La veille du remaniement (voir ce numéro, page 5), le président de la République a fixé les grandes lignes de la politique de son nouveau gouvernement. Il l'a fait dans un cadre très solennel, en s'exprimant devant le Congrès réuni à Versailles, une première pour un chef d'Etat depuis 160 ans.
La « grave question du déficit de nos finances publiques » a largement été abordée au cours de ce discours de trois quarts d'heure. S'il a exclu de mener une politique de la rigueur - ce qui « a toujours échoué » - et d'augmenter les impôts - parce que cela « retarderait la sortie de crise » -, Nicolas Sarkozy a annoncé que la nouvelle équipe gouvernementale serait chargée de « réfléchir aux priorités nationales et à la mise en place d'un emprunt pour les financer », emprunt lancé soit auprès des Français, soit sur les marchés financiers.
« La question centrale, c'est celle de la qualité de la dépense publique », a-t-il insisté : « Quand on ne met pas les moyens suffisants dans la lutte contre l'exclusion, [...] quand on ne veut pas investir dans les écoles de la deuxième chance, quand on n'a rien à proposer entre 16 et 18 ans aux enfants qui sortent de l'école sans diplôme, sans formation, sans perspective, quand on perd la trace des enfants en difficulté qui se trouvent de facto exclus du système scolaire avant d'avoir achevé leur scolarité obligatoire parce que l'on n'a pas de structures adaptées pour eux, on ne fait pas d'économies. On prépare une augmentation considérable des dépenses futures parce que l'on paiera très cher le coût de cette désocialisation. » Il a d'ailleurs indiqué « vouloir que l'on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à 16 ans sans rien ».
Nicolas Sarkozy a en outre annoncé qu'il allait proposer aux partenaires sociaux « de prendre des mesures massives en faveur de l'activité partielle et d'étendre encore le contrat de transition professionnelle », affirmant que « tout licencié économique doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an ».
En matière de réforme des retraites, l'année 2010, loin d'être un simple point d'étape entre partenaires sociaux et gouvernement, sera un « rendez-vous capital », a-t-il confirmé, ajoutant que tout devra être « mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité ». Fermeté affichée également dans le domaine de la réforme de l'Etat (« Nous ne reculerons pas sur la règle du non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique ») et des collectivités (« Nous ne nous déroberons pas devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux [ni] devant le problème de la répartition des compétences »).
Parmi les autres points abordés, les prisons, dont l'état « est une honte pour notre République ». Le chef de l'Etat a affirmé qu'il « faut construire des places de prisons et d'hôpitaux pour les détenus souffrant de troubles psychiatriques ».
Enfin, il a estimé que la burqa - « signe d'asservissement » et « d'abaissement » de la femme - « n'est pas la bienvenue en France », et salué explicitement l'initiative du député (PCF) du Rhône André Gérin, qui a demandé une commission d'enquête parlementaire sur le sujet, proposition à laquelle se sont ralliés des députés de toutes tendances.