ou de loisirs. A partir d'un état des lieux très complet des attentes des familles et de l'offre existante, elle propose de majorer les prestations de service aux organismes accueillant des enfants handicapés.

Le sujet est largement occulté par les pouvoirs publics. Pour preuve, lors de la dernière Conférence nationale du handicap, il n'en a même pas été question. Même les associations peinent à en faire une question centrale, accaparées par d'autres problématiques. Ces 30 dernières années, leurs revendications se sont portées en priorité sur la question des ressources, de l'emploi, de la création de places en établissements médico-sociaux, de l'accessibilité dans les lieux publics et de la scolarisation.

Rien ou presque, en revanche, sur l'accès des enfants en situation de handicap aux structures d'accueil ou de loisirs. Or la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en affirmant la volonté de l'Etat de développer la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, modifie la donne. Comment accomplir cet objectif sans penser leur accès à l'ensemble des accueils collectifs, avant, après et autour de l'école ? Non seulement le projet de scolarisation d'un enfant handicapé est facilité par sa socialisation précoce au sein d'établissements de la petite enfance, mais l'entrée à l'école s'accompagne, pour les familles dont les deux parents travaillent ou les familles monoparentales, de besoins nouveaux en termes d'accueil périscolaire et extra-scolaire. En outre, il n'est pas rare que ces enfants soient accueillis progressivement et, dans un certain nombre de cas, à temps partiel.

Forte de ce constat, la plate-forme nationale de réflexion Grandir ensemble (1) s'est constituée en septembre 2007 pour promouvoir et développer l'accès des enfants handicapés aux structures d'accueil et de loisirs. Après plus de un an de travaux, elle vient de rendre public le rapport final de son étude. Intitulé « Développer l'accès des enfants en situation de handicap aux structures d'accueil ou de loisirs dès le plus jeune âge ! », ce travail a l'intérêt de défricher un sujet peu abordé. Il examine la question de l'accueil des enfants handicapés de la toute petite enfance jusqu'à l'adolescence. En outre, il traite de l'ensemble des situations de handicap, analyse l'offre dans ses formes les plus variées et prend en compte les aspects juridiques et financiers.

En un peu plus de 60 pages, cette vaste enquête, menée sous la présidence de Charles Gardou, professeur des universités et spécialiste du handicap, et coordonnée par Laurent Thomas, directeur de la Fédération Loisirs pluriel et porte-parole de la plate-forme Grandir ensemble, jette les bases d'une réflexion sur les conditions d'accueil, le cadrage réglementaire et les modalités de financement de l'accès des enfants handicapés à l'ensemble des structures d'accueil collectives.

Central, le développement de la scolarisation des enfants handicapés n'est toutefois pas le seul enjeu relatif à leur accueil en structures collectives. L'étude pointe également son incidence sur le droit au répit des familles et sur le changement de regard porté par la société sur les personnes en situation de handicap - deux volontés également affirmées par la loi du 11 février 2005. Concernant le droit au répit des familles, l'accueil temporaire spécialisé, dont le coût est plus élevé que le maintien de l'enfant dans un cadre de vie ordinaire, n'est pas la solution idéale. Les auteurs du rapport, bien qu'ils reconnaissent l'intérêt de ce type de formule, soulignent que les parents concernés ont d'abord besoin, pour « souffler », d'une offre de service identique aux autres parents. De même, le changement de regard de notre société sur le handicap passe par la généralisation, dès le plus jeune âge, du partage d'activités entre enfants handicapés et valides. Autant d'arguments qui confortent l'intérêt d'étendre l'accès de ces enfants à une offre plurielle de structures d'accueil et de loisirs.

« Aucun objectif de performance »

Comme le met en évidence l'étude, ces lieux ont l'avantage de n'exiger « aucun objectif de performance » à la différence d'autres espaces sociaux. « Plus une société favorise l'accueil de publics en situation de handicap dans les espaces de vie présentant le moins de contraintes, d'exigences ou de pré-requis, plus elle se donne les moyens de favoriser la participation dans les espaces de vie plus complexes comme l'école, le monde du travail ou encore la compétition sportive et la pratique artistique », avancent les auteurs. A ce titre, l'accueil de ces enfants apparaît comme « un baromètre pertinent de la qualité de fonctionnement d'une structure ou d'une société » et « contraint l'ensemble de la société à s'interroger sur la place qu'elle fait aux publics en situation de vulnérabilité ». « Pourquoi devrait-on admettre que l'éducation des enfants porteurs de handicaps ne concerne que les parents et les établissements spécialisés ? », s'interroge Thierry Rochel, directeur départemental de la jeunesse et des sports de Moselle, cité dans le rapport.

