Recevoir la newsletter

L'ANESM, une unité de façade ?

Article réservé aux abonnés

En deux années d'exercice, l'ANESM a profondément modifié la donne du secteur social et médico-social. Présents au sein de l'agence, les représentants des professionnels, des usagers et des pouvoirs publics ont commencé à poser les bases d'une nouvelle culture partagée de l'évaluation. Pourtant, derrière le consensus, les doutes ne sont pas tout à fait épuisés sur la difficulté des professionnels à s'approprier les recommandations de bonnes pratiques et sur le contexte global dans lequel évolue l'agence.

Patrice Fleury est cadre intermédiaire dans un centre maternel de la proche banlieue parisienne. Un domaine d'activité qui cumule missions d'insertion d'un public de jeunes mères déboussolées et protection de l'enfance. Dans son secteur, les premières recommandations de bonnes pratiques professionnelles émises par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ont été perçues comme « intéressantes », mais « habillées » pour les grands établissements - « ce qui ne nous concernait que peu ou pas ». C'est la recommandation sur la mise en oeuvre de la bientraitance (1), présentée comme transversale à l'ensemble du champ social et médico-social, qui a fait se délier les langues. « Le vocabulaire qui était adopté, son registre paternaliste et désuet qui semblait sortir de l'action caritative, représentait un grand écart avec notre réalité », explique Patrice Fleury. « Dans nos structures, nous avons affaire à des usagers agissants. Avec eux nous sommes dans des démarches de responsabilisation qui relèvent de la pratique citoyenne et non de cette philosophie bienfaisante qu'on devinait au travers du texte. » Ce professionnel va jusqu'à évoquer un « recul idéologique ». « Peut-être avons-nous oublié de faire valoir nos pratiques, mais quand ce type de document officiel arrive, il est difficile de s'y reconnaître. Tout au plus peut-on se dire que sur tel ou tel point nous sommes différents. »

Ces critiques sont loin d'être isolées. Deux ans après sa création par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, l'ANESM continue de susciter de vifs débats, tant sur sa production que sur son orientation, avec cette question récurrente : vise-t-elle à améliorer la qualité ou à normaliser les pratiques ? Ses origines n'y sont pas étrangères. Installée tambour battant en deux mois, juste avant que Philippe Bas, alors ministre de la Santé et des Solidarités, ne quitte le gouvernement, elle a succédé au Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS), dont les missions d'accompagner les établissements et services dans leur évaluation interne et externe étaient pourtant identiques. Des voix s'élèvèrent à l'époque pour rappeler que le CNESMS avait été privé de moyens et pour dénoncer une reprise en main par l'Etat d'un organisme qui avait multiplié les précautions pour former un consensus autour de lui. De fait, la nouvelle agence prend la forme d'un groupement d'intérêt public dans lequel l'Etat est largement majoritaire (voir encadré, page 35). Le législateur lui assigne de se rapprocher de la Haute Autorité de santé, l'entité chargée d'élaborer des recommandations de bonnes pratiques dans le champ sanitaire, et va jusqu'à envisager à terme une « mutualisation » des moyens et des missions entre ces deux institutions afin de « tirer profit des transferts de compétences et des économies d'échelle attendues ». Le souci d'efficacité est si fort que la première mouture de la convention constitutive de l'ANESM fait sursauter les représentants des professionnels. « Dans ces projets, ne figurait plus d'instance consultative où les professionnels et les usagers pouvaient faire entendre leur parole. De même, les usagers n'étaient plus représentés au sein du conseil d'administration. Tout cela a été arraché à la négociation en dernière minute », se souvient Emmanuel Bon, directeur général adjoint de l'Association des paralysés de France. Cette image de verticalité n'a, depuis, jamais quitté l'ANESM.

