Alors que le projet de loi «hôpital, santé, patients et territoires» doit être examiné au Sénat à partir du 12 mai, les associations préparent leurs propositions d'amendement. Car si les députés ont permis des avancées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, ils n'ont souvent pas été jusqu'au bout des demandes des associations, qui voient certaines craintes se confirmer.
C'est le cas notamment de la future procédure d'appel à projets, à laquelle les porteurs devront désormais se soumettre en vue de la création d'un établissement ou service médico-social. Les députés ont en effet maintenu cette mesure tout en prévoyant que des projets « expérimentaux ou innovants » puissent être déposés via un cahier des charges allégé. L'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) conteste cette solution estimant que le dispositif d'appel à projets doit être réservé aux situations où, dans un territoire, des besoins sont non satisfaits et aucun promoteur ne se manifeste. Sur ce point, la Fegapei (Fédération nationale des associations de parents et amis d'employeurs et gestionnaires d'établissements et services pour personnes handicapées mentales) se réjouit que les débats à l'Assemblée aient permis que des projets expérimentaux ou « innovants » puissent être déposés, mais estime que « cela ne suffit pas, pour que l'initiative associative soit maintenue ». L'Uniopss s'oppose par ailleurs à l'application de cette procédure d'appel à projets dans le cadre du renouvellement des autorisations. Elle regrette aussi que les députés aient confirmé le caractère obligatoire des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM).
Autre sujet important : celui de la composition du conseil de surveillance des futures agences régionales de santé (ARS). Les députés l'ont en effet ouvert, comme le réclamaient les associations, aux représentants des personnes âgées et des personnes handicapées. Pour autant, ils ont refusé que les organismes gestionnaires y siègent au nom du risque qu'ils soient « juges et parties ». L'Uniopss rejette cet argument dans la mesure où le conseil de surveillance n'est pas une instance décisionnaire. Comme l'Uniopss, la Fegapei a déjà annoncé qu'elle se mobiliserait pour que les représentants des associations gestionnaires fassent partie de ce conseil. Par ailleurs, l'instance, dont les prérogatives étaient très réduites au regard du pouvoir du directeur de l'ARS, voit son rôle évoluer : elle approuverait le budget de l'ARS (tout en ne pouvant s'y opposer qu'à une majorité qualifée) et pourrait donner son avis sur le plan stratégique régional de santé et sur le CPOM de l'agence.
L'un des principaux motifs de satisfaction de la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs) est d'avoir réussi à sauvegarder les établissements participant au service public hospitalier (PSPH) (1). En effet, alors que le texte initial programmait leur disparition, les députés ont permis de créer les établissements de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC). Reste maintenant à définir le régime juridique de ces nouvelles structures, l'Uniopss et la FEHAP y travaillent. L'inscription dans la loi du principe de la « fongibilité asymétrique » est aussi un soulagement pour l'ensemble des organisations du secteur. Il rend impossible l'utilisation des crédits du médico-social pour d'autres secteurs.
Toujours est-il que, pour l'Uniopss, « le sanitaire reste dominant » dans ce projet de loi. En témoigne le veto du gouvernement de désigner - comme le souhaitaient les députés -, aux côtés du directeur de l'ARS, un directeur adjoint chargé du médico-social, arguant de « raisons juridiques ».
En outre, les députés ont rejeté la proposition de l'Uniopss de renommer l'ARS en « agence régionale de santé et du médico-social ». Ils ont préféré changer l'intitulé de la conférence régionale de santé en la nommant « conférence régionale de la santé et de l'autonomie ». Cependant, pour l'Uniopss, « ce concept d'autonomie, retenu par référence à la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, ne reflète pas toutes les composantes du médico-social, en particulier en ce qui concerne l'addictologie ».
Dans le même ordre d'idées, l'AIRe (Association nationale des instituts thérapeutiques et pédagogiques et de leurs réseaux), a annoncé qu'elle reviendrait sur sa demande : que le titre du projet de loi intègre la notion d'usagers (et non de patients) et s'ouvre au concept de santé au sens large pour que la future loi ne se résume pas à « la seule réorganisation hospitalière ». Elle propose donc que l'intitulé devienne : « projet de loi portant réforme de santé, et relatif aux citoyens et aux territoires ». Par ailleurs, l'association réitère son souhait de voir la médecine scolaire et la médecine du travail rattachées aux futures agences de santé (2).
La déception la plus forte concerne la lutte contre les refus de soins. Les députés ont en effet largement modifié le texte d'origine, allégeant par conséquent les risques de sanctions pour les praticiens. Alors que, dans la première mouture, un professionnel ayant refusé des soins à une personne devait apporter la preuve du contraire et pouvait se voir sanctionner par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie, il ne subsiste plus dans le texte « qu'une conciliation entre plaignant et professionnel de santé, opérée par le directeur de la caisse et le conseil départemental de l'Ordre », explique l'Uniopss. Pour la FNATH (Association des accidentés de la vie), cette nouvelle version vide la disposition d'origine de son contenu. Elle souhaite peser pour que les sénateurs retournent à une rédaction « véritablement protectrice des assurés et non des médecins ».