Force est de constater que le handicap d'un enfant n'est pas sans conséquences pour les familles, victimes d'un « désavantage social » qui les pénalise lourdement : leur réalité quotidienne « reste encore semée d'embûches considérables pour concilier, le plus harmonieusement possible, vie familiale, activité professionnelle et prise en charge de leur enfant au quotidien ». Pourtant, leurs besoins et leurs attentes sont identiques aux autres parents que ce soit en termes de mode de garde pour maintenir une activité professionnelle, de socialisation de l'enfant avant l'école, d'accès à des activités extra-scolaires ou de l'accueil de la fratrie au sein d'une même structure. Et leurs craintes sont les mêmes : appréhension des premières séparations, inquiétude sur le taux d'encadrement et la qualification des personnels... Aussi est-il paradoxal que leur demande d'accueil soit prise en compte différemment que celle des autres parents. « Alors qu'en général, personne ne pose la question à une famille d'enfant valide lorsqu'elle inscrit son enfant en centre de loisirs, pour les parents d'enfants handicapés on soupçonne un besoin de répit, une attente de socialisation ou d'apprentissage... Or on est simplement dans la même démarche que tout parent, à savoir concilier son organisation personnelle, familiale et professionnelle... », témoigne une mère d'enfant handicapé.

Ces parents « comme les autres » doivent néanmoins faire face à des difficultés spécifiques. L'accès en crèche, déjà compliqué pour toute famille, est rendu plus difficile encore lorsque l'enfant est handicapé. Ensuite, la scolarisation ne garantit pas l'accueil pendant les temps périscolaires - qui sont gérés non par l'Education nationale mais par une collectivité locale ou une association, sans obligation légale d'organisation. Pire, l'accueil périscolaire est en général inexistant dans le cadre d'une prise en charge dans des établissements médico-sociaux dont les amplitudes horaires sont pourtant proches de celles appliquées dans les écoles. Aussi cette « absence de continuité » pèse-t-elle lourdement sur l'organisation des familles et complique-t-elle les efforts entrepris pour la scolarisation de l'enfant. A quoi il faut ajouter l'épineuse « gestion des temps de congés scolaires, d'accès aux solutions de baby-sitting, d'organisation des vacances en familles », de participation à une activité artistique ou sportive...

« Le plus difficile à vivre au quotidien n'est pas tant, finalement, l'acceptation du handicap de leur enfant que l'ensemble des obstacles que les parents vont rencontrer pour tenter de lui permettre de vivre une vie la plus ordinaire possible », estiment les auteurs en évoquant leur « parcours du combattant ». A la culpabilité d'avoir donné naissance à un enfant handicapé « se rajoute la culpabilité de gêner, de coûter, de quémander... ». D'autant que la « fragmentation » des dispositifs et des interlocuteurs renforce l'absence de garantie de prise en charge dans la durée. Comment bénéficier d'un service cohérent et pérenne lorsque, sur une même commune, l'accueil périscolaire et le centre de loisirs sont, par exemple, gérés par deux directions différentes ?

