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Octroi de l'APL : exiger la présentation du passeport pour vérifier la condition de résidence est discriminatoire, estime la HALDE

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La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a été saisie en juin 2008 par le président du comité des résidents d'un foyer situé dans le Val-d'Oise d'une réclamation relative au contrôle effectué dans ce foyer par la caisse d'allocations familiales (CAF) sur le droit à l'allocation personnalisée au logement (APL) dont bénéficiaient les résidents, majoritairement des retraités de nationalité étrangère. Au cours de ce contrôle, la CAF a notamment vérifié si les allocataires remplissaient bien la condition de résidence requise (1) et, pour ce faire, leur a demandé de présenter leur passeport. Elle a suspendu le service de la prestation à ceux qui ont refusé de répondre à cette demande. Dans une récente délibération, transmise aux ministres chargés de la solidarité et de l'immigration, la Haute Autorité a jugé ces décisions de suspension non seulement illégales mais aussi discriminatoires.

Des décisions non seulement illégales...

Pour l'instance, les décisions de suspension des aides au logement sont illégales. Elle rappelle en effet que, en vertu de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, « l'organisation de la sécurité sociale assure pour toute personne résidant sur le territoire français la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille ». Cette condition de résidence s'impose tant aux Français qu'aux étrangers et est sans lien avec la condition de régularité de séjour. Or, en réclamant aux retraités étrangers résidant au foyer la présentation de leur passeport, la CAF a fait de cette modalité « une condition nécessaire au maintien du bénéfice des APL », estime la Haute Autorité. Il s'agit là, selon elle, d'une pratique fondée sur des motifs erronés. Tout d'abord, souligne-t-elle, la CAF commet une « erreur de droit » lorsque, dans son courrier de réponse à la HALDE, elle fait référence au décret du 14 mars 2007 relatif aux modalités d'application de la condition de résidence pour le bénéfice de certaines prestations (2) et à une circulaire d'application de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) du 22 juillet 2008, ces deux textes excluant de leur champ d'application les APL. En outre, pointe l'instance, « contrairement à ce qu'affirme la CAF, la condition qui devait en l'espèce être vérifiée était celle de l'occupation effective du logement pendant huit mois et non celle de la présence sur le territoire français pendant cette durée ». Dès lors, l'exigence de la présentation du passeport n'était pas pertinente : « l'allocataire aurait pu, sans sortir du territoire, ne pas se conformer pour autant à la condition d'occupation du logement ». Au contraire, pour contrôler cette dernière exigence, indique la Haute Autorité, « l'allocataire devait être amené à prouver par tout moyen ladite occupation (remboursement ou rendez-vous médical, relevé de compte, billet de train...) ».

En second lieu, la caisse a, en tout état de cause, fait une « mauvaise interprétation » de la circulaire de 2008 qui stipule que la condition de résidence sur le territoire national peut être apportée « notamment » par la production du passeport. Selon la HALDE, elle « se borne ainsi à indiquer l'un des moyens à la disposition de l'allocataire contrôlé d'apporter la preuve de sa résidence [...] et non à fixer une condition nécessaire au bénéfice du droit ». Autre incongruité : dans une lettre-circulaire n° 2001-132 relative au cadre juridique du métier d'agent de contrôle, la CNAF indique que l'allocataire peut refuser l'entrée du contrôleur dans le logement, que ce refus ne peut être considéré comme un obstacle au contrôle et que celui-ci ne peut entraîner la suspension des prestations.

Face à ces constats, il est clair, selon la HALDE, que « la résidence pouvait être prouvée par tout moyen et l'absence de présentation d'un unique document ne saurait en aucun cas fonder une décision de refus des prestations ou de suspension de celles-ci ». En outre, insiste-t-elle, quel qu'ait été le motif de suspension des prestations (non-présentation du passeport ou absence le jour du contrôle), « la CAF aurait dû, avant de suspendre le bénéfice des APL, inviter par courrier individuel les personnes concernées à justifier de leur résidence d'au moins huit mois sur le territoire français ».

...mais aussi discriminatoires

Au-delà de leur illégalité, ces décisions de suspension des APL revêtent aussi un caractère discriminatoire fondé sur la nationalité. En effet, explique la HALDE, « faire de la présentation du passeport - obligation qui n'incombe qu'aux seuls étrangers [...] - une condition nécessaire au maintien d'un droit et ce, en contrariété avec les textes applicables en la matière, revient à imposer une condition supplémentaire, illégale, aux seuls étrangers ». En outre, dans la mesure où la vérification du passeport n'apportait que des éléments de preuves partiels quant au respect de l'occupation effective du logement pendant huit mois, cette contrainte semble d'autant plus constituer une « ingérence excessive, car non justifiée, dans le droit au respect à la vie privée ». Une argumentation qui se fonde notamment sur les articles 8 (droit au respect de sa vie privée et familiale) et 14 (interdiction de discrimination) de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (dite « CEDH »).

S'agissant des modalités de contrôle de la CAF, la HALDE les a jugées attentatoires au respect de la vie privée. Elle relève tout d'abord que, dans sa lettre-circulaire n° 2001-132, la CNAF rappelle elle-même que les exigences de l'article 8 de la CEDH imposent de « ne pas pouvoir pénétrer au domicile de l'allocataire, sauf pour les besoins du contrôle ou si l'allocataire l'autorise ». En l'espèce, fait remarquer la Haute Autorité, le contrôle de la résidence pouvait se faire dans les locaux de la CAF, a fortiori ailleurs que dans la chambre des intéressés.

Au final, la HALDE demande à la CAF concernée de « procéder à des méthodes de contrôle plus respectueuses des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination et à la CNAF de rappeler les règles de droit applicables à l'ensemble des caisses placées sous son autorité ».

[Délibération de la HALDE n° 2009-148 du 6 avril 2009, disponible sur www.halde.fr]
Notes

(1) En effet, l'APL est soumise à une condition de résidence qui se définit par l'occupation effective du logement pendant au moins huit mois par an.

(2) Voir ASH n° 2587 du 19-12-08, p. 17.

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