En 2008, le régime général de la sécurité sociale accuse un déficit de 10,2 milliards d'euros, au lieu des 9,3 milliards initialement prévus (1). « Reflet de la crise », ce déficit devrait s'élever à 20,1 milliards en 2009, la moitié consistant en un « déficit conjoncturel lié à la chute brutale des recettes » (2), a affirmé le ministre du Budget et des Comptes publics lors de la présentation, le 15 juin, du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (3). Malgré tout, le gouvernement se félicite des résultats pour l'année 2008, qui, certes, traduisent une diminution des recettes de plus de 1 milliard, mais aussi une maîtrise « très forte » des dépenses d'assurance maladie, a souligné Eric Woerth.
La branche maladie affiche un déficit de 4,4 milliards d'euros en 2008, proche de l'objectif fixé à l'origine (- 4,2 milliards). L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) a ainsi été dépassé de 900 millions d'euros, notamment à cause d'une hausse des dépenses de soins de ville (+ 800 millions). Toutefois, précise la commission des comptes, en termes de dynamique, ces dépenses « ralentissent notablement (+ 2,5 %, contre + 4,8 % en 2007), en grande partie du fait du dispositif des franchises [médicales] mis en place en janvier 2008 » (4) et de la réintégration d'une partie des dépenses de dispositifs médicaux dans le forfait soins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (5). « En l'absence de ces mesures, estime-t-elle, la croissance des dépenses aurait été de l'ordre de 4 %. » Parmi les dépenses de soins de ville, sont pointées du doigt les indemnités journalières (IJ) qui augmentent de 5,8 % en 2008 et représentent près du tiers des dépenses. Cette accélération porte essentiellement sur les IJ « maladie », la commission ayant en effet noté une croissance de 6 % (contre 4,9 % en 2007) des arrêts de travail de moins de trois mois et de 5,4 % de ceux de plus de trois mois (contre 0,1 % en 2007) (4). Parallèlement, les IJ « accidents du travail » continuent de croître à un rythme de l'ordre de 6 %.
Pour 2009, la commission estime que le déficit de la branche maladie devrait atteindre 9,4 milliards, dont la moitié est imputée à la crise. Soit un dépassement « limité » de l'ONDAM de 400 millions d'euros, au vu duquel le comité d'alerte, dans son avis du 29 mai dernier, n'a pas jugé nécessaire de déclencher la procédure d'alerte. Malgré tout, le gouvernement a annoncé qu'il fallait « stopper la dérive des deux postes qui progressent le plus fortement, les indemnités journalières et les transports sanitaires : [respectivement] + 6,7 % de hausse sur les 4 premiers mois de l'année 2009 et + 7,4 % ». Aussi Eric Woerth a-t-il indiqué avoir demandé à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) de « renforcer sa politique de contrôle », en adressant « 1 000 lettres d'avertissement aux gros prescripteurs d'arrêts de travail » et en mettant « sous accord préalable 150 médecins supplémentaires ». En outre, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, il proposera la généralisation de l'expérimentation de la contre-visite des arrêts de travail organisée par l'employeur (5). Un dispositif qu'il souhaite étendre aux fonctionnaires. S'agissant des fonctionnaires de l'Etat, le ministre a aussi indiqué vouloir pour eux « un contrôle normal et régulier de l'opportunité des arrêts maladie ». Dans le domaine des transports sanitaires, les ministres de la Santé et des Comptes publics ont aussi demandé à la CNAM de mettre 100 médecins supplémentaires sous accord préalable et d'effectuer un audit dans les 200 hôpitaux qui prescrivent le plus de transports.
Par ailleurs, après avoir rappelé que la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a affiché un excédent de 56 millions d'euros en 2008, le rapport estime toutefois que son solde comptable annuel pourrait être déficitaire de 840 millions en 2009 du fait de la diminution des produits (- 200 millions), sous réserve qu'il n'y ait pas de sous-consommation de l'objectif global des dépenses médico-sociales. Pourraient contribuer à cette situation des baisses de rendement de la contribution tirée de la journée de la solidarité (6) et de la contribution sociale généralisée. S'ajouterait à cela une hausse des charges de 100 millions, liée en particulier à la contribution de la caisse au plan de relance de l'économie et aux contrats de projet Etat-région.