La machine à recommandations

Pour autant, alors que le CNESMS n'avait abouti, en deux ans d'existence, qu'à la production d'un premier guide de l'évaluation interne (2), en un an de fonctionnement l'ANESM va mettre en place la machine à produire des recommandations. Selon un système de chefs de projet inspiré du secteur privé, les premiers textes vont commencer à faire la navette entre un comité scientifique d'une quinzaine de membres et un comité d'orientation stratégique (COS) regroupant une soixantaine de représentants de l'Etat, des collectivités et organismes de protection sociale, des professionnels et des usagers. Priorité affichée : franchir le plus rapidement possible les étapes aboutissant à la mise en oeuvre de l'évaluation externe des établissements (3). En mars 2008, une première recommandation sur la mise en oeuvre de l'évaluation interne vient compléter le guide produit par le CNESMS. En novembre 2008, la procédure de l'évaluation externe, laissée en attente depuis la loi 2002-2, est validée par le conseil d'administration de l'agence et un appel à candidatures est lancé en direction d'organismes évaluateurs. Au printemps 2009, une dizaine de recommandations sont déjà émises et cinq autres sont en préparation. Certaines incarnent des priorités d'action du gouvernement (bientraitance, maladie d'Alzheimer, autisme, soins palliatifs, plan métiers), d'autres commencent à couvrir le champ de l'évaluation des structures. Le tout avec une certitude inébranlable. « Un des mandats de l'agence est de mettre en action la vision portée par le législateur sur l'accompagnement des personnes fragilisées », rappelle Didier Charlanne, directeur de l'ANESM. Une vision qui, pour l'ex-secrétaire général de l'établissement français du sang de l'Ile-de-France, diffère des protocoles sécurisés du secteur sanitaire, qu'il connaît bien. « Dans le secteur social et médico-social, nous sommes dans une stratégie d'intimité dont l'enjeu est la co-construction de l'accompagnement avec l'usager », explique-t-il. La régulation de la liberté nécessairement laissée aux professionnels dans le cadre de cette mission canalise donc le travail de l'agence. « Si on ne veut pas être dans la procédure, il convient de préciser dans quel contexte cette liberté s'exerce, où sont les points de vigilance et au regard de quels critères un établissement est jugé apte à assurer une responsabilité pour maintenir ou développer l'autonomie d'une personne. » Quant aux critiques sur la tonalité de ses préconisations, l'ANESM y répond en distinguant trois types de recommandations. Celles qui touchent à l'organisation de l'établissement ou du service, comme l'ouverture sur son environnement. Celles qui concernent la pratique quotidienne, comme la prévention et la gestion de la violence dans les établissements accueillant des adolescents (juillet 2008), où peuvent être explorées des situations critiques. Et enfin, celles qui s'attachent aux postures professionnelles sur de grands thèmes mettant en jeu les fondamentaux de l'intervention sociale et médico-sociale, à l'image de la recommandation-cadre sur la bientraitance, et, courant 2010, d'une recommandation sur l'éthique réalisée en partenariat avec le Conseil supérieur du travail social. Pour l'ANESM, le procès en moralisation qui lui est fait concerne ce dernier volet de sa production, mais elle l'écarte : « Se limiter à l'organisation ou à la pratique et ne pas définir globalement le sens de l'action que la société veut voir retenu dans les structures accueillant des personnes vulnérables serait manquer une marche », défend Didier Charlanne.

Dans la perspective des prochaines échéances de l'évaluation interne et externe, cette conception est favorablement perçue à la tête des différentes instances professionnelles. A l'occasion de la préparation du programme d'actions de l'agence pour 2009, le comité d'orientation stratégique au complet saluait les résultats déjà engrangés sur la première année d'exercice. « L'agence bénéficie du consensus qui s'était établi autour du CNESMS, explique Emmanuel Bon. Pour tous, il est clair qu'il y a nécessité d'avoir un organisme qui fédère autour de la définition des bonnes pratiques professionnelles, en même temps qu'il officialise ce qu'il produit. Ce que nous ne pourrions jamais faire en inter-associatif. » Associées à tous les travaux de l'ANESM, les délégations siégeant au COS se retrouvent engagées dans une logique de concertation tous azimuts. « Dans ce processus démocratique, chaque recommandation est la photographie, à un moment donné, de l'état de l'art sur un sujet particulier. Il se peut que l'on puisse regretter certains points de cet état de l'art, voire s'étonner parfois de sa tonalité, mais il est intéressant aussi de noter que c'est le résultat du consensus dans le secteur qui donne cela », commente Yann Rollier, directeur du CREAI (centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptées) de Bretagne. Pour l'heure, toutes les recommandations publiées ont été votées à l'unanimité : un symbole puissant dans un secteur caractérisé par une mosaïque d'identités.

