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Les effets de la crise sur les précaires sous-estimés par le gouvernement ?

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Dans ses mesures destinées à faire face au contexte économique, l'Etat paraît sourd aux besoins des publics les plus fragilisés, comme les jeunes et les personnes éloignées de l'emploi, interpelle le collectif Alerte.

Six mois après avoir tiré le signal d'alarme, le 28 novembre dernier (1), les 37 associations du collectif Alerte ont de nouveau, le 27 mai, exprimé leurs inquiétudes sur les effets de la crise pour les personnes en situation de précarité. En confirmant l'onde de choc de la dégradation de l'économie réelle sur les plus pauvres, leurs observations relativisent le peu d'indicateurs qui pourraient inciter à l'optimisme. Ainsi, si le niveau de la consommation se maintient (+ 0,5 % sur deux mois consécutifs), le pouvoir d'achat des ménages se dégrade. « Les moyennes ne veulent rien dire : la crise touche différemment les catégories de population et les régions », explique François Soulage, président du Secours catholique (ainsi, sur le cas de la Moselle, voir ce numéro, page 34). La situation se dégrade particulièrement pour les populations urbanisées, notamment les jeunes et les femmes avec enfants, qui pâtissent du recul de l'intérim (- 33 % en un an) et des contrats à durée déterminée. Par ailleurs, il semble que notre système de protection sociale ait amorti le choc de la crise, du moins pour ceux qui bénéficient encore de ce filet de sécurité. « Mais le risque est de voir ces outils de maintien du socle social se tarir, ajoute François Soulage. Dans certains départements, comme le Doubs et le Tarn-et-Garonne, le fonds de solidarité pour le logement sera déjà épuisé à la fin juin. Aucune mesure n'a été prise pour réabonder ces lignes. » Dans ce contexte, tandis que les dossiers de surendettement ont crû de 30 % en un an, le projet de réforme du crédit à la consommation, présenté le 22 avril en conseil des ministres, ne va pas, aux yeux des associations, assez loin. « Il ne traite pas des causes du surendettement, regrette François Soulage. Nous avions demandé que les banques puissent disposer d'un «fichier positif» [recensant les crédits des emprunteurs] pour prévenir l'aggravation des situations, ce qui a été refusé par la plupart des groupes parlementaires. »

Dans ces conditions, le revenu de solidarité active (RSA), en vigueur à partir du 1er juin, pourrait ne pas apporter la bouffée d'air promise. Le collectif Alerte craint toujours que les plus éloignés de l'emploi ne restent en marge de cette réforme. « Le rapport du comité d'évaluation [voir ce numéro, page 5] montre que le RSA permet un retour à l'emploi un petit peu plus important (9 %), mais avec de très grandes disparités entre les territoires, souligne Nicole Maestracci, présidente de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale). Il met également en évidence le recours à des emplois très partiels et l'aspect déterminant de l'accompagnement social. Or, pour l'expérimentation, tous les acteurs étaient très motivés. Mais dans le cadre de la généralisation, sera-t-on en capacité de faire face, alors que Pôle emploi est dans une situation difficile et que les conseils généraux se plaignent de l'augmentation des transferts de charges ? »

L'exclusion des moins de 25 ans du dispositif reste par ailleurs pour les associations un échec, alors que cette population figure parmi les plus sévèrement touchées par la crise, comme l'atteste un récent rapport de l'OCDE (voir ce numéro, page 7). « La France figure en bas de l'échelle pour la situation des jeunes », déplore Nicole Maestracci. Ce public connaît un taux de chômage supérieur à 20 % et « représente 20 % des personnes accueillies en centres d'hébergement ». Pour éviter qu'il ne soit confronté aux ruptures sociales, « il ne suffit pas de réunir une commission de concertation, il faut que ce public soit une priorité politique », défend la présidente de la FNARS, craignant que l'instance installée par Martin Hirsch (à laquelle elle participe) ne relègue au second plan le sort des plus démunis. Une inquiétude partagée par Bruno Grouès, conseiller technique à l'Uniopss, qui redoute, comme pour le RSA, une logique à deux vitesses : « L'avant-projet de Livre vert prévoit la possibilité d'une allocation pour les jeunes à condition qu'ils entrent dans une démarche d'emploi ou de formation, le gouvernement voulant fuir tout ce qui s'apparente à de l'assistanat. Mais sur ce point, nous ne sommes pas d'accord ! Il faudrait aussi une allocation pour les jeunes désocialisés, qui pourrait être assortie à un contrat d'engagement d'entrée dans une dynamique pour lever les freins à l'emploi. » Les associations nourrissent l'espoir de voir leur proposition retenue dans la rédaction finale du Livre vert, attendue pour le mois de juin.

Aucun miracle n'est par ailleurs escompté du plan de relance présenté en avril dernier, notamment de l'augmentation des contrats aidés, en trompe l'oeil, puisque leur volume avait été amputé avant la crise. « Ces créations auront des effets immédiats sur les statistiques du chômage, mais sans accompagnement de qualité dans la durée, cet investissement risque de se transformer en échec », estime Nicole Maestracci, pour qui le financement obtenu pour cet accompagnement n'est pas à la hauteur des besoins. Plutôt que des mesures successives et émiettées, les associations auraient, en outre, préféré un meilleur suivi des grands chantiers engagés, comme la « feuille de route » du « Grenelle de l'insertion » de mai 2008, dont certains éléments phares, telle la simplification des contrats aidés, sont restés lettre morte. Ou, sur le front de l'hébergement et du logement, le « chantier national prioritaire 2008-2012 », dont les associations demandent une accélération de la mise en oeuvre.

Autre domaine sur lequel un engagement politique fort était attendu : l'accès aux soins, alors que nombre de personnes, dont les revenus ne permettent plus de couvrir leurs frais de santé, sollicitent les permanences associatives. Or, sur ce point, le projet de loi « Bachelot » est pour l'heure une belle occasion manquée (voir ce numéro, page 26), fustige à l'unisson le secteur associatif. « Il y a urgence à relever le plafond de la couverture maladie universelle complémentaire au seuil de pauvreté », plaide une nouvelle fois Cécile Chartreau, conseillère technique à l'Uniopss. Le collectif Alerte avait également réclamé, dans le cadre du plan de relance, une revalorisation des minima sociaux. Mais cette revendication, désormais reprise par le « G8 syndical », n'a jusqu'ici figuré ni au rang des priorités économiques ni à celui des exigences sociales. Même mise en oeuvre, elle ne dispenserait pas les pouvoirs publics d'être attentifs à l'ensemble des publics vulnérables, parmi lesquels les migrants, pointe Olivier Brès, président du collectif Alerte. « La dégradation de la situation des personnes en difficulté ne semble pas être prise en compte dans les mesures du gouvernement et dans les préoccupations des partenaires sociaux », observe-t-il, précisant qu'Alerte demande à être associé « aux futurs sommets sociaux organisés sous l'égide du chef de l'Etat ou du gouvernement ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 39.

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