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Hébergement d'urgence : dix propositions pour sortir de la gestion de crise

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Dans un rapport rendu public le 3 juin, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées pointe une nouvelle fois les insuffisances du dispositif d'hébergement d'urgence, notamment en matière de pilotage et de moyens. Et formule une série de propositions pour sortir d'une gestion de crise du dispositif, mieux le piloter, l'évaluer et l'adapter aux publics.

Si des « efforts sensibles » ont été accomplis par l'Etat en matière de logement des personnes en difficulté, reconnaît le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), « ils restent insuffisants, notamment en matière de pilotage et bien sûr de moyens ». « On ne peut plus gérer le dispositif au fil des bulletins météorologiques ou de la plus ou moins grande pression médiatique », dénonce-t-il dans un rapport rendu public le 3 juin (1). L'instance y formule dix propositions afin de « sortir d'une gestion de crise pour construire un dispositif structuré sur la base de territoires pertinents, piloté en cohérence avec les interventions amont de la prévention et celles, aval, du relogement, doté des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission et capable de sans cesse s'adapter aux inéluctables évolutions des besoins ».

Mieux évaluer les dispositifs, les publics et leurs besoins

Bien que les moyens aient été renforcés et les capacités d'hébergement accrues, l'efficacité du dispositif d'hébergement d'urgence « continue de se heurter à des problèmes de pilotage et de moyens », estime le HCLPD. Les demandes non satisfaites et les non-recours attestent en effet de ces insuffisances : par exemple, à Paris, le SAMU social (115) a enregistré 41 305 demandes non pourvues en 2008, soit une moyenne de 113 par jour. Le même constat s'impose à Lyon, où entre 50 et 100 personnes restent chaque jour sans solution après avoir sollicité le 115. Mais ces chiffres ne constituent que « la partie émergée de l'iceberg », souligne l'instance, si l'on tient compte d'un grand nombre de personnes ne faisant pas appel au dispositif d'hébergement « parce qu'il n'est pas ou qu'ils estiment qu'il n'est pas en mesure de répondre à leurs attentes ». En outre, avec 5 321 places mobilisées au cours de l'hiver 2008-2009, le plan hivernal représente en moyenne plus de 5 % de l'ensemble des capacités d'accueil, des places « loin de correspondre à la définition de l'hébergement d'urgence qui vient d'être apportée par la loi [de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions] du 25 mars 2009 (2) qu'il s'agisse des conditions de l'accueil ou de la possibilité de procéder à une évaluation médicale et sociale et de proposer une orientation », estime le Haut Comité. Dans ce contexte, il juge nécessaire de « systématiser, au plan local et national, un travail d'évaluation fondé sur des outils de connaissance du dispositif et de ses publics ». L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pourrait être chargé d'accompagner le développement de ces outils et de promouvoir un travail d'évaluation. Autre suggestion : procéder chaque année à une évaluation du nombre de personnes sans abri.

Par ailleurs, le HCLPD pointe « l'absence de définition des différentes formes d'hébergement [qui] suscite des incompréhensions ». Par exemple, illustre-t-il, « l'hébergement d'urgence mêle des structures adaptées aux missions d'un hébergement de première ligne, telles que la loi du 25 mars 2009 les définit, et d'autres qui offrent une simple prestation de mise à l'abri dans des conditions des plus sommaires ». La démarche d'élaboration d'un nouveau référentiel entreprise à la suite du rapport d'Etienne Pinte sur l'hébergement d'urgence et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (3) pourrait être l'occasion d'apporter les clarifications nécessaires, suggère le Haut Comité. Ajoutant qu'il conviendrait de « suivre la mise en oeuvre de la définition légale de l'hébergement d'urgence ». Il demande ainsi que, dans le chiffrage des capacités d'hébergement, soit désormais opérée une distinction entre celles qui y sont conformes et celles qui ne le sont pas.

Le dispositif d'hébergement d'urgence est d'autant plus insuffisant si l'on tient compte de la prise en charge des demandeurs d'asile qui lui sont adressés du fait des limitations apportées au dispositif qui leur est dédié. En effet, explique le HCLPD, les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) reçoivent uniquement des demandeurs d'asile ne relevant pas de la procédure prioritaire ou de la procédure dite de « Dublin » (4). Ainsi, un quart d'entre eux ne peuvent intégrer les CADA. Autre limitation : les personnes reconnues comme réfugiées ne peuvent demeurer dans les CADA que pour une période de trois mois renouvelable une fois exceptionnellement. Or la capacité d'accueil des centres provisoires d'hébergement pour réfugiés, qui leur sont destinés, est très faible : 1 422 places pour 11 461 personnes ayant obtenu le satut de réfugiés en 2008. « L'adaptabilité du dispositif à l'évolution des besoins gagnerait [donc] à ce que les personnes accueillies dans un CADA puissent y poursuivre leur parcours d'insertion après l'obtention du statut [de réfugié] », fait remarquer le Haut Comité.

Instaurer un pilotage cohérent

Le pilotage territorial du dispositif d'hébergement d'urgence reste « en grande partie à construire », insiste encore l'instance. En effet, explique-t-elle, la régulation du dispositif est très inégale : à Paris, le 115 ne gère que 36 % des places d'hébergement d'urgence, alors que les départements voisins en gèrent la totalité. En outre, les parcours à l'intérieur du dispositif ne font généralement pas l'objet de régulation, le passage d'une structure à une autre faisant l'objet de démarches de ces dernières. « Dans la pratique, souligne le HCLPD, existent des réseaux informels liés à la proximité, à l'appartenance à une même association ou, tout simplement, aux liens établis par les équipes. » Pour lui, « le territoire départemental n'est pas suffisant pour organiser le pilotage et surtout la régulation du dispositif », qui suppose une « prise en compte des territoires des grandes agglomérations au sein du dispositif départemental d'hébergement ».

Quant à la répartition des compétences, supposée claire, elle s'exerce de façon différenciée, critique le rapport, soulignant que la question de l'articulation des compétences entre l'Etat et le conseil général ne se situe pas dans le dispositif d'hébergement, mais plutôt en amont (mise en place d'actions de prévention à destination des publics à risque) et en aval. L'ouverture de structures adaptées et l'organisation des relogements vers le parc social, en accélérant les parcours à l'intérieur du dispositif d'hébergement, limitent en effet le nombre de places nécessaires. Le HCLPD propose donc d'expérimenter la délégation du pilotage du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion (AHI) à des départements ou à des établissements publics de coopération intercommunale. Le délégataire s'engagerait à « assurer l'accueil inconditionnel de toute personne en détresse et, en particulier, à honorer les obligations d'hébergement découlant de décisions de la commission de médiation «DALO» ». Dans le même esprit, le Haut Comité demande au gouvernement de « promouvoir sur l'ensemble du territoire un pilotage AHI articulé avec l'ensemble des actions de lutte contre l'exclusion, depuis la prévention jusqu'à l'accès au logement ». D'une part, « en créant un volet relatif à la prévention du sans-abrisme dans les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées » (5). D'autre part, « en organisant, chaque fois que nécessaire, une régulation infra-départementale » - « indispensable sur le territoire parisien », souligne le rapport : le niveau départemental apparaît en effet « souvent trop large », compte tenu notamment des besoins des personnes prises en charge qui s'inscrivent dans des territoires de vie.

Adapter les structures aux publics

L'articulation de l'hébergement d'urgence avec la santé n'est que « trop rarement assurée », déplore par ailleurs le Haut Comité. Selon l'association Médecins du monde, 44 % des personnes sans abri qu'elle accueille nécessitent une prise en charge médicale d'au moins six mois. C'est pourquoi le rapport propose de créer des appartements de coordination thérapeutique et de développer des conseils locaux de la santé mentale, lieux d'échanges entre les professionnels de la santé mentale et les acteurs de l'action sociale et du logement social.

Le Haut Comité attire aussi l'attention sur les personnes hébergées chez des tiers, qui n'expriment pas forcément une demande d'hébergement mais qui ont toutes les chances de le faire un jour si elles ne reçoivent pas d'aide pour le traitement de leurs difficultés. Il recommande donc de leur apporter, « à travers par exemple des CHRS sans hébergement, un soutien identique à celui dont [elles auraient] bénéficié en faisant valoir leur droit à l'hébergement ».

S'agissant des grands exclus, l'instance suggère de leur ouvrir l'accès à l'hébergement de stabilisation et de développer de petites unités médicalisées en utilisant le cadre des établissements médico-sociaux adaptés aux différents niveaux d'autonomie des personnes.

Enfin, le rapport préconise d'adapter les moyens de financement en généralisant l'aide au logement temporaire (ALT) aux ménages à faible revenu. En effet, explique-t-il, alors que les aides personnelles au logement sont accordées aux personnes satisfaisant aux conditions fixées par la réglementation, l'ALT, versée aux associations hébergeant temporairement les personnes en difficulté, est strictement encadrée par une enveloppe limitative. « Une situation anormale du point de vue de l'égalité des droits qui prive le dispositif d'hébergement de possibilités d'adaptation de ses capacités », estime l'instance. Il s'agit donc ici de « décontingenter le budget de l'ALT ».

Notes

(1) Rapport disponible sur www.hclpd.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2598 du 27-02-09, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2572 du 12-09-08, p. 5.

(4) Relèvent de la procédure prioritaire les personnes provenant d'un pays considéré par la France comme étant sûr. Ceux qui relèvent de la procédure de Dublin sont ceux qui arrivent en France en étant entrés par un autre Etat membre de l'Union européenne. Dans ce dernier cas, la demande d'asile doit être déposée dans le premier pays d'arrivée.

(5) Dans ce cadre, l'instance estime qu'il conviendrait de définir les actions à mener en direction des personnes sortant de prison ou d'hôpital et ne disposant pas de domicile ou encore des personnes pauvres vieillissantes.

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