Vieux migrants à la marge

« Conçue comme provisoire, l'immigration de travail des années 1950 s'est installée, puis s'est ridée », souligne Fatima Skanari, directrice de la Coordination régionale de l'immigration du Nord - Pas-de-Calais, à l'origine des contributions réunies dans cet ouvrage. Pourtant, si les anciens travailleurs migrants ont vieilli, la population immigrée reste avant tout pensée comme jeune et active. Cette vision de l'immigration - ou cet aveuglement - n'épargne pas le secteur de la gérontologie : les institutions et services destinés aux personnes âgées méconnaissent d'autant plus facilement les besoins des immigrés âgés que ceux-ci n'ont pas tendance à exprimer de demandes d'aide et de soutien. Mais, pour ce faire, encore faudrait-il qu'ils sachent qu'une telle offre existe. Or, très majoritairement, ce n'est pas le cas, observe Sylvie Emsellem, qui a mené une enquête à Marseille auprès d'hommes algériens de plus de 55 ans vivant en foyer ou en hôtel meublé. Aussi, malgré une santé souvent dégradée par des années de vie et de travail dans des conditions difficiles ainsi qu'un niveau de dépendance accru par rapport à celui des personnes de la même classe d'âge, les vieux immigrés qui accèdent aux services d'aide à domicile - ou entrent en établissement - ne le font qu'à titre d'ultime recours.

La France, à cet égard, n'est pas un cas d'espèce. Les quelques études européennes sur la question, encore peu défrichée, de la prise en charge des immigrés âgés montrent que, pour diverses raisons - dont le manque d'information -, ceux-ci ne sollicitent pas les services médico-sociaux à hauteur de leurs besoins avérés, explique le sociologue Claudio Bolzman. Néanmoins, cette sous-utilisation n'est pas une fatalité et plusieurs projets pilotes menés aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse témoignent qu'il est possible d'aller efficacement au-devant de cette catégorie nouvelle d'usagers.