«Rénover [le] système de formation professionnelle dans un souci de justice et d'efficacité », c'est l'objectif, selon son exposé des motifs, du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation tout au long de la vie, adopté en conseil des ministres le 29 avril. Issu d'une longue concertation engagée début 2008 avec les partenaires sociaux et les régions, ce projet de loi transpose l'accord « formation » conclu le 7 janvier dernier par les partenaires sociaux (1). Il prévoit notamment de mieux orienter les fonds de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin (demandeurs d'emploi et salariés peu qualifiés) et de réformer en profondeur la gestion de ces fonds en réduisant le nombre d'organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA). Il vise également à simplifier et à développer les outils de la formation, ainsi qu'à améliorer l'information et l'orientation professionnelle. Tour d'horizon des principales mesures de ce texte, que le gouvernement souhaite voir adopter par le Parlement « avant l'été, pour une entrée en vigueur [...] au 1er janvier 2010 » (2).
Elargissement du bénéfice du congé individuel de formation (CIF) aux formations en temps libre (cours du soir, par exemple), utilisation du droit individuel à la formation (DIF) après la rupture du contrat de travail, simplification du plan de formation de l'entreprise, création d'un bilan d'étape professionnel pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté renouvelable tous les cinq ans, généralisation d'un passeport formation et développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE) : dans le prolongement de l'accord « formation » du 7 janvier dernier, le projet de loi simplifie et adapte certains outils de la formation professionnelle centrés sur l'individu. Il en crée aussi de nouveaux. Il met ainsi en place un mécanisme rendant le DIF « portable » à l'occasion des ruptures du contrat de travail ouvrant droit à une prise en charge par le régime d'assurance chômage et non consécutives à une faute lourde, mécanisme qui permet au salarié de pouvoir continuer à mobiliser des droits en dehors de l'entreprise où il les a acquis. Il élargit par ailleurs les possibilités d'accès au CIF en prévoyant, explique son exposé des motifs, « la possibilité de prise en charge des seuls coûts pédagogiques pour des formations hors du temps de travail », et donc sans obligation de congés et de versement d'une rémunération. Objectif : permettre « la prise en charge, par les fonds de la formation professionnelle, des formations quand celles-ci se déroulent, à l'initiative du salarié, en tout ou en partie en dehors du temps de travail », explique le ministère de l'Emploi.
En outre, tout salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté devrait pouvoir bénéficier tous les cinq ans d'un bilan d'étape professionnel, pour faire le point sur ses compétences et ses objectifs de professionnalisation. Dans le même esprit, toute personne qui travaille devrait bénéficier d'un passeport formation recensant, à son initiative, ses actions de formation, ses expériences professionnelles et qualifications, ses emplois antérieurs, ses activités bénévoles... Le projet de loi prévoit également de rendre obligatoire, tous les trois ans, la négociation au niveau des branches professionnelles sur le tutorat et l'accès aux certifications sous toutes ses formes, notamment la VAE.
Former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et accroître de un tiers le nombre de demandeurs d'emploi bénéficiaires d'action de formation au cours d'une même année, soit 200 000 personnes supplémentaires. Un tout nouveau fonds appelé à prendre le relais de l'actuel fonds unique de péréquation, avec toutefois des missions élargies, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), devra contribuer à la réalisation de ce double objectif, fixé par les partenaires sociaux dans leur accord du 7 janvier dernier. Ses ressources - près de 900 millions d'euros, selon le gouvernement - devrait provenir notamment d'une contribution des entreprises sur l'actuelle obligation de financement de la formation professionnelle (3). Le pourcentage prélevé devrait être compris entre 5 et 13 %, le montant précis étant fixé annuellement par arrêté, sur proposition des partenaires sociaux. La mobilisation des fonds devrait se faire au travers d'une convention-cadre, l'idée étant de garantir la cohérence des interventions des partenaires sociaux et de l'Etat en matière de formation professionnelle. Et, ainsi, de permettre de mieux orienter les financements de la formation professionnelles, à la fois vers les publics qui en ont le plus besoin, comme les demandeurs d'emploi et les salariés peu qualifiés, mais aussi vers certains secteurs professionnels. Dans le prolongement de l'accord conclu par les partenaires sociaux, le projet de loi prévoit par ailleurs la création d'un nouveau dispositif de formation professionnelle, dit de « préparation opérationnelle à l'emploi », consistant en des actions « d'une durée de 400 heures maximum » déclenchées pour des demandeurs d'emploi en vue de leur permettre d'accéder à une offre d'emploi identifiée, est-il précisé dans son exposé des motifs. Ces actions devraient ainsi avoir pour but de permettre aux chômeurs d'acquérir les compétences professionnelles nécessaires pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de Pôle emploi. Elles devraient aussi pouvoir être utilisées pour faciliter l'accès au contrat de professionnalisation à durée indéterminée. Le dispositif devrait être financé en partie par le FPSPP.
