Il n'y aura finalement pas de convention nationale entre l'ADF et Pôle emploi. Pour quelle raison ?
Rappelons qu'en 2005 une convention nationale, déclinée localement, avait permis de clarifier les relations entre l'ANPE et les départements dans le cadre du dispositif du revenu minimum d'insertion (RMI), en prévoyant la mise à disposition de conseillers professionnels pour l'accompagnement des bénéficiaires. J'étais, pour ma part, favorable à l'idée d'afficher politiquement notre partenariat avec Pôle emploi dans le cadre du nouveau dispositif, qui prévoit une prestation dédiée pour l'accompagnement renforcé des allocataires du RSA. Néanmoins, la loi définissant concrètement cette prestation, nous nous sommes interrogés sur l'opportunité d'une telle convention. Le projet prévoyait en outre une facturation de 45 000 à 60 000 € par agent chargé d'accompagner 50 allocataires, contre 100 pour le même coût dans le cadre de l'ancienne prestation ! Dans ces conditions, les départements m'ont autorisé à ne pas signer le texte. A charge pour eux de décider ou non d'une convention locale avec Pôle emploi, et d'en négocier les modalités, comme ils ont d'ailleurs à décider du rôle des CAF dans l'orientation des bénéficiaires.
Quelles sont les configurations possibles ?
Il peut exister plusieurs cas de figure. Certains départements ont d'ores et déjà décidé de recourir aux conseillers professionnels de Pôle emploi, comme le Rhône et la Meurthe-et-Moselle, d'autres de lancer des appels d'offres auprès d'associations de l'économie sociale et solidaire, d'autres encore veulent s'adresser à des cabinets privés ou bien créer leur propre service d'insertion sociale et professionnelle, comme le Territoire de Belfort. Dans les Côtes-d'Armor, la réflexion est encore en cours. Quoi qu'il en soit, les conseils généraux vont se désengager de l'instruction pour se recentrer sur l'accompagnement, qui devra être à la fois social et orienté vers l'insertion professionnelle. Dans mon département par exemple, nous allons constituer des équipes pluridisciplinaires pouvant intervenir en fonction de la nature des difficultés des allocataires. Sans oublier que, si le RSA vise à encourager le retour à l'activité, beaucoup sont très éloignés de l'emploi. C'est une opportunité de repenser les politiques d'insertion et les moyens à mobiliser, ce qui ne pourra pas se faire en 24 heures ! Il nous faudra au moins un an pour évaluer le fonctionnement du suivi des personnes.
Quelles sont vos inquiétudes ?
Nous nous interrogeons sur la capacité des caisses d'allocations familiales à faire face à l'afflux des demandeurs et sur celle de Pôle emploi à assurer sa mission de traitement des allocataires dans le cadre du droit commun. Nous sommes par ailleurs dans le flou sur la question des moyens : l'Etat a promis de financer le surcoût du RSA, mais il nous doit encore 2 milliards d'euros au titre du RMI ! Dans les Côtes-d'Armor, nous estimons le nombre d'allocataires potentiels à 30 000, dont 7 000 relevant aujourd'hui du RMI et 1 000 de l'API, ce qui implique forcément des moyens supplémentaires pour l'accompagnement. Nous n'avons pas non plus de visibilité sur la montée en charge du dispositif : va-t-il exploser immédiatement, comme l'avait fait l'allocation personnalisée d'autonomie, ou au contraire être maîtrisé ? Dans le contexte économique actuel, nous craignons plutôt un afflux massif. Reste une autre question, à mes yeux importante, que devront gérer les professionnels : l'effet de stigmatisation de l'étiquette « RSA » pour les travailleurs aux revenus modestes qui n'étaient pas allocataires de minima sociaux.
Comment les départements vont-ils s'emparer de la question des sanctions ?
La logique des « droits et devoirs » n'est pas nouvelle. Les départements ont déjà une bonne expérience en la matière dans le cadre du RMI : le respect de la loi doit s'appliquer à tous, mais en fonction de la situation sociale de chacun...
PROPOS RECUEILLIS PAR MARYANNICK LE BRIS