Pour la première fois, la FENAAH (Fédération nationale des administrateurs ad hoc) livre un état des lieux de l'administration ad hoc, représentation du mineur par un tiers désigné par un magistrat, dans un rapport (1) adressé, notamment, au président de la République et à la défenseure des enfants. Face au vide juridique et aux ambiguïtés actuels, cette analyse répond au besoin de mieux cadrer l'exercice de cette mission, « tant du point de vue de la désignation, du statut que du contenu du mandat », explique la présidente de la fédération et de l'association Chrysallis, Geneviève Favre-Lanfray, auteure du rapport avec Isabelle Al Kadiry, conseillère juridique et spécialiste du droit des étrangers.
La fédération dénonce tout d'abord le manque de clarté du cadre juridique fondant la désignation d'un administrateur ad hoc. Elle suggère de ne retenir qu'un seul texte, applicable en matière civile, pénale et administrative. Elle propose dans cette perspective d'abroger l'article 706-50 du code de procédure pénale sur la désignation de l'administrateur ad hoc pour éviter à la fois des chevauchements (les dispositions du code civil pouvant s'appliquer dans un cadre pénal) et une portée à géométrie variable, d'autant que, dans la pratique, « les désignations d'administrateur ad hoc sont rarement motivées ». La fédération préconise concomitamment de réécrire les articles 389-3 et 388-2 du code civil. Tous deux, prévoyant des modes de désignation différents, posent en effet des problèmes de coordination. Il s'agirait, pour la fédération, d'aménager les textes pour distinguer clairement ce qui relève de la représentation du mineur et de l'administration de ses biens. La désignation serait confiée au juge des tutelles, alors que plusieurs magistrats pouvant intervenir au cours d'une même procédure ont aujourd'hui compétence en la matière. Mais cette option impliquerait de maintenir les compétences actuelles du juge des tutelles pour les mineurs, alors que la proposition de loi de « simplification, de clarification du droit et d'allégement des procédures » adoptée le 28 avril prévoit de les transférer au juge aux affaires familiales (2).
La fédération estime par ailleurs opportun d'étendre le bénéfice de la représentation ad hoc à tous les mineurs étrangers isolés présents sur le territoire ou à la frontière, qu'ils soient ou non demandeurs d'asile, et d'envisager l'exercice du mandat de l'administrateur sous la dimension de la protection de l'enfance. Elle propose donc la modification du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, l'objectif étant également de permettre une désignation en amont du placement en zone d'attente.
Autre recommandation : donner un statut juridique à l'administrateur ad hoc. Le décret du 16 septembre 1999, précise le rapport, s'est limité à le doter d'un statut économique, se contentant de préciser le profil du professionnel et d'arrêter les modalités de constitution des listes de personnes agréées. Des listes parfois inexistantes dans les cours d'appel, ou non respectées par les juges pénaux (qui font appel parfois à des associations, conseils généraux, avocats ou bâtonniers qui n'ont pas demandé leur agrément) ou encore sollicitées à tort en matière civile, alors que, dans ce cas, des proches de l'enfant devraient être prioritairement choisis. Sans compter que les personnes désignées exercent parfois leur mission de manière virtuelle... Le rapport constate ainsi « une diversité d'administrateurs ad hoc, une variété de pratiques mais également des moyens différents ». Soulignant la nécessité de confier à un tiers neutre, indépendant, la défense des intérêts du mineur, comme dans les cas d'incestes au sein de la fratrie, la fédération estime que « le critère d'indépendance vis-à-vis de la famille, du suivi éducatif, de l'autorité judiciaire, n'a pas été expressément pris en compte pour la procédure d'agrément des administrateurs ad hoc, dans la mesure où il n'existe aucune règle d'incompatibilités ». Les auteurs du rapport proposent de remplacer le délai de renouvellement des listes d'agrément tous les quatre ans par une inscription unique, révisable tous les ans.
Le contenu et les limites du mandat de l'administrateur ne sont par ailleurs pas définis, tout comme sa place dans la procédure, ce qui entraîne des pratiques inégales d'un département à l'autre, voire au sein d'une même juridiction. « L'article 706-53, institué par la loi du 17 juin 1998, qui a légalisé la présence d'un tiers lors des auditions et confrontations du mineur victime, est même responsable d'une certaine exclusion de l'administrateur de la procédure pénale », jugent les auteurs. Son champ d'application ne comprend en effet pas la maltraitance physique et les atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans et il ne concerne que les deux premières phases du processus pénal : l'enquête préliminaire et l'instruction. En outre, la présence d'un tiers « relève du pouvoir discrétionnaire des magistrats », qui peuvent choisir parmi les accompagnateurs possibles soit un administrateur ad hoc, soit un psychologue, un médecin, ou un spécialiste de l'enfance, soit un membre de la famille du mineur, soit, enfin, une personne chargée d'un mandat du juge des enfants. L'administrateur ad hoc, partie à la procédure, ne doit-il pas « avoir prééminence sur les autres en raison de sa mission particulière ? », interroge le rapport.
Les auteurs insistent également sur les conditions à remplir pour exercer cette fonction : l'obligation de compétence, qui passerait par une formation, le devoir d'information du mineur, ce qui suppose de lui donner les moyens de rencontrer ce dernier, et le droit à l'expression pour le mineur. L'administrateur ad hoc doit, préconise le rapport, « intégrer dans l'exercice de son mandat l'obligation de déterminer l'opinion de l'enfant et de la porter à la connaissance de l'autorité judiciaire ». Le mécanisme de représentation, conclut-il, ne doit pas être considéré comme une fin en soi, mais comme un moyen. D'où la nécessité de réformer un système aujourd'hui inadapté.
(1) « La représentation ad hoc du mineur » - Mars 2009 - Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2577 du 17-10-08, p. 13 et ce numéro, p. 13.