Vulnérabilité des familles

Conséquence principale : la disqualification professionnelle des parents d'enfants handicapés - et principalement des mères - contraints de cesser leur activité. Fragilisées financièrement et isolées socialement, les familles se retrouvent en situation de vulnérabilité. Au final, « si elles mobilisent toute leur énergie pour la recherche d'une solution de scolarisation en milieu ordinaire ou dans un établissement médico-social, les familles, bien souvent, abandonnent lorsqu'il s'agit d'entamer des démarches pour l'inscription de leur enfant dans un accueil de loisirs, un séjour de vacances ou dans une activité ». Et, quand elles le font, il arrive qu'elles minorent les informations concernant leur enfant de crainte d'essuyer un refus. Dans la plupart des cas, les familles vivent mal que tout ne soit pas « mis en oeuvre pour... au moins essayer ». Certaines en viennent à éprouver un « sentiment de révolte », amplifié par des discriminations vécues au quotidien. « Ces refus laissent des traces indélébiles dans l'histoire des familles, qui conditionnent ainsi leurs capacités à solliciter d'autres modes d'accueil ». Les parents peuvent alors pratiquer « une forme d'autocensure dans l'expression de leurs besoins et de leurs attentes » et préférer assumer seuls les contraintes plutôt que de devoir se battre pour faire entendre leurs droits.

Inégalité supplémentaire, seules les familles ayant la capacité de se mobiliser et de s'impliquer dans l'élaboration de solutions pour leur enfant réussissent à obtenir satisfaction. « Pour avoir un enfant handicapé, mieux vaut être en bonne santé, riche, avoir un couple solide, une famille aidante et des capacités naturelles de communication et de négociation », résume un père de famille. Le risque sinon est de subir cet « exil vers l'intérieur », évoqué par Charles Gardou, parfois redoublé de drames individuels ou familiaux - en témoigne la multiplication des familles monoparentales parmi celles d'enfants handicapés. Auquel peut s'ajouter une confusion des rôles entre parent et soignant, « la gestion du handicap ayant fini par envahir l'ensemble de la vie courante ».

« Un lien de confiance »

Pourtant, « les attentes des familles restent extrêmement modestes, mesurées et simples », pointe le rapport, qui en fait apparaître trois principales : bénéficier des mêmes droits et mêmes services que tout parent, avoir la garantie que les besoins spécifiques de leur enfant sont pris en compte et, enfin, ne pas avoir à supporter la charge financière des aménagements réalisés pour rendre l'accueil possible. En outre, plutôt qu'une technicité ou une professionnalisation de l'encadrement, les parents recherchent avant tout à nouer « un lien de confiance » avec la structure d'accueil, qui dépend largement de la qualité relationnelle qui va s'instaurer avec elle.

Du côté de l'offre d'accueil justement, l'étude, qui lui consacre un imposant chapitre, commence par un satisfecit : elle est « diversifiée, de qualité et recueille en général la satisfaction des familles ». Mais elle reste « dispersée sur l'ensemble du territoire » et « souvent confidentielle et peu connue des familles ». Surtout, elle est « très insuffisante au regard de la demande ». Et ce, malgré la volonté politique affirmée de nombreux organismes - associations, collectivités, services déconcentrés de l'Etat, caisses d'allocations familiales - qui atteste d'un « réel mouvement en cours » (2). Bien qu'il soit difficile de mesurer la réalité effective de l'accueil des enfants handicapés, l'étude, en croisant plusieurs sources (3), fait état d'une demande jusqu'à cinq fois supérieure à l'offre. Cette appréciation - basée toutefois sur des « hypothèses, qui nécessiteraient d'être confirmées » - présente « le très grand avantage de commencer à estimer les besoins en termes de financement ». En outre, elle a le mérite de rendre incontournable une réflexion sur les raisons d'un tel déficit d'offre. Serait-il lié à un défaut de sensibilisation des organismes d'accueil ? Non, répondent les auteurs, au vu des multiples opérations de communication menées ces dernières années - guides d'information aux organisateurs, recommandations du ministère de la Jeunesse et des Sports, réflexions menées par des fédérations d'éducation populaire ou des associations représentatives de la petite enfance...

« Plus l'enfant en situation de handicap grandit, plus les solutions d'accueil diminuent », constate en revanche le rapport, s'appuyant sur les conclusions de l'enquête de terrain menée auprès de 455 organismes gestionnaires en Loire-Atlantique. De fait, même avec un handicap, un nourrisson de 3 mois aura sensiblement les mêmes besoins qu'un bébé ordinaire, ce qui n'est plus le cas de l'enfant à 6 ans. En outre, « plus le handicap de l'enfant est complexe, moins la famille dispose de solutions d'accueil en dehors de la sphère familiale et de la prise en charge médico-sociale », souligne l'étude, qui énumère les différents critères de refus d'accueil : totale dépendance des enfants pour les actes essentiels de la vie quotidienne, absence d'usage de la parole, présence de troubles autistiques et de troubles du comportement ou encore existence de problèmes de santé associés à la pathologie.