Sauf que, sur le terrain, l'attitude des professionnels tranche avec l'unité affichée par leurs représentants nationaux. Bertrand Dubreuil, directeur de Pluriel Formation, confirme l'existence de « réactions très contrastées » d'un établissement à l'autre et observe que « globalement, les directions ne se sont pas encore saisies des recommandations ». Pourtant, rien n'interdirait une appropriation rapide. « Lorsqu'on monte des formations sur la maltraitance ou le droit des usagers, par exemple, nous nous appuyons déjà sur les bonnes pratiques référencées dans la littérature professionnelle. Les recommandations de l'agence ne sont à ce titre qu'une nouvelle source, cette fois officielle, dans laquelle il serait possible de sélectionner tel ou tel repère sur une problématique précise », explique ce formateur.

Pour nombre d'observateurs, le désordre laissé par l'interminable feuilleton de l'évaluation interne et externe des établissements (dont les dates butoirs restent encore floues) n'est pas étranger à ce décalage. « Entre le moment où la loi 2002-2 a été publiée, avec l'obligation légale d'évaluation, et la mise en place de l'agence, de l'eau a coulé sous les ponts. Bien des fédérations et des associations ont pendant ce temps été occupées à installer des procédures d'évaluation pour mettre en valeur le travail interne qui était fait », explique Jean-Louis Reynal, président du groupe national d'appui à l'évaluation mis en place par la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale). Conséquence : la plupart des 60 % d'institutions déjà engagées à des degrés divers dans l'évaluation interne que comptabilise l'ANESM (4) l'ont fait sur les bases du guide de l'évaluation interne publié par le CNESMS, « et n'ont eu pas eu le temps, les moyens ou les compétences de s'approprier les recommandations de l'agence, dont les premières ne remontent qu'à avril 2008 ». S'ajoute à cela un problème de définition du champ d'intervention de l'ANESM, que soulève encore le représentant de la FNARS. La loi 2002-2 précisait en effet que l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques par le CNESMS n'était envisagée par le législateur « qu'à titre subsidiaire » dans la mesure où elles n'auraient pas été produites par les établissements et services eux-mêmes. « Dans les faits, cette lecture légale a été écartée, puisque aujourd'hui l'activité principale de l'agence consiste à produire ses propres recommandations selon un programme de travail construit en interne, et proposé ensuite au COS. Du coup, tous les besoins des établissements ne sont pas forcément recouverts et certaines fédérations ou associations continuent de créer leurs propres repères méthodologiques. Ce qui n'est pas sans engendrer un trouble profond dans l'ensemble du secteur. » Particulièrement ressenti dans les domaines tels que l'inclusion, l'insertion par l'activité économique ou la médiation familiale. L'attente d'outils spécifiques a ainsi conduit la FNARS à s'engager dans la production de recommandations de bonnes pratiques « terrain » (5), jusqu'à préparer la sortie prochaine de guides sur la conduite de l'évaluation interne et externe à l'usage de ses adhérents.

Mais le calendrier n'est pas seul en cause. Pour tous les établissements, le problème le plus crucial est celui de la « transcription » des recommandations dans leur quotidien, repère Daniel Gacoin, directeur du cabinet ProEthique Conseil. « La production de l'agence étant construite sous l'angle du compromis, on a affaire à des énoncés positifs, sans grande exigence en termes d'indicateurs pour l'évaluation. Et comme on ne sait toujours pas comment utiliser ces documents, puisque personne ne le dit, une autre imprécision subsiste sur la nature de cette évaluation. Est-ce se centrer sur la mise en mouvement de l'institution dans le sens voulu par l'agence, ou est-ce se centrer sur une exigence de réalisation d'un certain nombre de prestations ? » Dans les deux cas, à raison d'une quarantaine de « repères pour agir » dans chaque recommandation, les professionnels d'un champ d'activité donné pourraient se retrouver tôt ou tard face à des centaines de pistes de travail, redoute ce consultant.

