Alors que le ministère de l'Immigration a annoncé le 10 avril, la répartition en huit lots de la mission d'aide aux étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA) (1) entre six associations différentes, la signature du contrat d'attribution a été suspendue, le 21 avril, par le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Cette décision de justice fait suite à la requête de la Cimade, qui détenait le monopole de cette mission et conteste la réforme de l'aide aux étrangers engagée par le ministère. Le tribunal a désormais jusqu'au 7 mai pour rendre sa décision. « S'il annule, même partiellement, cet appel d'offres, le ministère devra enfin accepter de remettre à plat le dispositif », explique Damien Nantes, responsable « défense des étrangers reconduits » de la Cimade.
Entre-temps, quatre des six associations retenues par le ministère (l'Assfam, Forum réfugiés, France terre d'asile, l'Ordre de Malte) ont mis en place un comité de pilotage, pour « échanger les bonnes pratiques et construire une vision globable des conditions de rétention ». Le collectif Respect a répondu favorablement à l'appel d'« élargissement de ce comité à l'ensemble des titulaires de lots ». La première réunion du comité de pilotage pourrait avoir lieu mi-mai. Quant à la Cimade, elle estime que, dans le cadre du marché public concurrentiel proposé par le ministère, « la complémentarité n'est pas possible ».
Par ailleurs, au-delà du dispositif en lui-même, elle conteste la légitimité du collectif Respect à exercer cette mission. Ainsi, au lendemain de l'annonce de la répartition des lots, une trentaine d'associations (rassemblées au sein du collectif Migrants Outre-mer, dont la Cimade, le GISTI, l'ANAFE, la Ligue des droits de l'Homme...) a vivement dénoncé l'attribution des CRA d'outre-mer au collectif Respect, « une association inconnue » dans la défense des droits des personnes placées en rétention. Selon ces associations, le collectif Respect n'a « aucune action connue à destination des étrangers à son actif, ni aucun expertise juridique dans le secteur ». Pour elles, l'attribution du lot de l'outre-mer à ce « collectif fantôme », dont l'un des membres fondateurs est aujourd'hui chargé de mission au ministère de l'Immigration, sert de « paravent à la politique d'objectifs chiffrés développée de façon industrielle outre-mer ». Refusant ces attaques, le collectif Respect, créé au lendemain du match de football France-Algérie, en octobre 2001, au cours duquel La Marseillaise avait été sifflée, affirme que « cette proximité avec le gouvernement n'existe pas ». « Qu'on arrête de penser qu'on sera la machine à expulsion du gouvernement », se défend Didier Mouliom, chargé de communication. L'association, qui se dit « apolitique », espère être jugée sur ses résultats : « nous n'existons que depuis huit ans, nous n'avions pas les moyens d'être médiatisés, nous ne sommes donc pas connus ».
Amnesty International France - qui condamne elle aussi l'attribution au collectif Respect du lot de l'outre-mer - s'inquiète de « l'éclatement de l'assistance aux étrangers dans les centres de rétention administrative » et voit dans cette réforme « l'aboutissement d'un processus officiellement lancé par la publication d'un décret d'août 2008 pour ne plus traiter uniquement avec la Cimade ».
Dans un entretien au quotidien La Croix du 17 avril, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, expliquait aussi avoir « plusieurs raisons d'être inquiet » de la perte par la Cimade du monopole de l'aide aux étrangers placés en rétention. Cette dernière avait en effet acquis une compétence juridique « incontestable », alors que « le droit des étrangers est devenu un sujet extrêmement complexe ». Elle remplissait, selon lui, « un rôle d'observation globale sur la situation des centres de rétention », à travers la production de son rapport annuel. En ce sens, Jean-Marie Delarue appelle les six associations retenues à publier un rapport commun.