Le Parlement a définitivement adopté, le 13 mai, la loi pour le développement économique des outre-mer. Mélange de mesures élaborées depuis juin 2007 par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et de mesures prises dans l'urgence des crises sociales ultramarines du début d'année, cette loi - dite loi « Lodeom » - aborde des thématiques très diverses qui vont, au-delà de la régulation des prix des produits de première nécessité, de la relance de la politique du logement à l'emploi et la formation des jeunes, en passant par le soutien au pouvoir d'achat et l'aménagement du dispositif d'allégement de charges sociales pour les employeurs. Tour d'horizon des principales dispositions.
Pour soutenir le pouvoir d'achat outre-mer, la loi prévoit qu'un accord régional ou territorial interprofessionnel peut permettre aux entreprises de verser un bonus exceptionnel de 1 500 € au maximum par salarié et par an. Ce faisant, elle donne une base légale à l'une des mesures des accords salariaux conclus en février et mars derniers en Guadeloupe et en Martinique dans le cadre de la crise sociale aux Antilles (1).
L'accord peut prévoir de moduler le montant du bonus selon les salariés, en fonction des critères suivants : taille de l'entreprise, secteurs d'activité, salaire, qualification, niveau de classification, ancienneté ou durée de la présence du salarié dans l'entreprise. Ce bonus ne peut se substituer à des augmentations de rémunération ou à des primes conventionnelles. Son versement doit intervenir au plus tard le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les sommes sont dues en application de l'accord. Pendant une durée maximale de trois ans, il est exonéré de toutes cotisations sociales à l'exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social de 2 % sur l'épargne salariale.
La loi aménage à nouveau le régime des allégements de charges sociales patronales applicable dans les départements d'outre-mer (DOM), récemment modifié par la loi de finances pour 2009. Et repousse l'entrée en vigueur de la réforme du 1er avril au 1er juin.
Ainsi, elle prévoit, pour les entreprises de moins de 11 salariés, un mécanisme plus favorable puisque celles-ci sont totalement exonérées de charges jusqu'à 2,2 SMIC (2), et non plus jusqu'à 1,4 SMIC. Au-delà, l'exonération décroît de manière linéaire pour s'annuler lorsque le salaire atteint 3,8 SMIC (plafond inchangé). Pour les entreprises de 11 salariés et plus, l'exonération demeure intégrale jusqu'à 1,4 SMIC, puis devient dégressive jusqu'à 3,8 SMIC, où elle s'annule.
S'agissant du régime d'exonération bonifié applicable à certaines entreprises (3), l'exonération de cotisations sociales sera totale jusqu'à 2,5 SMIC, et non plus 1,6 SMIC. A partir de ce seuil , le montant de l'exonération décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération est égale à 4,5 SMIC (plafond inchangé).
La loi affirme que les pouvoirs publics doivent mettre en oeuvre, au profit de l'ensemble des personnes établies régulièrement en outre-mer, une politique nationale de continuité territoriale tendant à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole.
Dans ce cadre, elle crée un fonds de continuité territoriale, dont les modalités de fonctionnement seront fixées par décret. Ce fond rassemble deux dispositifs existants jusque-là : la dotation de continuité territoriale et le « passeport-mobilité ». Il finance ainsi :
des aides aux transports entre la collectivité de résidence et la métropole ou, sous certaines conditions, entre collectivités d'une même zone géographique, ou encore à l'intérieur d'une même collectivité ;
le « passeport-mobilité études ». Il s'agit d'une aide aux transports pour les élèves du second degré et les étudiants de l'enseignement supérieur qui, en raison de la filière d'études choisie, ne peuvent pas suivre leur cursus dans leur collectivité d'origine ;
le « passeport-mobilité formation professionnelle ». Cette aide est attribuée aux personnes poursuivant, en dehors de leur collectivité de résidence, une formation professionnelle prescrite dans le cadre de la politique de l'emploi. Elle consiste en une aide aux transports, au financement des frais d'installation et de formation. Elle peut aussi permettre l'attribution aux stagiaires d'une indemnité mensuelle.
Les aides du fonds de continuité territoriale sont accordées sous conditions de ressources, selon un barème qui sera fixé par arrêté. Le deux types de « passeport-mobilité » ne sont pas cumulables.
