Dans une décision du 3 juin, le Conseil d'Etat a rejeté la demande d'annulation du décret du 22 août 2008 modifiant les modalités de l'assistance apportée aux étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA) (1), recours formé en octobre 2008 par plusieurs associations d'aide aux étrangers dont la Cimade, la seule jusqu'alors à intervenir dans ces lieux. S'il écarte les différentes critiques des requérants, qui dénonçaient en particulier l'éclatement de la mission d'assistance entre six associations, le Conseil d'Etat donne quelques clés pour l'interprétation des dispositions du décret qui ont été bien accueillies par la Cimade (voir ce numéro, page 26).
Selon la Haute Juridiction administrative, « la loi ne prévoit pas que les missions d'assistance aux étrangers dans les centres de rétention administrative doit être réservée à des associations, ni n'interdit que cette activité, qui peut revêtir un caractère économique, soit dévolue au terme d'une procédure de marché public ». En conséquence, le décret du 22 août 2008 pouvait « ouvrir à toute personne morale la possibilité de passer une convention avec le ministre chargé de l'immigration pour réaliser cette mission ». En outre, poursuit-il, la nécessité de garantir les droits des étrangers placés en centre de rétention « dans les mêmes conditions sur l'ensemble du territoire [...] n'implique pas que les missions [d'assistance à ces étrangers] soient assurées par la ou les mêmes personnes morales sur l'ensemble du territoire national dès lors qu'il appartient au ministre chargé de l'immigration de fixer dans les conventions, sous le contrôle du juge, des conditions d'attribution des prestations qui permettent d'atteindre les objectifs fixés par la loi ».
Puis le Conseil d'Etat précise la façon dont il faut comprendre les dispositions du décret relatives au contenu de l'aide apportée aux étrangers. Les associations considéraient que le texte se bornait à exiger, de la part des personnes morales sélectionnées pour intervenir en CRA, des prestations d'information ne permettant pas aux étrangers d'exercer de façon effective leurs droits, notamment de rédiger leur recours juridique. Mais les sages du Palais Royal relèvent qu'aux termes mêmes du décret, « la convention passée entre le ministre chargé de l'immigration et la ou les personnes morales sélectionnées doit permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers ». Ils en déduisent que le décret n'a pas entendu « limiter le contenu de cette convention à des prestations d'information ». Au contraire, il doit être compris « comme prévoyant que cette convention porte non seulement sur l'information mais aussi sur l'accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits ». Il ajoute qu'il doit également être lu comme « impliquant que l'Etat ne peut conclure une telle convention qu'avec des personnes morales présentant des garanties d'indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social ».
Cette analyse du décret par le Conseil d'Etat confirme celle donnée le 30 mai par le tribunal administratif de Paris qui, statuant en référé sur une demande de la Cimade, a suspendu les contrats de marchés publics attribuant aux six associations sélectionnées la mission d'aide aux étrangers et signés précipitamment le 10 mai dernier par Eric Besson. Le ministre n'avait en effet pas pris la peine d'attendre la décision de ce même tribunal sur le référé précontractuel introduit par la Cimade qui contestait la conformité de l'appel d'offres (2).
Ainsi, le tribunal administratif a jugé qu'il y avait urgence à suspendre l'exécution des contrats car, en ne prévoyant « qu'une simple mission d'information auprès des étrangers retenus sans imposer une assistance juridique, [le marché litigieux] ne permet pas de garantir [...] l'exercice effectif de leurs droits ». Ce qui porte « une atteinte grave à un intérêt public ». Il a également considéré qu'il y avait un doute sérieux quant à la légalité du marché conclu en raison du manque d'expérience du Collectif Respect, retenu pour assurer l'aide aux étrangers dans les CRA d'outre-mer. Cette association n'a « manifestement pas les capacités techniques, professionnelles et financières pour assurer l'exécution du marché », a-t-il considéré.
A la suite de cette décision, qu'il entend contester devant le Conseil d'Etat, Eric Besson a proposé à la Cimade de prolonger sa mission de trois mois à compter du 2 juin, date à laquelle elle aurait dû la partager avec les cinq autres associations. Le ministre a par ailleurs prévenu que si le tribunal administratif, qui doit encore se prononcer sur la validité même des marchés, les annule, il ferait appel devant la cour administrative d'appel puis, le cas échéant, devant le Conseil d'Etat. Mais il s'est engagé, si ce dernier annule les marchés, à « apporter les modifications nécessaires pour se conformer à ce jugement », y compris en relançant « un nouvel appel d'offres ». En outre, prenant acte des critiques émises par le tribunal administratif de Paris à l'encontre du Collectif Respect, Eric Besson a précisé sur l'antenne de France Inter qu'il ne signera pas avec lui de « convention ».