Ramener, comme le prévoit la proposition de loi UMP « pour faciliter le maintien et la création d'emplois » (voir ce numéro, page 11), de trois à deux mois la durée de stage nécessaire pour avoir droit à une gratification est « une bonne mesure, qui fera sans doute l'unanimité », pour les députés socialistes. Il n'empêche : un certain nombre d'entre eux ont interrogé la majorité le 3 juin, lors du vote de la disposition à l'Assemblée nationale, sur l'impact financier de cette mesure pour les employeurs associatifs du secteur social, chiffré à 45 millions d'euros pas an. La question des moyens financiers supplémentaires à dégager se pose en effet de façon particulièrement aiguë à l'heure où les collectivités, les associations ou les organismes sur qui la mesure pèsera éprouvent déjà des difficultés pour « gratifier » les stages de trois mois (1).
Une situation qui se vérifie particulièrement s'agissant des stages obligatoires dans les cursus de formation des travailleurs sociaux, comme l'a rappelé Jean-Patrick Gille, élu (PS) d'Indre-et-Loire : « l'année dernière, les intéressés nous ont fait part des difficultés qu'ils ont rencontrées dans l'organisation de leur année et de l'inadéquation entre les examens et les stages ». « La question n'a pas été réglée, et il semble que 15 % des étudiants aient été pénalisés, notamment ceux qui relèvent des structures liées à la petite enfance. » Xavier Bertrand, alors ministre en charge de ces questions, s'était pourtant « engagé à trouver des solutions », a souligné le député socialiste... Or « les organismes de formation, les associations et les syndicats de travailleurs sociaux confirment que rien n'est résolu à ce jour ». Pour Jean-Patrick Gille, il est évident que « si les difficultés perdurent pour la rémunération des stages de trois mois, il en ira a fortiori de même pour les stages de deux mois ».
Il a par ailleurs dénoncé les « inégalités de traitement entre stagiaires », en faisant référence à la circulaire de la direction générale de l'action sociale indiquant que les collectivités locales recrutant des stagiaires ne sont pas obligées de les rémunérer. « Le problème n'est pas simple, a-t-il reconnu, car les structures sociales qui font appel à de nombreux stagiaires sont confrontées à une surcharge financière, et toute la question est de savoir qui devra l'assumer ». « Si ce devait être les organismes de formation, cela ne ferait, selon lui, que déplacer le problème des conseils généraux vers les conseils régionaux, qui ont la responsabilité, depuis 2004, d'organiser les formations sanitaires et sociales ». « Il devrait donc revenir à l'Etat d'abonder leur financement en conséquence »..., mais, a-t-il ajouté aussitôt, « une telle proposition serait tombée sous le coup de l'article 40 [de la Constitution] », qui dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
La majorité le reconnaît à demi-mot : la question n'est pas simple. Mais, pour autant, la situation est loin d'être inextricable. C'est en tout cas le sentiment du président (UMP) de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale : « nous sommes sur une ligne de crête. D'un côté, les fédérations étudiantes demandent à juste titre une amélioration de la rémunération des stages. De l'autre, il existe un risque de diminution des offres de stage. » Selon Pierre Méhaignerie, « les départements disposent à l'évidence de marges de productivité », et « ils peuvent donc faire preuve de solidarité envers les étudiants, en réalisant des économies dans d'autres secteurs ». Pas certain qu'ils apprécient.
Intervenant à sa suite, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a rappelé que la disposition de la proposition de loi « ne concerne que les employeurs de droit privé ». « Mais, a-t-il ajouté, quand bien même les organismes de droit public seraient concernés, ils sont certainement à même de comprendre qu'il est parfaitement justifié qu'un jeune faisant un stage chez eux reçoive, au bout de deux mois, une rémunération de 380 € , soit 30 % du SMIC, avec exonération totale de charges ». Avant de conclure : « soyons à la hauteur de l'enjeu, sans nous en tenir à la question de l'impact financier sur les collectivités locales ». Question sur laquelle il était interrogée et à laquelle il n'a pas apporté de réponse...