Le débat lancé par l'Association nationale des assistants de service social (ANAS) sur les fiches techniques adressées par l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) aux départements (1) n'est pas resté sans suite. En avril dernier, l'association, suivie par l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) et le Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI), avait dénoncé des risques d'atteinte aux droits des personnes et aux principes professionnels dans ces documents élaborés pour mettre en oeuvre le décret du 19 décembre 2008 sur la transmission d'informations préoccupantes sous forme anonyme aux observatoires de l'enfance en danger. En cause notamment : des éléments sur des données personnelles et sensibles induisant une « instruction à charge » contre les familles, une stigmatisation, voire des « allégations de délit », en particulier à travers la notion de suspicion (de psychopathologie, d'addiction, de violences conjugales). L'ONED avait alors contesté ces critiques : outre l'anonymisation des données dès leur envoi par les départements, il mettait en avant que ces fiches, visant à favoriser l'amélioration de la connaissance de l'enfance en danger, ne se substituaient pas aux référentiels d'évaluation des professionnels.
Devant l'ampleur des griefs, l'ONED a néanmoins accepté de revoir sa copie : au cours d'une réunion en présence de la direction générale de l'action sociale (DGAS), le 10 juin, l'observatoire a présenté à l'ANAS, à l'ONES et au SNMPMI une nouvelle mouture des fiches. Consultées sur ce document de travail, les trois organisations devraient faire part de leurs observations le 9 juillet, au cours d'une nouvelle réunion. Si elles restent vigilantes, elles apprécient d'être désormais consultées. « Il y a clairement une remise en cause de l'outil qui devait se généraliser et un espace de parole s'ouvre enfin sur le sujet, se félicite Laurent Puech, vice-président de l'ANAS. En outre, cette réflexion va nous permettre de retravailler avec la DGAS sur la question de la définition de l'information préoccupante. »
S'il « y a eu au moins consensus sur le fait qu'il ne s'agissait pas de fichiers mais d'un système anonymisé », le nouveau document tient compte des remarques des associations, indique Paul Durning, directeur de l'ONED, très affecté par cette polémique. Outre des allégements et des simplifications, « nous avons modifié la formulation de certaines variables : le terme de suspicion, à l'époque imposé par le ministère de la Justice pour désigner, au sens juridique du terme, ce qui n'est pas prouvé, a été supprimé ». Apparaîtraient à la place des variables comme « la personne est soignée pour le trouble » ou « le professionnel souhaiterait un diagnostic ou une prise en charge pour le trouble ». Par ailleurs, les fiches devraient inclure, à la demande de plusieurs départements, des éléments sur les mineurs isolés. Mais pour Paul Durning, si reformulation il y a, « interdire aux professionnels de s'intéresser aux facteurs clés de la situation de danger pourrait les paralyser complètement ». D'ailleurs, poursuit-il, « les statistiques de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée recensaient déjà des données sur les troubles psycho-pathologiques, les addictions et les violences conjugales ».
Reste qu'avant de procéder à la mise en oeuvre de leur système d'information, c'est aux services de l'aide sociale à l'enfance de saisir la CNIL sur la gestion des données nominatives. Une démarche entreprise par le conseil général du Loiret au mois de mars. Accusant réception de sa demande d'avis au mois d'avril, la commission l'a informé « qu'elle saisissait l'ONED afin qu'il justifie du fondement juridique des données collectées dans les fiches permettant le suivi de l'enfant », indique Jean-François Kerr, directeur de l'enfance et de la famille. La réponse définitive de la CNIL est très attendue, car elle servira de référence pour tous les départements. La commission devrait entendre l'ONED dans les prochains jours.