Il n'en reste pas moins que, pour les structures ordinaires, accueillir un enfant handicapé implique des adaptations plus ou moins importantes, notamment en termes d'encadrement - les structures de la petite enfance privilégiant surtout la formation du personnel, et les accueils de loisirs le renforcement des équipes. Or ces surcoûts sont « très peu pris en charge par des dispositifs de financement identifiés », qui dépendent largement de la volonté des collectivités locales et des CAF de puiser dans leurs fonds propres, sans garantie de pérennité - le système générant « une grande inégalité de l'offre sur le territoire ». En outre, appréhension et manque d'informations sur le handicap, solitude et défaut d'accompagnement des équipes font que certaines structures ont le sentiment d'atteindre leurs limites. D'autant qu'il existe encore peu de dispositifs d'appui technique à l'accueil des enfants handicapés en direction des organismes gestionnaires.

Malgré tout, ces expériences d'accueil sont généralement vécues positivement par les structures qui ont sauté le pas. Elles insistent même sur leur « simplicité » et leur « relative facilité de mise en oeuvre ». Certaines y voient en outre l'occasion d'une « plus-value éducative », d'un « renforcement de la motivation et de l'implication des équipes » et d'une progression du travail partenarial.

Au-delà de ces structures « ordinaires », le rapport recense de nombreuses solutions alternatives conçues depuis une trentaine d'années pour accueillir des publics handicapés. Malgré leur caractère onéreux et non mixte, les séjours de vacances adaptés semblent être la « solution la plus connue des familles, et la plus répandue notamment pour la période estivale ». Moins courantes, les structures d'accueil et de loisirs mixtes reçoivent sur un même site des enfants handicapés ou non « dans un cadre structuré et, la plupart du temps, professionnel ». Grâce à l'adaptation des lieux, la limitation des effectifs, un système de réservation de places pour les enfants handicapés, la qualification du personnel et un tarif identique pour tous, elles proposent une réponse adaptée et pérenne aux attentes des familles tout en ayant un taux de remplissage maximal. En outre, la formalisation de leur mode de fonctionnement permet d'envisager leur duplication sur d'autres territoires. Plus récemment, des dispositifs de soutien, d'accompagnement et d'appui technique à l'intégration d'enfants handicapés dans des structures d'accueil ordinaires se sont développés sous diverses formes (4). Bien qu'ils soient encore fragiles, ils ont l'intérêt de faciliter le travail de recherche des familles tout en rassurant les structures d'accueil.

Enfin, au-delà de l'accueil temporaire spécialisé qui se développe dans le cadre médico-social, diverses initiatives locales, s'appuyant sur l'implication forte des fondateurs, une grande réactivité et une connaissance fine des besoins des familles, ont vu le jour - telle l'association « A chacun ses vacances » à Paris. L'enquête évoque aussi une « nouvelle dynamique », alternative aux séjours de vacances adaptées, visant à faciliter le départ en vacances en famille : soit des villages de vacances organisant un accueil adapté ; soit des accueils de loisirs ouverts aux vacanciers ayant un enfant porteur de handicap.

Face à cette diversité des solutions, le rapport met toutefois en garde contre le « mythe d'un accueil «tout public» » : quelques lieux présentent même une « inadéquation avec les besoins spécifiques de certains enfants en situation de handicap ». Il en est ainsi notamment des centres accueillant plus d'une trentaine d'enfants par jour qui sont dans l'impossibilité d'offrir un espace adéquat à un public ayant besoin de repères fixes ou souffrant d'une grande émotivité. Idem pour les centres dont les locaux sont peu chauffés ou trop bruyants, ou faisant face à un turn over des équipes important. Outre les problèmes de formation et de taux d'encadrement, l'étude s'inquiète aussi du niveau de qualification professionnelle des animateurs de centres de vacances et de loisirs qu'elle estime trop faible.