Autant de débats en train d'influer sur l'orientation de l'agence, où l'on rappelle « n'avoir qu'un an de programme de travail ». Selon son directeur, « passée une première phase qui a permis de dégager les généralités sur lesquelles pouvaient s'accorder les acteurs sociaux et médico-sociaux, la production de l'agence va être déclinée de façon très concrète ». Ainsi les repères de la recommandation-cadre sur la bientraitance ont permis de construire le questionnaire d'auto-évaluation destiné aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sur des aspects pratiques. Des recommandations en préparation comme la qualité de vie dans ces établissements ou la sexualité des personnes handicapées vont par exemple être l'occasion d'aborder plus précisément la gestion des risques, le quotidien, l'animation, etc. Parallèlement, une campagne d'explication, conduite en région avec les instances du secteur, contribuera à dresser un panorama des difficultés des professionnels avant une journée nationale de restitution prévue pour 2010. Pour Didier Charlanne, un des défis de l'agence est désormais de rassurer le terrain. « Ce qui est demandé aux directions, c'est de se situer par rapport aux recommandations. Celles-ci ne font que définir un cadre d'action général et rien n'empêche de déroger aux pratiques recommandées si, au moment de l'évaluation, il est démontré que la démarche suivie dans l'établissement est au moins comparable. » Afin d'ancrer ce message, l'ANESM se dit prête à s'engager dans la validation des recommandations élaborées par les fédérations et les associations, renouant ainsi avec une des priorités émises en son temps par le CNESMS. Inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'agence voté en janvier 2009, le déploiement de cette « deuxième phase de production », comme la définit Didier Charlanne, « nécessitait au préalable que soit précisé aux acteurs ce que nous entendions par évaluation. Les niveaux de preuves exigibles pourront en effet être différents selon qu'on est sur la posture, l'organisation ou la pratique. »

Des dents qui grincent

Mais tous les malentendus peuvent-ils être dissipés si facilement ? A commencer par le décalage avec le terrain qui n'est pas sans faire grincer quelques dents jusque dans les instances de l'ANESM. En témoigne l'agacement de la Fédération hospitalière de France (FHF) qui, le 2 avril dernier, prenant acte de la réduction des moyens accordés pour 2009 au secteur des personnes âgées, s'interrogeait sur la démarche qualité portée par les autorités « alors même que l'ANESM procède à l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques ambitieuses, mais décontextualisées ou déconnectées » des procédures déjà engagées par les établissements. Enfonçant le clou, la fédération dévoilait à cette occasion un guide de « repères et indicateurs qualité » pour les maisons de retraite (6), destiné à leur permettre de s'adapter à cette nouvelle réalité financière en leur fournissant « des lignes directrices [...] sur la mise en oeuvre possible, totale ou partielle, des recommandations de bonnes pratiques élaborées par les pouvoirs publics ». Diplomate, Andrée Barreteau, responsable du pôle « organisation sanitaire et médico-sociale » de la FHF, écarte toute remise en cause de l'agence en préférant situer la démarche « dans le contexte politique plus large d'une réaction à une rigueur budgétaire sans précédent ». Il n'empêche, les limites du consensus sont posées.

Par ailleurs, l'utilité du travail déjà accompli n'empêche pas les craintes de s'exprimer derrière l'affichage unitaire. « En réalité, on ne peut dissocier cet exercice d'énoncé de bonnes pratiques de l'évolution globale de la philosophie de l'évaluation dans le champ social et médico-social qui est en discussion en ce moment. Et le fait qu'il existe une forme d'unanimité des représentants professionnels pour défendre le modèle de l'agence montre que chacun est conscient que d'autres options existent », relève Gilles Rivet, consultant au COPAS (Conseil en pratiques et analyses sociales). Les retards pris sur la préparation de la très attendue recommandation sur la conduite de l'évaluation interne en sont un indicateur. Initialement prévue pour mars 2009, la sortie de ce texte-cadre a dû être repoussée de plusieurs mois en raison des dissensions de fond apparues au sein du comité d'orientation stratégique (7). D'après plusieurs sources internes à ce comité, des propositions ont été faites pour que l'évaluation s'attache non seulement à la pertinence des actions, mais aussi à la mesure de leur efficience - « ce qui représentait une nouvelle conception de l'évaluation interne et ouvrait sur la certification », assure un représentant associatif. Ecartées à la majorité, ces demandes - qualifiées de « malheureuses » - ont néanmoins montré que le débat n'était pas seulement externe à l'agence, mais aussi interne, et ont relancé les spéculations sur l'avenir (8) « Même s'il semble acquis que le devenir de l'ANESM est assuré, tout au moins en termes de moyens, ses articulations avec d'autres instances, comme la Haute Autorité de santé, les agences régionales de santé, ou la future Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux [ANAP] (9) soulèvent de nombreuses questions », s'inquiète Hubert Allier, directeur de l'Uniopss. Seule agence à faire cohabiter le social et le médico-social face à de puissantes homologues regroupant, elles, le sanitaire et le médico-social, l'ANESM devra, de plus, composer avec les missions de production de bonnes pratiques de gestion et de management dévolues à l'ANAP. Entre une agence centrée sur « l'évaluation » et une autre sur « la performance », n'y a-t-il pas un risque de glissement ? « Comment va-t-on différencier la performance de l'évaluation ? Est-ce que la performance restera au niveau de la gestion économique et l'évaluation au niveau des bonnes pratiques ? », s'interroge Hubert Allier. Si du côté de l'ANESM, on se veut rassurant en évoquant « une concertation entre les différentes agences », le questionnement a toutes les chances de revenir régulièrement sur le devant de la scène. Par exemple à l'occasion des recommandations sur la gestion des ressources humaines ou sur le positionnement de l'établissement dans la concurrence, d'ores et déjà prévues au programme de l'ANAP. L'unité résistera-t-elle ?

