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L'OPEN SPACE, UNE MENACE POUR LE TRAVAIL SOCIAL

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D. B. est assistant de service social dans un conseil général. Il a, avec ses collègues, récemment investi de nouveaux locaux professionnels, organisés en open space. Un changement lourd de conséquences sur les pratiques des travailleurs sociaux, relève-t-il, et un excellent moyen de contrôler ces derniers...

« Un choc. C'est le mot qui illustre le mieux ce que nous avons vécu au moment d'intégrer nos nouveaux bureaux. Imaginez un «plateau» de rangées de deux à quatre tables («benches») pour les travailleurs sociaux, avec autant de collègues en face d'eux. Imaginez un espace où à chaque coup de téléphone vous entendez vos collègues parler bas de peur de vous gêner... en vain. Cet «open space» s'inscrit dans une stratégie pensée - nous a-t-on dit - pour améliorer notre travail.

Que l'employeur souhaite améliorer le cadre de travail de ses «collaborateurs», nul ne peut être contre. Et que l'amélioration du travail soit pensée est en soi de bon sens. Mais au-delà du souci d'organisation, c'est bien d'un choc des cultures qu'il s'agit, entre celle de l'entreprise et celle du travail social. Celle de la «modernité» contre celle de l'«archaïsme» ?

Depuis plusieurs années, le vocabulaire de l'entreprise a fait son entrée dans la culture du travail social. «Management», «procédures», «traçabilité», ou bien un «numéro hot line pour la DRH»... Les exemples sont multiples. L'open space, lui, a introduit une nouvelle dimension : l'organisation d'un espace en vue d'une production.

Le premier élément frappant quand on arrive sur le «plateau», c'est l'absence d'espaces privés. Bien sûr, chacun tente par des photos ou par d'autres moyens de se protéger. Mais bien vite, l'espace se rappelle à nous : la proximité, le bruit du téléphone, le rythme et les déplacements de chacun font que cette frontière s'efface. Sous prétexte d'améliorer la «réactivité» ou le travail en équipe, on oblige chacun à vivre sous le regard de l'autre. Efficace moyen de contrôle du travailleur social ! On retrouve ici l'idée que nous ne travaillons pas à notre maximum, ou que notre rendement peut s'améliorer au nom du service public. D'ailleurs les arguments sont multiples pour faire accepter cet environnement : «nous connaissons bien vos métiers», «nous avons réalisé des études qui démontrent que...». Un autre argument vient s'ajouter : celui de l'expertise par la statistique. La moyenne pondérée comme indicateur d'une gestion des flux et des stocks, y compris les stocks de travailleurs sociaux. Savant calcul qui repose sur nos temps de présence, nos visites à domicile, les durées d'entretien... Chaque élément de notre quotidien est numéroté, expertisé, mis en procédure. Personne, faute d'éléments, ne se sent en mesure de contester ce modèle fondé sur le calcul... Nous ne pouvons qu'accepter et nous résigner. Car comment argumenter face au terrible poids des chiffres ? Que vaut alors notre quotidien face à l'analyse annuelle, mensuelle... ?

Cette organisation de l'espace produit un choc culturel, qui a pour effet de rappeler au travailleur social qu'il entre dans une nouvelle ère, celle d'une violence subie. Nous la constatons régulièrement dans les entretiens que nous avons avec les usagers et n'hésitons pas à la faire remonter. L'open space nous rappelle que cette violence est quotidienne, qu'elle s'inscrit dans notre propre environnement et que nous n'avons aucune prise sur elle, faute de maîtriser ces moyennes pondérées et autres calculs savants.

A ce titre, l'open space questionne à la fois le devenir de notre profession et la manière dont nous sommes perçus par nos responsables. Plus encore, il nie un aspect essentiel du travail social : sa culture professionnelle, puisqu'il méconnaît certaines obligations des travailleurs sociaux, comme le secret professionnel. »

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