Deux logiques antagonistes

Autre sujet abordé : la question juridique. Complexe, voire « délicate » comme le soulignent les auteurs, l'analyse met au jour deux logiques antagonistes. Il y a, d'un côté, l'obligation des structures d'accueil de se rendre accessibles aux enfants handicapés « sous peine d'être condamnées pour discrimination ou, pour les collectivités locales, pour rupture d'égalité devant le service public ». L'accès des enfants handicapés aux structures collectives d'accueil est en effet un droit fondamental, évoqué tant par la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées que par la loi du 11 février 2005. D'un autre côté, l'organisateur a une obligation de moyens, tout particulièrement en matière de sécurité et de surveillance, qui lui impose d'évaluer sérieusement la pertinence des adaptations mises en place pour recevoir ce public fragile. Les implications financières et humaines nécessaires pour éviter d'être condamné pour imprudence ou négligence en cas d'incidents peuvent ainsi « conduire un certain nombre de collectivités à reculer ». Ou à adopter une solution de compromis en déléguant à des associations gestionnaires « spécialistes » sa mise en oeuvre « afin de concilier les deux objectifs : répondre à l'obligation d'accueil et se soustraire à la responsabilité induite par ces accueils ». Sur cette question, le rapport défend la création d'une commission nationale de réflexion sur les enjeux juridiques et réglementaires afin d'éclaircir cet aspect compliqué de l'accueil en structures collectives.

Quatorze autres mesures « concrètes » ponctuent le rapport. Elles ont pour objectif d'« assurer un développement rapide et massif de l'offre d'accueil » garantissant une sécurité et une qualité optimale, « dans un esprit de proximité et de maîtrise des coûts ». La priorité absolue va au développement d'une offre d'accueil plurielle - à l'encontre d'une « uniformisation des réponses » ou de « certaines approches dogmatiques ». Ce pari apparaît réalisable « dans la mesure où l'offre existe et est en capacité d'essaimage sur l'ensemble du territoire national ». Les auteurs prônent un « financement correspondant au volume d'accueil réalisé par les structures » plutôt qu'un subventionnement de dispositifs d'information ou de sensibilisation « dont on ne connaît jamais réellement les effets ».

Concrètement, le rapport souhaite généraliser le principe d'une majoration forfaitaire des prestations de service aux organismes lors de l'accueil d'enfants bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) (5). Son montant, suffisamment important pour mettre en oeuvre les adaptations nécessaires à l'accueil d'enfants handicapés, serait le même pour les structures de la petite enfance et pour les accueils de loisirs, soit entre 3,80 € et 8 € de l'heure (voir encadré,ci-dessous). Cette mesure phare est complétée par deux propositions contraignantes : d'une part, obliger les organismes gestionnaires à définir dans leurs projets éducatifs les modalités d'accueil des publics handicapés ; d'autre part, conditionner la signature des contrats enfance jeunesse et des contrats éducatifs locaux à la définition d'un plan d'actions relatif à l'accueil d'enfants handicapés. Côté formation, le rapport propose d'intégrer un module concernant l'accueil des publics handicapés dans tous les cursus de formation des professionnels de l'enfance et de l'animation et de créer une attestation de formation à l'accompagnement et l'animation au service de publics en situation de handicap (AFAPH) sur le modèle de la formation aux gestes de premier secours. Le rapport revendique également la création de divers outils susceptibles d'assurer un appui technique aux organismes et de garantir la qualité d'accueil et l'information des familles - la mise en place d'un centre de ressources national sur l'accès des enfants handicapés à l'ensemble des structures d'accueil en serait la pierre angulaire. Enfin, il suggère d'impulser une prise de conscience nationale en proposant notamment que la thématique « Handicapés ou non, jouer, vivre et grandir ensemble ! » obtienne le label « Grande cause nationale ».