En outre, le bénéfice du contrat de professionnalisation, actuellement réservé aux jeunes de 16 à 25 ans révolus et aux demandeurs d'emploi âgés d'au moins 26 ans, devrait être étendu aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ainsi qu'aux personnes ayant bénéficié d'un contrat unique d'insertion. « Pour les jeunes sans diplôme, les titulaires de minima sociaux et les sortants de contrat aidé, les branches professionnelles pourront prévoir des contrats de professionnalisation «renforcés» », se traduisant notamment par une durée pouvant aller jusqu'à 24 mois, ajoute le ministère.
Au-delà, le projet de loi jette les bases d'un droit à l'information et à l'orientation professionnelle ouvert à toute personne quel que soit son âge ou son statut. Il s'agit de « permettre à un jeune qui s'engage dans la vie active ou à un adulte en reconversion de connaître les métiers, de mieux appréhender les compétences et les qualifications pour les exercer, de disposer d'informations sur les dispositifs de formation » et sur leur qualité, explique le ministère. Les organismes participant à cette mission devraient être labellisés. En outre, devraient être créés ou renforcés des « outils simples d'utilisation » - plateformes téléphoniques, portail Internet - destinés à aider les personnes à s'informer, à se repérer et à construire leur projet professionnel. Le texte organise par ailleurs le transfert des services d'orientation de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes à Pôle emploi avant le 1er avril 2010, cette nouvelle organisation permettant au service public de l'emploi de proposer « une offre de service plus performante en matière d'aide à la construction d'un projet de formation pour les demandeurs d'emploi », selon Bercy.
Le projet de loi prévoit également de réformer en profondeur la gestion des fonds de la formation professionnelle, en réduisant le nombre d'OPCA à une quinzaine d'ici à deux ans (contre près d'une centaine collectant 6 milliards d'euros au titre de la formation professionnelle actuellement). Il vise aussi à accroître la transparence de la gestion de ces organismes, à en diminuer les frais de gestion et à permettre une meilleure allocation des fonds vers les petites et moyennes entreprises qui bénéficient aujourd'hui insuffisamment des outils de la formation professionnelle. Concrètement, explique le ministère, « les contributions des entreprises de moins de 50 salariés au titre du plan de formation, soit 1,2 milliard d'euros chaque année, seront «sanctuarisées» afin d'éviter qu'elles ne servent à financer la formation dans les grandes entreprises et pourront être abondées par la collecte des entreprises de plus de 50 salariés ».
Autre priorité retenue : le renforcement des instruments de pilotage et d'évaluation des politiques de formation. Le projet de loi prévoit au niveau national une conférence annuelle afin de définir les orientations de la formation professionnelle et au niveau régional la contractualisation entre l'Etat et la région du plan régional des formations professionnelles, document qui est aujourd'hui adopté par le seul conseil régional.
(2) Le projet de loi sera discuté à l'Assemblée nationale à partir du 2 juin en commission et devrait l'être à compter du 16 du même mois en séance. La « procédure accélérée » a été engagée par le gouvernement pour son examen, ce qui emporte deux conséquences : les délais minima requis pour la discussion en séance à l'Assemblée nationale et au Sénat tombent ; après une seule lecture par chacune des deux chambres, le Premier ministre aura la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.
(3) Elles devraient servir principalement à financer des actions de formation professionnelle concourant à la qualification et à la requalification : des salariés les plus exposés au risque de rupture de leur parcours professionnel ; des salariés peu ou pas qualifiés ; des salariés n'ayant pas bénéficié d'une action de formation depuis cinq ans ; des salariés alternant fréquemment périodes de travail et de chômage ; des demandeurs d'emploi ayant besoin d'une formation pour favoriser leur retour à l'emploi.