UNE AGENCE ORGANISÉE POUR LE PARTENARIAT

L'ANESM est un groupement d'intérêt public constitué entre l'Etat (majoritaire), la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et, de manière plus symbolique (moins de 1 % des parts), onze organismes représentant les établissements sociaux et médico-sociaux (10). Son assemblée générale fixe les orientations stratégiques, le fonctionnement et l'organisation de l'agence. Un conseil d'administration, qui comprend également des représentants de l'Etat et des acteurs du secteur, exerce quant à lui des missions de surveillance sur les orientations stratégiques et le programme d'activité de l'agence. Chargé également de faire des propositions d'orientation, il est assisté dans cette tâche par deux instances importantes pour la gouvernance de l'ANESM :

un comité scientifique, présidé par Michel Legros, directeur du département Politiss de l'EHESP et composé d'une quinzaine de personnalités reconnues. Son rôle est de veiller à la qualité scientifique des programmes de recherche projetés ou menés ;

un comité d'orientation stratégique (COS), présidé par André Ducournau, vice-président du Groupement national des directeurs généraux d'association. Il réunit des représentants de l'Etat, de l'Association des régions de France (11), des organismes de protection sociale, des usagers, des fédérations, des syndicats et des professionnels. Organisé en sections pour aborder des thématiques spécifiques (personnes âgées, handicap, enfance et exclusion), le COS émet des avis sur l'élaboration du programme annuel de l'agence, la composition des groupes de travail et les projets de recommandations élaborés.

L'ANESM dispose d'un budget propre de 3,3 millions d'euros pour 2009. Depuis sa création, en 2007, son équipe en perpétuel renforcement est passée d'une quinzaine d'agents à près de 30.

COMMENT S'ÉLABORE UNE RECOMMANDATION DE BONNES PRATIQUES ?

32 000 institutions et services représentant un kaléidoscope de cultures différentes : la mission de diffuser des bonnes pratiques communes dans le secteur social et médico-social apparaît d'emblée des plus délicates. Pour rentrer dans le vif du sujet, l'ANESM s'est appuyée sur les méthodes déjà éprouvées en France par la Haute Autorité de santé dans le secteur sanitaire, et à l'international par le Social Care Institute for Excellence, au Royaume-uni, ou l'Agence de santé publique du Canada. « Une bonne pratique, c'est le rapprochement d'un consensus construit par les milieux professionnels et de sa confrontation avec les données de la littérature existante », explique Claudine Parayre, chef du service pratiques professionnelles de l'ANESM. Rigueur oblige, n'est ainsi qualifiée de « bonne » qu'une pratique qui répond à toutes les exigences scientifiques et philosophiques du moment. Si la formule fonctionne à merveille dans le monde sanitaire, où les études abondent, une adaptation a dû être nécessaire dans celui du social et du médico-social, « il n'existe pas dans le social de certitudes scientifiques. A cela s'ajoute le fait qu'on ne trouve pas chez les professionnels du secteur de tradition forte de production de connaissances sur leurs savoir-faire. Si bien qu'il a été indispensable de s'engager dans la voie du consensus. »

