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Adoption : un projet de loi « pour faire du chiffre » ?

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Deux mois après la présentation du projet de loi relatif à l'adoption (1), le Fil d'Ariane, une association de parents d'enfants placés installée dans la Seine-Saint-Denis, dénonce les dangers de ce texte qui vise à faciliter l'adoption d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) (voir aussi la rubrique « Vos idées », dans ce numéro, page 31). Deux dispositions sont mises en cause. L'une vise à accélérer les procédures d'acquisition du statut protecteur de pupille de l'Etat : elle prévoit pour cela de permettre au parquet de présenter d'office la demande en déclaration d'abandon, dont se charge actuellement l'ASE (2). L'autre préconise que le rapport annuel réalisé par l'ASE pour chaque enfant porte aussi sur « la situation de désintérêt manifeste des parents ». Cet aménagement de la procédure de déclaration judiciaire d'abandon fait bondir Catherine Gadot, présidente du Fil d'Ariane, qui craint que les professionnels de l'ASE soient incités à rendre les enfants davantage « adoptables ». Or « rares sont les parents qui se désintéressent de leur enfant », explique-t-elle, précisant que les liens sont parfois difficiles à maintenir lorsque des enfants sont placés à plusieurs centaines de kilomètres de chez leurs parents ou que les conditions des visites ne permettent pas d'en créer de réels. En définitive, l'association voit dans ce texte la volonté de « faire du chiffre » en augmentant le nombre d'adoptions, et ainsi répondre à la demande des 30 000 familles en attente d'un enfant à adopter.

Aux côtés des parents du Fil d'Ariane, Pierre Verdier, avocat au barreau de Paris, ancien directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, voit dans cette réforme la négation de « l'origine, qui reste inscrite dans le coeur de l'enfant ». Mais ce projet de loi témoigne aussi de la méfiance du législateur à l'encontre des services sociaux. « L'idée sous-jacente serait qu'après avoir été oubliés par leurs parents, les enfants sont oubliés par les services », explique-t-il. Or l'objectif du travail social, « ce n'est pas de faire des enfants pour l'adoption mais de permettre aux parents d'assumer leur parentalité et aux enfants de vivre en famille », précise-t-il, rappelant que c'est l'un des axes majeurs de la réforme de la protection de l'enfance de mars 2007. C'est aussi l'opinion de Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny et de l'association Défense des enfants International (DEI)-France, qui contestait dès avril dernier ce texte (3) : « Sur le plan idéologique, c'est un projet dangereux qui risque de véhiculer une image négative de l'aide sociale à l'enfance, et de l'action sociale dans son ensemble. » « On parle même d'élaborer un référentiel pour évaluer le délaissement parental », s'insurge Pierre Verdier, qui pointe au contraire la nécessité d'un référentiel pour mesurer le travail de collaboration avec les parents.

L'association, soutenue par les deux magistrats, souhaite donc que le texte soit largement amendé. Elle exige que le délai de un an qui suit le placement et après lequel l'enfant peut être adopté ne soit pas réduit (4). Ensuite, elle souhaite que le tribunal soit obligé de vérifier en quoi l'enfant est délaissé, notamment en examinant les mesures d'accompagnement mises en place par l'ASE. Ce qui, pour Pierre Verdier, est dans l'esprit de la réforme de mars 2007 : avant de saisir le juge des enfants pour une mesure de protection judiciaire, le procureur s'assure que les autres mesures de protection ont bien été mises en place. Enfin, le rapport annuel que doit rédiger l'ASE doit porter « sur les actions de soutien à la parentalité mises en oeuvre par les pouvoirs publics », précise l'avocat.

Reste qu'une « bonne solution », estime Pierre Verdier, serait d'utiliser toutes les possibilités légales et de recourir à l'adoption simple, laquelle permet de ne pas couper l'enfant de sa filiation d'origine.

Notes

(1) Voir ASH du 10-04-09, p. 10.

(2) Actuellement l'enfant peut être déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, après la transmission d'une déclaration d'abandon par l'établissement ou le service de l'ASE qui a recueilli l'enfant, lorsque les parents se sont manifestement désintéressés de leur enfant pendant au moins un an.

(3) Voir ASH n° 2604 du 10-04-09, p. 27.

(4) Cette mesure n'est pas dans le projet de loi mais pourrait apparaître par voie d'amendement lors de l'examen du texte au Parlement, dont la date n'est pas fixée.

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