Les témoignages qui composent l'ouvrage Je disais que je resterais pas sont extraits d'entretiens réalisés avec une trentaine de personnes immigrées et résidant dans la petite ville de Quiévrechain, dans le Nord. Avec une grande lucidité, ces hommes et ces femmes analysent leur trajectoire en France. Ils insistent sur l'absence de choix : la plupart ont dû accepter un labeur pénible et dangereux. Et, au terme de leur activité, ils portent les stigmates d'une existence surexploitée. Arrivés jeunes et en bonne santé, ils vivent une retraite marquée par la maladie, généralement d'origine professionnelle : le poumon et le dos des mineurs, les doigts manquants des ouvriers du textile, différents cancers pour d'autres secteurs économiques. D'origine italienne, yougoslave, polonaise, turque, algérienne, tunisienne ou marocaine, ils se sont ouverts à Philippe Revelli, photographe, journaliste et écrivain. Ils ont posé chez eux, et fouillé dans leur mémoire pour ramener des souvenirs, certains douloureux : « Mon mari est parti à la mine, il avait 14 ans, se remémore la Polonaise Sabine Pavlik. Il est descendu carrément au fond. Et les porions - les supérieurs à l'ouvrier -, ils montaient sur le dos des gamins parce qu'y avait des flaques d'eau... Et gare à celui qui avait le malheur de dire quelque chose... » D'autres, tendres : « A la briqueterie, les ouvriers, c'étaient tous des Italiens. On vivait en communauté. En été, les après-midi, on se rassemblait dans l'herbe et on chantait. On était pas riches, mais on était contents quand même. Et puis on avait des avantages : on payait pas le charbon, parce qu'on prenait dans le tas qui servait à cuire les briques », raconte Angela Etzi. Mais cet ouvrage retrace aussi l'histoire de Quiévrechain, en immortalisant ses friches industrielles, ses terrils, son centre social, sa mission locale...
Je disais que je resterais pas. Mémoire d'immigrés - Philippe Revelli - Ed. Alternatives - 20 €