Concrètement, la méthodologie mise en place pour la production d 'une recommandation s'inscrit dans plusieurs temps. Après une analyse de la littérature francophone et internationale, qui cadre les notions et les concepts à aborder, un recueil des pratiques existantes est effectué auprès des professionnels, soit directement sur sites, soit sous forme de questionnaires ouverts ou d'interviews. Sur la base de cette première étude, un groupe de travail animé par un chef de projet, réunissant des personnes qualifiées et des représentants des professionnels et des usagers, va chercher à valider les pratiques repérées selon des critères de pertinence pour l'usager, de faisabilité ou de transférabilité. Si un accord n'est pas trouvé, chacune des pratiques fait l'objet d'une cotation afin de dégager un compromis (consensus formalisé). En dernière étape, un projet de recommandation est soumis aux deux instances consultatives de l'agence : le comité d'orientation stratégique pour le fond, et le conseil scientifique pour la cohérence technique. « Depuis un an, nous construisons en permanence nos méthodes. Dans une démarche de consensus collectif, il ne s'agit pas d'avoir un avis majoritaire contre un avis minoritaire, mais d'être certain que l'ensemble du secteur puisse s'approprier la recommandation », résume Claudine Parayre.

Pour Michel Legros, directeur du département Politiss de l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), et président du conseil scientifique de l'ANESM, cette façon de travailler oppose en soi un démenti aux accusations d'« irréalisme » et de « déconnexion du terrain », souvent faites à la production de l'agence. « Au contraire, en sollicitant beaucoup les professionnels, en s'appuyant aussi sur les usagers, la construction des recommandations peut parfois souffrir d'un certain déséquilibre au détriment de la mobilisation des savoirs et des connaissances. » En outre, la recherche du consensus professionnel conduit à la production de recommandations « de niveau intermédiaire », estime-t-il. De nombreuses pratiques innovantes peuvent par exemple ne pas se retrouver dans le document final. « En l'état actuel du milieu, les avancées qu'elles représentent ne sauraient être proposées à tous les acteurs. C'est l'ensemble du secteur qu'ilfaut faire évoluer et pas seulement les meilleurs. »

Notes

(1) La bientraitance : définition et repères pour la mise en oeuvre - Juillet 2008 - Disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr - Voir ASH n° 2569 du 22-08-08, p. 13.

(2) Guide de l'évaluation interne - CNESMS, septembre 2006 - Voir ASH n° 2472 du 6-10-06, p. 11.

(3) Dont le cahier des charges a été fixé par le décret du 15 mai 2007 - Voir ASH n° 2509 du 25-05-07, p. 15.

(4) Voir ASH n° 2603 du 3-04-09, p. 15.

(5) Notamment, le Guide de bonnes pratiques de soutien à la parentalité dans le cadre de l'hébergement social (décembre 2008) à destination des professionnels amenés à travailler avec des familles au sein de structures d'accueil sociales et médico-sociales.

(6) Sécurité et qualité dans le secteur personnes âgées : Produire des indicateurs de qualité associés à des indicateurs de résultats - FHF, avril 2009. Guide basé sur « les bonnes pratiques de soins en EHPAD », DGAS-SFGG, octobre 2007.

(7) Elle est annoncée dans les prochaines semaines.

(8) « L'ANESM, une agence en sursis ? », s'interroge Pierre Savignat, maître de conférences associé à l'université Grenoble-II et membre du conseil scientifique de l'agence, qui estime que tout doit être fait pour conforter cette institution, car elle représente « l'une des garanties d'un processus évaluatif partagé » et un garde-fou face au renforcement de logiques managériales et financières. Evaluer les établissements et les services sociaux et médico-sociaux - Dunod - 2009.

(9) L'ANAP a pour objectif de fournir des services et des outils aux établissements leur permettant d'améliorer leur qualité de service et leur gestion. Elle disposera dès 2009 d'une cinquantaine de collaborateurs et d'un budget de l'ordre de 30 millions d'euros. A comparer avec les 3,3 millions d'euros du budget 2009 de l'ANESM.

(10) FEHAP, FHF, FNARS, Synerpa, Unapei, Unasea, UNA, UNCCAS, Uniopss, Fnaqpa, UNADMR.

(11) L'ADF n'est pas représentée.

(12) Les attentes de la personne et le projet personnalisé - ANESM, décembre 2008.

DÉCRYPTAGE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur