Auditionné par le Sénat le 27 mai, le Haut Commissaire à la jeunesse a précisé les orientations qu'il compte défendre dans le « livre vert » sur la jeunesse, attendu pour la mi-juin. Martin Hirsch souscrit « à nombre » de propositions formulées par la mission sénatoriale sur la politique de la jeunesse, qui a rendu public son rapport d'étape le même jour (1).
Pour l'ancien président d'Emmaüs France, il est urgent d'assurer une continuité des parcours lors de la sortie du système éducatif, parce qu'« on ne peut pas laisser un jeune de 16 ans livré à son sort pendant un, deux ou trois ans, avant qu'il soit éventuellement «récupéré» ». A cet égard, « on peut se demander s'il ne conviendrait pas d'obliger les jeunes à suivre jusqu'à 18 ans une formation, en alternance ou non, en impliquant l'ensemble de la chaîne éducative et les missions locales », a indiqué Martin Hirsch, par ailleurs favorable à la création d'un service public de l'orientation qui aurait pour mission de « décloisonner » les différentes filières de formation. Ce nouveau service public irait « de pair avec l'attribution d'un droit à la réorientation et à une deuxième chance », qui ne s'exercerait « pas nécessairement dans les «Ecoles de la deuxième chance» ». Il aura, en outre, vocation à « mettre en relation les jeunes avec les entreprises et les employeurs » et devra permettre « à tout jeune qui le souhaite d'effectuer un stage en entreprise, d'entrer en contact avec les professionnels du secteur qui l'intéresse ».
Par ailleurs, pour le Haut Commissaire à la jeunesse, « il n'est pas acceptable que les jeunes doivent attendre six ou sept ans après l'obtention de leur diplôme pour décrocher un contrat à durée indéterminée ». Tout en soulignant la volonté du gouvernement de mobiliser davantage les contrats aidés des secteurs marchand et non marchand pour multiplier les opportunités d'insertion professionnelle, Martin Hirsch considère qu'il ne faut « pas faire de ces contrats l'alpha et l'oméga de la lutte contre le chômage des jeunes ».
Il privilégie davantage « les formules d'alternance dans le secteur public, dans le secteur associatif, dans la fonction publique hospitalière, dans la fonction publique territoriale », formules que le gouvernement entend développer. Au passage, il déplore le faible niveau de recours à la formation en alternance dans les trois fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière), où le nombre total de contrats est estimé à environ « 6 000 ». Au-delà, le Haut Commissaire à la jeunesse a réaffirmé que, « à la rentrée 2009, les places en alternance, sous quelque forme que ce soit, doivent être occupées à 100 % ». Et a promis de présenter aux parlementaires « les engagements des branches professionnelles tendant à augmenter le nombre de places de formation en alternance, notamment en apprentissage ». Par ailleurs, s'il ne prône pas le développement de l'alternance pour les plus jeunes, répétant ainsi son attachement au maintien de l'âge légal de la scolarité obligatoire, il lui semble néanmoins « bon d'effectuer un passage en milieu professionnel avant 16 ans pour changer d'air, apprendre autre chose, éventuellement reprendre confiance en soi en pratiquant des activités plus concrètes par rapport à ses aptitudes ».
Martin Hirsch recommande, en outre, que le concept de la formation en alternance soit étendu aux contrats aidés, dispositifs qui, le plus souvent actuellement, « ne comportent pas une dimension formation » : « proposons donc des contrats d'alternance aidés intégrant une formation systématique et obligatoire ; les jeunes ne seront plus contraints de choisir entre l'alternance et le contrat aidé et il sera possible de combiner les deux ».
L'ancien président d'Emmaüs France estime aussi nécessaire d'améliorer les dispositifs aujourd'hui en vigueur pour accompagner vers l'emploi les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Ainsi, selon lui, « il faut réviser les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et les contrats d'autonomie afin d'être en mesure d'apporter un soutien plus individualisé et plus marqué, avec un vrai contrat comportant des droits et des devoirs ». Et « les prochains dispositifs devront tirer les enseignements du fonctionnement des CIVIS et des contrats d'autonomie ».
Par ailleurs, Martin Hirsch juge que les missions locales sont « une des initiatives les plus intéressantes » prises en faveur des jeunes depuis 25 ans. Selon lui, « il ne viendrait aujourd'hui à l'esprit de personne de remettre en cause leur existence ». Pour autant, il souhaite que « leur articulation avec les autres acteurs » soit renforcée compte tenu des « résultats variables » que ces structures affichent en fonction de leur localisation. Parce que des jeunes mettent parfois « deux ou trois ans » avant de franchir les portes des missions locales, il est nécessaire, selon lui, de rapprocher ces structures des établissements d'enseignement. « Face à l'afflux actuel de la demande, Pôle emploi augmentera de 20 % à 25 % sa contribution aux réseaux des missions locales dans les prochaines semaines », a en outre indiqué le Haut Commissaire à la jeunesse. Ce soutien prendra la forme d'une co-traitance : « dans la mesure où l'on reconnaît que les missions locales traitent plus de jeunes, il est clair qu'il faut augmenter le nombre de forfaits que Pôle emploi versera, à partir de ses ressources, aux missions locales », a-t-il expliqué.
Martin Hirsch a également promis que la commission de concertation sur la politique de la jeunesse qu'il préside va « mettre fin au statu quo sur la question des ressources » des jeunes. Mais, a-t-il averti, « l'augmentation des ressources doit aller de pair avec une meilleure qualification ; elle ne doit pas se faire au détriment de l'insertion professionnelle ». Selon lui, « il faut interdire les stages hors cursus et privilégier les vrais emplois ou l'alternance ». Et « il serait préjudiciable d'accorder un revenu sans avoir, parallèlement, une augmentation du taux d'activité, du niveau de formation ou de qualification ».
Martin Hirsch suggère donc d'expérimenter « divers dispositifs en évitant de créer un revenu de soutien qui se substituerait à un revenu du travail » ou de faire de « l'insertion factice » en encourageant « la concurrence vis-à-vis de vrais contrats salariaux ». La solution qui emporte ses faveurs : la création d'« une sorte de capital dont le jeune pourrait disposer sous certaines conditions ». « Utilisons les notions de capital ou de dotation [...] pour permettre aux jeunes de percevoir des ressources durant leurs périodes de formation, de recherche d'emploi ou d'insertion », a-t-il ainsi suggéré. Ce mécanisme pourrait ainsi favoriser l'entrée de davantage de jeunes en formation et, in fine, faciliter leur accès à l'emploi... Mais, pour que le dispositif fonctionne, le Haut Commissaire rappelle que les entreprises et les organismes publics devront consentir « des efforts » pour accueillir davantage de jeunes.
Enfin, Martin Hirsch a milité pour le développement du service civique, qui a « poussivement atteint 2 000 ou 3 000 places ». « Il faudra [l'] ouvrir plus largement et en faire un instrument à la disposition des jeunes de toutes conditions, de tous niveaux d'études », a-t-il estimé. Le dispositif devra ainsi concerner « des jeunes très en difficulté comme des jeunes très diplômés ». Pour ce faire, le Haut Commissaire à la jeunesse veut être « en mesure d'obtenir un développement, un financement mais aussi un souffle ». « Nous avons neuf chances sur dix de donner réellement son essor au service civique cette année », prévoit-il.
(1) Rapport d'information n° 436 sur la politique en faveur des jeunes, disp. sur