Histoires de liens

Comment des jeunes atteints d'un handicap mental appréhendent-ils leurs relations avec leurs parents ? Pour le savoir, Fleur Michel, psychologue clinicienne, a donné la parole aux intéressés par le biais d'« histoires à compléter », tests projectifs faisant appel à la narrativité, qu'elle a exploités à la lumière de la psychanalyse et de la théorie de l'attachement. Quinze adolescents de 14 à 21 ans, scolarisés en institut médico-professionnel, ont participé à cette recherche, ainsi qu'un groupe témoin de dix jeunes effectuant un cursus classique en collège. « Est-il possible que les adolescents handicapés mentaux [...] aient construit avec leurs parents des liens émotionnels forts et susceptibles de leur procurer un sentiment de sécurité interne ? », s'est interrogée l'auteure. Avant de répondre, au terme de son travail, par la négative. Se distinguant totalement des collégiens du groupe témoin, aucun membre de son échantillon ne présente un attachement de type sécure. En revanche, treize de ces jeunes handicapés mentaux ont révélé un attachement « désorganisé » - le sujet ne pouvant ni se détacher, ni s'approcher du/des parent(s)- et les deux autres, un attachement insécure. Pour l'ensemble de ces adolescents, souligne Fleur Michel, la principale dimension de leurs représentations d'attachement est la pression parentale : contrôle, discipline, autorité, intrusion ou surprotection sont les caractéristiques essentielles des comportements prêtés aux parents par les jeunes dans leurs narrations. Ces parents exigeants se montrent ici bien peu soutenants envers leurs enfants : ils ne sont pas à leur écoute et ne font pas preuve d'empathie à leur égard. Ce que les adolescents mettent en scène dans leurs histoires marquées par l'agressivité et la destructivité, c'est la violence traumatique du handicap sur leurs parents, et leurs difficultés personnelles à se construire psychiquement de façon satisfaisante avec des parents traumatisés du fait même de leur existence.