LIVRE

L'ALTÉRITÉ EN QUESTIONS. Sortir la culture d'un « exotisme folklorisant », tout en prenant acte des difficultés que peuvent rencontrer les intervenants du champ éducatif, sanitaire, judiciaire ou social quand ils sont confrontés à l'altérité, tel est l'angle des contributions proposées dans cet ouvrage par le Derpad, dispositif public au service des professionnels de l'enfance et de l'adolescence en difficulté, et par l'association Regards (Repenser et gérer l'altérité afin de refonder la démocratie et les solidarités). Quand on parle de « la » culture, on fait comme s'il s'agissait d'un isolat homogène et figé, et non d'une réalité plastique qui se transforme avec l'évolution des façons de faire, de vivre, de croire, et les multiples contacts entre populations, comme l'explique Bernard Bier, chargé d'études à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. C'est pourquoi « assigner quelqu'un à une origine, une culture, est une manière à la fois de nier la complexité des sociétés et de le nier » lui-même en tant qu'individu, « en l'empêchant d'afficher son identité de sujet, pris dans l'héritage de ses filiations, mais aussi engagé dans des affiliations choisies », ajoute-t-il. Cette assignation, cependant, est monnaie courante, et les migrants ainsi que leurs descendants continuent à être vus comme obstinément « autres », souligne Françoise Lorcerie, directrice de recherche au CNRS, qui analyse ces processus d'ethnicisation. Pour essayer de les enrayer ou, à tout le moins, pour inciter les professionnels à faire preuve de prudence dans leurs jugements, Stéphane Tessier, président de Regards, et Etienne Le Roy, professeur émérite d'anthropologie du droit à l'université Paris I, ont mis au point une formation à l'interculturalité. Il s'agit plus d'acquérir « une posture de communication » impliquant des compétences qu'une technicité nourrie de connaissances. Pour l'intervenant, l'enjeu est de comprendre ce qui le différencie de l'usager sur le plan des représentations - de la généalogie, de la parenté, de la maladie, etc. - et, sans les juger rapidement, de savoir tolérer ces différences en essayant de les inscrire dans ses objectifs professionnels.