UN FAISCEAU DE DÉMARCHES COMPLÉMENTAIRES

Réalisée entre septembre 2007 et novembre 2008, l'étude nationale de la plate-forme Grandir ensemble s'est appuyée sur un faisceau de démarches complémentaires. Au recensement et à l'analyse des ressources documentaires existantes sur le sujet, se sont ajoutées plus de quarante auditions d'organisations : associations représentatives de parents d'enfants en situation de handicap (tels que l'Unapei ou Autisme France), structures gestionnaires, fédérations nationales (telles que l'Association des ludothèques françaises ou les CEMEA), caisse nationale des allocations familiales et caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Un appel à témoignages de familles d'enfants handicapés a également permis de recueillir leurs paroles via diverses publications - notamment la revue Déclic, Familles et Handicaps.

En outre, deux enquêtes ont été conduites. La première, menée avec l'appui de la Fondation de France, de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et du conseil général de Loire-Atlantique auprès de 455 organismes gestionnaires de ce département, a permis de mesurer la réalité de l'accueil des enfants handicapés et d'appréhender les besoins des structures. La seconde a pris la forme d'un questionnaire auprès des CAF, des directions départementales de la jeunesse et des sports et des maisons départementales des personnes handicapées. Dans le cadre d'une convention de mécénat de compétences, une analyse du cabinet CMS-Francis Lefebvre a mis en évidence les enjeux juridiques de l'accueil des enfants handicapés. Enfin, une expérimentation régionale d'appui technique auprès d'organismes gestionnaires, baptisée Handi'Conseil, a été mise en oeuvre en Bretagne à partir du dispositif technique de la Fédération Loisirs pluriel et avec le concours de la Fédération bretonne des CAF et de la Caisse d'épargne de Bretagne.

MAJORER LES PRESTATIONS DE SERVICE : « RÉALISABLE », JUGE LA PLATEFORME

La plateforme Grandir ensemble espère bien voir aboutir sa principale demande, à savoir la majoration des prestations de service accordées aux organismes accueillant des enfants handicapés bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. « Cette mesure est techniquement possible », souligne Laurent Thomas, son porte-parole, puisque la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (2009-2012) prévoit « d'encourager l'accueil des jeunes enfants handicapés par les prestations de service versées aux structures de garde collective ». Elle est aussi, selon lui, « réalisable » puisque certaines caisses d'allocations familiales, dont celle de la Loire-Atlantique, ont testé cette mesure. Selon la plateforme, celle-ci coûterait globalement entre 80 et 160 millions d'euros par an. Pour l'instant, Nadine Morano, désormais secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, s'est montrée intéressée par la mise en place de cette disposition. « Nous attendons désormais des engagements concrets à la hauteur des enjeux pour que ce que mettent en place certaines caisses puisse être généralisé et que soit assurée l'égalité devant le service public », précise Laurent Thomas. Interrogée par les ASH, la CNAF indique qu'elle s'est engagée à porter une attention particulière à l'accueil des jeunes enfants sur des horaires atypiques et de ceux en situation de handicap. Elle précise qu'une ligne de crédits du Fonds national d'action sociale est réservée à cet effet et que différentes mesures sont en cours d'examen et seront communiquées avant la fin de l'année 2009.

ISABELLE SARAZIN

Notes

(1) A l'initiative de la Fédération Loisirs pluriel et avec le soutien de la Fondation de France, elle est composée de sept associations nationales : ACEPP, APF, Autisme France, Fédération Loisirs pluriel, Scouts et guides de France, Trisomie 21 France, Unapei (membre associé), et de 13 organisations locales. Coordonnées : 3, rue de l'Arrivée - BP 198 - 75749 Paris cedex 15 - Tél. 02 99 09 02 36 - www.grandir-ensemble.net.

(2) Preuve en est, la signature de chartes (par exemple, la charte « Commune-Handicap » élaborée en 2003 à l'initiative notamment de l'Association des maires de France), la mise en place de réseaux, la définition d'objectifs dans les projets institutionnels...

(3) Les chiffres sur lesquels le rapport s'appuie sont notamment issus de la CAF de Loire-Atlantique et de la Fédération Loisirs pluriel.

(4) Handicap et scolarité à Nantes, Collectif handicap 30 dans le Gard, « service Intégration » de l'APF...

(5) Sur le modèle de la CAF de Loire-Atlantique qui a mis en place, depuis le 1er janvier 2007, un dispositif d'aide financière aux structures gestionnaires accueillant des enfants en situation de handicap.

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