La loi prévoit que la gestion des aides financées par le fonds de continuité territoriale peut être déléguée à un opérateur unique, qui sera l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT), a annoncé le 30 avril le secrétariat d'Etat à l'outre-mer. L'ANT pourra s'appuyer, dans chacun des territoires concernés, sur un groupement d'intérêt public auquel pourront participer notamment les conseils régionaux et départementaux, dans le cadre d'un partenariat rénové avec l'Etat.
Par coordination avec les aides financées par le fonds de continuité territoriale, le dispositif « aide au projet initiative-jeune », qui s'adresse aux jeunes de 18 à 30 ans ainsi qu'aux bénéficiaires d'un contrat emploi-jeune arrivant à son terme, est recentré sur son volet « création d'entreprise », son volet « formation » disparaissant.
Une des autres ambitions de la loi est le développement d'une offre de logements adaptée aux besoins de l'outre-mer. Pour cela, une série de dispositions réoriente vers le logement social la défiscalisation en matière de logement qui offre des avantages fiscaux afférents à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés aux investisseurs qui acquièrent ou construisent des logements outre-mer destinés à la location. Mais la loi maintient aussi, tout en le renforçant, le dispositif « Scellier-Carrez » de défiscalisation de l'investissement locatif intermédiaire direct (c'est-à-dire sans l'intermédiation d'un bailleur social). Des mesures sont également prises pour soutenir l'accession à la propriété.
Par ailleurs, la loi rend applicable aux DOM le titre IV du livre VI du code de la construction et de l'habitation relatif à la réquisition de logements vacants.
Enfin, la loi comporte des mesures pour permettre la remise sur le marché locatif de logements indivis vacants. L'indivision, qui fait que plusieurs personnes sont propriétaires d'un même logement et doivent être toutes d'accord pour effectuer les actes de gestion s'y rapportant, n'est pas spécifique à l'outre-mer, mais il se trouve qu'un nombre élevé de biens en relève dans ces territoires. C'est pourquoi la loi assouplit ce régime en étendant le champ des actes pouvant être accomplis par l'un des indivisaires sans l'accord des autres. Ainsi, lorsqu'un bien immobilier indivis, à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, est vacant ou n'a pas fait l'objet d'une occupation effective depuis plus de deux années civiles, un indivisaire peut être autorisé en justice à exécuter les travaux d'amélioration, de réhabilitation et de restauration, ainsi qu'à accomplir les actes d'administration et formalités de publicité ayant pour objet de le mettre en location à titre d'habitation principale.
En outre, parce qu'il est moins aisé dans les DOM qu'ailleurs de reconstituer les origines des propriétés ou de finaliser la liste des indivisaires, la loi autorise la création, par décret, d'un groupement d'intérêt public chargé de rassembler les éléments permettant de reconstituer les titres de propriété des biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus.
La loi supprime le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes diplômés applicable jusqu'alors dans les DOM, et qui correspond au volet « jeunes diplômés » du contrat jeune en entreprise. Initialement destiné aux jeunes peu ou pas qualifiés, le contrat jeune en entreprise a été étendu en 2003 aux jeunes diplômés, mais uniquement dans les DOM. Puis, parce qu'il faisait double emploi avec le contrat initiative-emploi, il a été abrogé en 2008. Toutefois, le volet « jeunes diplômés » applicable en outre-mer avait subsisté.
Autre mesure : la loi « Lodeom » interdit aux banques de refuser une caution présentée par un résident outre-mer pour une personne souhaitant souscrire en métropole des prêts à la consommation ou immobiliers, au seul motif qu'il ne réside pas sur le territoire métropolitain.
Par ailleurs, est créée une Commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer qui assure le suivi, en particulier, des mesures prises pour favoriser le développement économique et social des collectivités concernées.
Enfin, la loi prévoit de consacrer, à partir du 1er janvier 2010, une part de la dotation de développement urbain aux communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants sur le territoire desquelles il existe au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
(2) Seules les cotisations « accidents du travail-maladies professionnelles » restent dues.
(3) Sont visées les entreprises de moins de 250 salariés remplissant un certain nombre de conditions fixées à l'article L. 752-3-2, IV du code de la sécurité sociale (secteur d'activité spécifique, situation géographique déterminée...).