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Accès des associations aux centres de rétention : Eric Besson passe en force et signe les marchés de prestations

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Le feuilleton de l'accès des associations d'aide aux étrangers aux centres de rétention administrative (CRA) n'en finit plus de rebondir. Alors que le tribunal administratif de Paris devait rendre, le 13 mai, une décision susceptible de porter un coup d'arrêt à la réforme en cours, le ministre de l'Immigration a, sans attendre, signé le 10 mai les marchés de prestations juridiques dans les CRA. Un acte réalisé en toute légalité qui fait, de facto, tomber la procédure en cours devant le juge administratif, dirigée contre l'appel d'offres du ministère.

Pour bien comprendre ce nouvel épisode, il faut revenir sur les étapes précédentes. La Cimade était jusqu'à présent la seule association à disposer du droit d'entrer dans les CRA. Mais le gouvernement souhaite mettre fin à ce monopole. Dans cette optique, un décret du 22 août 2008 a ouvert la possibilité pour le ministère de l'Immigration de « passer une convention avec une ou plusieurs personnes morales » pour assurer les missions d'assistance aux étrangers retenus (1). Lancé dans la foulée, un premier appel d'offres visait précisément à trouver d'autres intervenants et, au passage, répartissait la trentaine de centres de rétention en huit lots. Saisi d'une demande en annulation de cet appel d'offres par plusieurs associations, le tribunal administratif de Paris a obligé le gouvernement à revoir sa copie, lui reprochant toutefois simplement de ne pas avoir suffisamment insisté sur les compétences juridiques exigées des candidats (2). Parallèlement à cette première victoire, les associations ont déposé en octobre devant le Conseil d'Etat un recours « au fond » contre le décret du 22 août 2008. Le ministère a répliqué en publiant un nouvel appel d'offres (3) auquel six organismes - dont la Cimade - ont répondu, déposant un dossier de candidature pour la totalité ou une partie des huit lots (4). Puis, le 10 avril, il a donné la liste des associations retenues et appelées à se partager, à compter du 2 juin prochain, la mission d'assister les clandestins maintenus en rétention, précisant pour chacune quels seront, parmi la trentaine de CRA, ceux où elles pourront intervenir. Toujours farouchement opposée au principe de l'éclatement de l'aide entre de multiples personnes morales et bien que figurant parmi les six associations retenues (trois lots sur huit lui ayant été attribués), la Cimade (5) a contre-attaqué par un référé précontractuel auprès du tribunal administratif, afin de contester la conformité du second appel d'offres et notamment la régularité de certaines candidatures (6). Dans son collimateur, en particulier, le collectif Respect, dont elle conteste la légitimité à exercer la mission d'aide juridique aux clandestins.

Le 20 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu la signature des contrats d'attribution de l'aide aux étrangers dans les CRA, le temps de statuer sur la requête de la Cimade et ce « au plus tard le 7 mai » (7). Le code de justice administrative ne prévoit en effet la suspension de la procédure par ordonnance que pour une durée de 20jours. Ainsi, à compter de cette date, Eric Besson pouvait légalement conclure le marché si le tribunal administratif n'avait toujours pas rendu sa décision. Ce qu'il a fait.

Une audience s'est pourtant bien tenue juste avant l'expiration du délai, en l'occurrence le 6 mai. Mais, au terme d'une séance tendue au cours de laquelle certains candidats à l'appel d'offres - dont le collectif Respect - se sont plaints d'avoir été convoqués trop tardivement pour pouvoir défendre leur candidature, la juridiction a décidé de repousser au mercredi 13 mai sa décision, demandant toutefois à l'avocat du ministère de conseiller à ce dernier de ne rien signer avant cette date. Un conseil que n'aura pas suivi Eric Besson, qui, au soir du dimanche 10 mai - soit à seulement trois jours de la décision du tribunal -, a donc décidé de signer les marchés résultant de l'appel d'offres préparaphés par les associations candidates, privant ainsi d'objet la demande des opposants à l'appel d'offres. Une méthode dénoncée par la Cimade, mais légale, le délai de suspension de la signature des contrats étant expiré.

« Oui, l'avocat m'a suggéré d'attendre quelques jours avec le risque éventuel d'une nouvelle procédure », a reconnu le ministre dans une interview accordée au Monde, précisant qu'il n'avait « pas voulu prendre ce risque » compte tenu de l'entrée en vigueur de la réforme, fixée au 2 juin. « Il faut qu'à cette date tout le monde soit opérationnel », a-t-il insisté. Or « quatre des associations attributaires (l'Assfam, Forum réfugiés, France terre d'asile et l'Ordre de Malte) avaient [...] exprimé, dès le 17 avril, la crainte que de nouveaux délais ne fragilisent la mise en oeuvre de leur intervention », s'est-il encore défendu dans un communiqué, soulignant que « les associations attributaires doivent [...] disposer du temps nécessaire pour mettre en place, dans le respect des offres qu'elles ont adressées à l'administration, les modalités pratiques d'accompagnement des personnes retenues (recrutement des personnels et organisation de leurs équipes notamment) ».

Le bras de fer juridique entre le ministère de l'Immigration et les associations opposées à la réforme n'est pas pour autant terminé. Ces dernières réfléchissent en effet à de nouveaux recours en justice. De plus, le Conseil d'Etat doit encore rendre sa décision sur le recours « au fond » contre le décret du 22 août 2008.

O. S.

Notes

(1) Voir ASH n° 2570 du 29-08-08, p. 28.

(2) Voir ASH n° 2580 du 7-11-08, p. 9 et 34.

(3) Voir ASH n° 2588 du 26-12-08, p. 23.

(4) Voir ASH n° 2579 du 31-10-08, p. 34.

(5) Accompagnée du Syndicat des avocats de France et de l'association « Avocats pour la défense des droits des étrangers ».

(6) Voir ASH n° 2605 du 17-04-09, p. 5 et 22.

(7) Voir ASH n° 2606 du 24-04-09, p. 20.

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