Quel est le contexte de l'étude que vous avez réalisée ?
Le FAJ a été mis en place en 1989 pour les jeunes de 16 à 25 ans, ces derniers étant exclus du revenu minimum d'insertion. Depuis janvier 2005 et les lois de décentralisation, il fait partie des compétences obligatoires des conseils généraux. Il permet d'attribuer différents types d'aides à un jeune en difficulté : un secours temporaire en cas de besoin urgent, une aide financière à la réalisation d'un projet d'insertion, des actions d'accompagnement dans le cadre d'une démarche d'insertion sociale (permis de conduire...). Dans la pratique, il concerne aussi bien les personnes très exclues qui n'ont pas terminé leur parcours scolaire et cumulent les difficultés, que des jeunes insérés dont les parents ne peuvent subvenir à leurs études. Commandée par la DREES (2), cette étude, rendue publique fin 2007, a permis d'examiner la mise en oeuvre de la décentralisation du FAJ dans six départements hétérogènes tant du point de vue démographique que du taux de chômage ou de la tendance politique. Des résultats à l'époque passés inaperçus !
Qu'avez-vous constaté ?
Selon les départements, le FAJ est soit un dispositif isolé dans l'organisation des services du conseil général, soit, au contraire, un instrument intégré aux outils liés à l'insertion des jeunes. Dans ce cas, un élu en a la charge et les services ont été réorganisés. D'une façon générale, plus les départements ont modifié le règlement intérieur du fonds, plus ils se servent de ce dispositif pour développer des actions globales en direction des jeunes.
Cela conduit-il à des inégalités d'accès ?
Oui. Alors que le FAJ a une double orientation, sociale et professionnelle, certains départements n'accordent pas la même importance à ces deux dimensions et n'appliquent pas les mêmes critères d'attribution. Pour certains, le fonds est utilisé dans le cadre d'une aide à la subsistance et pour cela, les ressources des parents sont examinées - ce que ne prévoit pas la loi. Pour d'autres, le dispositif est conçu comme une aide à l'insertion professionnelle : cette formule pose question car elle exclut une partie des jeunes les plus en difficulté. Enfin, pour d'autres encore, le FAJ est perçu comme un outil d'insertion globale, c'est-à-dire sociale et professionnelle, cette appropriation étant la plus conforme à l'esprit de la loi. Par ailleurs, certains départements prennent en compte la question du logement alors que d'autres s'en détournent. L'aide accordée à la mobilité est aussi très variée. Les inégalités d'accès à ce dispositif sont importantes sur le territoire.
Comment expliquez-vous ces disparités ?
Tout dépend de l'existence ou non d'une politique de la jeunesse départementale, structurée par des écrits et une réflexion partagée. L'image des jeunes qui circule sur un territoire est aussi déterminante : l'attention qu'on leur porte n'est pas la même selon qu'ils sont perçus comme une richesse ou des profiteurs potentiels. Face à la précarisation des jeunes, il faudrait réfléchir à la manière de valoriser les FAJ et introduire une coordination au niveau national. Peu d'informations remontent des conseils généraux vers l'Etat.
La mission sénatoriale doit présenter à la fin du mois des propositions en faveur des jeunes. On attend aussi le « livre vert » de la commission Hirsch sur ce même public. Que pensez-vous de ces initiatives ?
Jusqu'à présent, la question des jeunes était peu considérée comme un sujet à part entière. Aujourd'hui, à la faveur de la crise et face à la précarisation grandissante de ces publics, les choses bougent. Sur le terrain, certaines collectivités mettent en oeuvre des plans pour les jeunes. Au niveau européen, des Etats développent des politiques de jeunesse notamment dans les pays scandinaves mais aussi en Italie. L'Union européenne, qui a mis cette question à l'agenda, encourage aussi les pays entrants à s'en emparer.
(1) Voir ASH n° 2602 du 27-03-09, p. 7 -
(2) Direction de recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.