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La singularité de l'évaluation interne en protection de l'enfance

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Si le secteur de la protection de l'enfance s'engage plus lentement que les autres dans l'évaluation interne, c'est avant tout parce que les outils y sont particulièrement complexes à construire, soutient Marie-Christine Guillaumin, chef de service en action éducative en milieu ouvert.

«L'évaluation interne est entrée dans le réel des organisations sociales et médico-sociales. L'enquête nationale de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM) 2008 montre que le rythme d'engagement des établissements est peu homogène (1). Le secteur de la protection de l'enfance s'y inscrit plus progressivement mais en produisant majoritairement son propre questionnement évaluatif. Ces données sont intéressantes car elles reflètent la singularité et la complexité de ce secteur, qui ne peut pas s'engager dans la démarche sur le même mode que le secteur médico-social.

Tout d'abord, l'usager y est «polymorphe«, selon le cadre juridique qui fonde son statut. Si l'intervention relève de l'aide éducative administrative telle que le prévoit la loi du 5 mars 2007, l'usager est le parent, qui doit être soutenu dans l'exercice de sa fonction parentale en adhérant à la prestation, mais aussi l'enfant, qui doit bénéficier des garanties dues à son statut d'enfant. Si l'intervention relève du cadre judiciaire, notamment de l'assistance éducative, l'usager est alors un justiciable, les parents comme l'enfant sont sujets de droit, et leurs intérêts peuvent être contradictoires. La demande de l'usager n'a pas valeur d'injonction à un service qui a une fonction instituante, et la qualité du service n'est pas superposable à la satisfaction des usagers.

Ensuite, la caractéristique du projet d'accompagnement est qu'il est itératif et que la prestation repose sur une offre de soutien dont l'appropriation conditionnera les résultats. La singularité des situations, les trajectoires familiales, les conditions sociales, l'importance de la construction d'une relation basée sur la confiance sont autant de domaines dans lesquels des indicateurs sont particulièrement complexes à construire. Les conceptions théoriques pour travailler sur les difficultés parentales sont traversées par la notion polysémique qu'est la parentalité, ce qui renforce encore cette difficulté.

Les données de l'ANESM pourraient hâtivement laisser croire que ce secteur résiste à l'évaluation interne, un jugement trop souvent porté, notamment, sur les éducateurs. Dans les services de milieu ouvert que j'ai rencontrés dans le cadre d'une recherche (2), il apparaît que les outils de la loi 2002-2 sont difficilement mobilisables et peu investis par les familles. En revanche, l'adaptation constante de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance va conduire à distinguer, sans les disjoindre, l'aide éducative à domicile de l'assistance éducative en milieu ouvert, et les indicateurs de passage d'un cadre à l'autre vont engager un nouveau rapport à l'usager.

Un cadre de référence de l'évaluation interne fondé sur une approche par les processus pourrait permettre la création de référentiels qui prennent en compte autant l'enfant que ses parents dans leur place de sujet, considèrent l'adhésion non comme un préalable mais comme une étape à construire, intègrent les interventions en amont, reconnaissent un accompagnement social et éducatif communautaire des familles, fassent une place à l'intervention clinique et s'articulent à la politique de protection de l'enfance départementale. C'est ainsi que les référentiels préétablis qui modélisent souvent les démarches d'évaluation interne dans le secteur médico-social ne peuvent se transférer au secteur de la protection de l'enfance. La période actuelle est propice au «clé en main», beaucoup d'associations recherchent la conformité, le calendrier de l'évaluation interne commence à être contraignant pour les équipes et, hélas, certains modes de management l'associent au contrôle de l'activité. La tentation est donc grande de faire appel à un cabinet qui fournira les domaines des référentiels, induira les indicateurs et réduira sans aucun doute l'évaluation interne à une mise en conformité réglementaire, ouvrant aussi un marché de la prestation interne.

Pourtant ces référentiels de services de milieu ouvert ne peuvent être construits qu'avec des équipes qui pratiquent l'intervention, prennent en compte la parole des enfants et des familles et sauront la traduire. Ils devraient être portés par un encadrement formé au management par la qualité et en lien avec les partenaires territoriaux afin de proposer des indicateurs respectueux de la loi 2002-2, adaptés au contexte départemental et cohérents avec la notion de projet de l'enfant telle qu'elle est prévue par la loi du 5 mars 2007. »

Contact : mariechristineguillaumin@wanadoo.fr

Notes

(1) Voir ASH n° 2596 du 13-02-09, p. 12.

(2) Pour un Master 2 à l'Institut de formation et de recherche sur les organisations sanitaires et sociales et leurs réseaux (IFROSS) de la Faculté de droit de l'université Jean-Moulin-Lyon-3.

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