En 2008, la branche vieillesse connaît un déficit de 5,6 milliards d'euros. Le nombre de départs à la retraite a continué d'augmenter, bien qu'à un rythme moins élevé qu'en 2007 (+ 2,7, contre + 5,5 %). Et il pourrait diminuer en 2009 du fait de l'allongement de la durée d'assurance cotisée requise pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, à compter de cette année, de un trimestre par an et par génération pour atteindre 164 trimestres en 2012. Les prestations légales servies par la branche ont représenté près de 87 milliards d'euros en 2008 (+ 5,6 %, contre + 6,1 % en 2007) : les droits propres ont ainsi progressé de 6 % (contre 6,5 %) et les droits dérivés de 3,5 % (au lieu de 4,3 %). En 2009, ces dépenses pourraient atteindre environ 92 milliards (+ 4,9 %), malgré un ralentissement des dépenses de droits propres et dérivés (respectivement + 5,1 % et + 3,3 %). Pour la commission, ce ralentissement tiendrait à la diminution du nombre de départs en retraite anticipée (- 10 %, contre + 10,5 % en 2008) et à la stabilisation du flux de départs à la retraite.
Au total, le déficit de la branche vieillesse devrait s'établir à 7,7 milliards en 2009, la crise n'en expliquant que 30 %, a précisé Eric Woerth. « Cela rend d'autant plus nécessaire le point d'étape que le gouvernement fera avec les partenaires sociaux en 2010, sans attendre le prochain rendez-vous sur les retraites », a-t-il ajouté. Pour assurer la soutenabilité du système de retraite, Brice Hortefeux, ministre de la Solidarité, a évoqué le 14 juin, lors de l'émission Dimanche soir politique (France Inter/iTélé/Le Monde), la possibilité de relever l'âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, une proposition soutenue par le Premier ministre.
Après avoir été excédentaire en 2007, la branche famille affiche de nouveau un solde déficitaire de 300 millions d'euros en 2008, notamment du fait de la croissance de 3,5 % des dépenses de prestations (contre 3 % en 2007). Parmi elles, les aides à la petite enfance (près de 30 % des prestations familiales) ont progressé de 6 % et celles en faveur des personnes handicapées de 5,2 % (contre 5,4 % en 2007). S'ajoutent à cela, la forte augmentation des charges d'allocation de logement à caractère familial (ALF) (7,6 %). Selon la commission des comptes, le déficit de la branche famille devrait se creuser encore, pour atteindre 2,6 milliards en 2009. D'ailleurs, Eric Woerth estime que la crise est à l'origine de cette situation à hauteur de deux milliards d'euros, le reste des charges pouvant être imputé au dynamisme des dépenses d'ALF (+ 6,6 %) et de prestations en faveur des personnes handicapées (+ 6,3 %).
Le solde de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) s'établit, quant à lui, à 241 millions d'euros en 2008, fruit d'un recul des charges (- 1,4 %) et de recettes dynamiques (+ 5,3 %). Cependant, la tendance risque de s'inverser rapidement, la commission des comptes prévoyant un solde déficitaire de 345 millions d'euros en 2009. Les raisons : une hausse des charges de 300 millions du fait du transfert à la CNAM de la sous-déclaration des AT-MP (9) et, dans une moindre mesure, l'augmentation de 30 millions de la dotation de la branche au fonds de cessation anticipée de l'activité des travailleurs de l'amiante. En outre, les prestations légales devraient progresser de 3,2 % par rapport à 2008.
(2) Pour le gouvernement, la moitié de ce déficit s'explique par la baisse de la masse salariale et l'augmentation de 300 millions des charges d'allocation de logement à caractère familial. Autre explication : la dégradation de l'emploi et des comptes de l'Unedic n'a pas permis de diminuer les cotisations chômage, ce qui aurait permis d'augmenter les cotisations vieillesse (manque à gagner de 1,7 milliard d'euros).
(3) Disponible sur
(4) Sous l'effet des franchises médicales, les dépenses de médicaments ont, pour la première fois, connu une évolution négative en 2008 (- 0,5 %, contre + 4,5 % en 2007) et celles des dispositifs médicaux ont décéléré : + 8,9 % en 2008, au lieu de + 11,1 % en 2007. Au total, tous régimes confondus, le rendement de la mesure a été de l'ordre de 890 millions d'euros en 2008.
(6) Selon la caisse nationale d'assurance maladie, ce sont surtout les arrêts de plus de 45 jours qui contribuent à la croissance de ces dépenses, puisqu'ils en représentent les trois quarts.
(7) Actuellement en cours dans une dizaine de départements, cette expérimentation doit prendre fin au 31 décembre 2009 - Voir ASH n° 2549 du 14-03-09, p. 15.
(8) Sur l'utilisation des crédits issus de la journée de solidarité, voir ASH n° 2612 du 5-06-09, p. 28.