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RSA et « effets d'aubaine » : une reprise de marché par des régies d'insertion alimente le débat

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La question, déjà évoquée lors des débats parlementaires qui ont précédé le vote de la loi sur le RSA (revenu de solidarité active), ressurgit alors que le dispositif est entré en vigueur le 1er juin. La nouvelle prestation est-elle susceptible de provoquer des « effets d'aubaine » pour les employeurs en favorisant les emplois précaires, au prétexte que les salariés pourraient toucher un complément de revenus par la collectivité ?

Le rapport du comité d'évaluation des expérimentations indique que « les résultats ne font pas apparaître de différences significatives dans les types d'emploi occupés par les allocataires du RMI » entre les zones expérimentées et les autres, tout en s'interrogeant sur la progression des emplois à temps très partiel dans les zones expérimentales.

La CFDT, qui accueille favorablement la réforme, n'en demande pas moins « un suivi et une évaluation pour éviter les effets d'aubaine des entreprises et des branches ». Plus critique, la CGT dénonce d'ores et déjà des dérives, un exemple à l'appui, qui commence à faire grand bruit : à Marseille, une quarantaine de salariés d'une entreprise s'occupant du nettoyage des foyers Adoma a été remplacée par des personnes expérimentant le RSA, embauchées par deux régies d'insertion ayant repris le marché en 2007. L'affaire est devenue d'autant plus préoccupante que, les régies d'insertion n'ayant pas, du fait de la nature de leur activité, repris les salariés de l'entreprise sortante, ces derniers se retrouvent confrontés à un vide juridique : ni licenciés, ni reclassés, ils ne savent vers quel employeur se retourner. La justice n'a pas encore définitivement statué sur leur sort.

Signe avant-coureur d'effets pervers ? Chez Adoma, on juge la critique infondée : « Quand l'entreprise qui assurait le service est devenue défaillante et s'est retirée du marché, nous avons lancé un appel d'offres selon le code des marchés publics, explique Jérôme Bascher, directeur de cabinet du président d'Adoma. Nous avons retenu les soumissionnaires les plus compétitifs. Notre agence de Marseille, qui représente 1 % du marché est d'ailleurs la seule à recourir à une entreprise d'insertion... » Pour celui qui, ironie de l'histoire, a participé à la rédaction de la loi sur le RSA en tant que conseiller technique du ministre du Budget jusqu'en octobre 2008, la crainte d'éventuels effets pervers « est une vraie question », bien que le risque soit « epsilonesque ». Et à la Régie service 13 de Marseille, on se défend d'un quelconque lien entre le RSA et le fait d'avoir pu remporter le marché : « Nous avons toujours eu un certain nombre d'emplois disponibles pour les bénéficiaires du RMI et les chômeurs de longue durée, et nous avons toujours fait le plein. »

Yannick L'Horty, chercheur au Centre d'études pour l'emploi et membre du comité d'évaluation de l'expérimentation du RSA, juge que le cas n'est pas probant, même si la question mérite de façon générale d'être étudiée. « Elle fait partie des indicateurs d'évaluation de l'expérimentation et du dispositif généralisé, explique-t-il. Nous n'avons pour l'heure pas observé de développement de la précarité avec la mise en oeuvre du RSA, qui est plutôt une réponse au développement, depuis des années, de la pauvreté laborieuse. » Arguments qui plaident dans ce sens : l'employeur, qui ne reçoit pas d'aide directe, n'a aucun moyen de savoir si le salarié perçoit un RSA, ni son montant, qui varie selon plusieurs critères. Pour cette raison, poursuit Yannick L'Horty, l'incidence de la nouvelle prestation sur le niveau des salaires est également « improbable ».

Reste que le dispositif d'accompagnement des bénéficiaires rend le mécanisme moins neutre qu'il y paraît. « Pour peu que l'entreprise sache que la personne est orientée par une association conventionnée pour les personnes en insertion, il ne lui est pas très difficile de connaître la situation du candidat », note Laurent Puech, vice-président de l'Association nationale des assistants de service social. Charles Hoareau, qui défend à la CGT les salariés victimes de la passation du marché du nettoyage d'Adoma, craint que, dans le cadre du contrôle des « droits et devoirs » des bénéficiaires de minima sociaux, ces derniers ne soient pris à la gorge, participant malgré eux à une forme de « dumping social ». « On va leur laisser le choix entre un emploi imposé ou la suppression de leur prestation, ce qui ne pourra que développer massivement les emplois mal payés et à temps partiel. Les emplois d'insertion doivent s'ajouter aux emplois existants, pas s'y substituer ! »

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