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« Fixer des objectifs quantifiés de réduction du sans-abrisme »

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Dans son rapport remis au ministre du Logement le 8avril, Julien Damon dresse un tableau des différentes politiques de prise en charge des sans-abri en Europe. Ponctuée par 25 recommandations à la pertinence inégale, parfois polémiques, cette analyse comparative - méthode peu pratiquée en France- éclaire la situation française de manière originale et percutante.

Dans quel contexte sort ce rapport ?

Il a été commandé par Christine Boutin à la suite de deux déplacements -au Royaume-Uni et au Danemark- où elle a pu observer des dispositifs intéressants en matière de prise en charge des sans-abri. Avec ce rapport, il s'agissait d'élargir la vision à tous les pays de l'Union. Car la question des sans-abri s'européanise. Dans la perspective de l'année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion de 2010, il existe même une sorte d'effervescence à ce sujet. En témoignent l'adoption en 2008 par le Parlement européen d'une déclaration écrite en vue de «mettre fin au sans-abrisme» d'ici à 2015 et la rédaction, cette année, d'un rapport spécifique par chacun des Etats membres dans le cadre du Comité de la protection sociale de la Commission européenne. En outre, en 2010, cette problématique fera l'objet au sein de l'Union d'une conférence de consensus, qui permettra de mettre à plat les fortes dissensions qui existent autour de cette question. En France, ce travail prolonge la conférence de consensus organisée sur ce sujet en novembre 2007 et le rapport Pinte remis, dans sa version finale, en septembre 2008. Il faut également le replacer dans le contexte de crise actuel, qui rend la question des sans-abri plus pressante.

Comment évolue le nombre de sans-abri en Europe ?

Il n'existe pas, à l'échelle européenne, de définition juridique partagée de ce qu'est une personne sans abri. La FEANTSA (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri) a néanmoins élaboré une typologie de l'exclusion du logement très élaborée, baptisée ETHOS, qui pourrait être utilisée par tous les Etats membres pour la collecte de données et le suivi des politiques en direction des sans-abri. Christine Boutin a d'ailleurs annoncé qu'elle souhaitait que la France s'engage dans ce type d'étude. Mais, pour l'heure, il n'existe aucun chiffre global disponible. Certains Etats, régions ou villes se sont néanmoins dotés d'outils de mesures statistiques permettant de suivre des objectifs de résultat. En 20 ans, le nombre de sans-abri aurait été divisé par deux en Finlande. La ville de Dublin a connu le même mouvement avant d'être frappée par la crise en 2008.

De quelles sources disposons-nous en France ?

Nous manquons cruellement d'outils de mesure de qualité. A l'échelle nationale, nous pouvons nous appuyer sur deux sources d'information: l'enquête INSEE de 2001 qui décompte les personnes à la rue et dans les services de prise en charge et le recensement général de la population rénové. Mais il n'existe pas de chiffrages réguliers permettant d'avoir non seulement un aperçu quantitatif du nombre de sans-abri mais aussi une vision qualitative de leur prise en charge dans les services d'hébergement. Certaines enquêtes permettent toutefois de faire des comparaisons européennes sur des sujets qui sont directement en lien avec cette question. En 2007, dans une enquête Eurobaromètre sur l'exclusion, on constate ainsi que les Français se situent au troisième rang (derrière la Lettonie et la Lituanie) concernant la crainte de se trouver un jour sans abri.

Comment expliquez-vous ce sentiment ?

Cette crainte est à relier à deux singularités françaises: d'une part, le niveau très élevé de controverse sur la question des sans-abri dans le débat public et, d'autre part, la perception du sans-abrisme comme relevant de causes structurelles (emploi, logement) et non personnelles (drogue, alcool, fainéantise...) comme c'est le cas ailleurs. Il faut y voir aussi le poids du chômage, qui est resté en France à un niveau très élevé. Or, s'il est vrai que tout le monde peut devenir sans abri un jour, les probabilités ne sont pas les mêmes selon le pays dans lequel on habite!

Quel intérêt retirez-vous de la comparaison des politiques de prise en charge en Europe ?

L'intérêt principal est d'abord de montrer que la question des sans-abri n'est pas une question franco-française. Ensuite, il existe une forme de provincialisme à la française qui fait que notre pays a tendance à s'ériger comme le meilleur à tous les points de vue. Le recours à la comparaison rend caduque cette auto-célébration. Par ailleurs, les Français inclinent à penser qu'il faudrait chaque année débloquer des moyens supplémentaires pour faire face à une augmentation du nombre de personnes en difficulté. La comparaison avec les pays voisins permet de réfuter cette propension. Elle nous renseigne sur le fait que, sans système de collecte de données clair et précis, l'analyse coût/efficacité est illusoire. Il n'y a pas que les Anglo-Saxons qui ont des choses à nous apprendre en la matière. Des pays aux traditions aussi différentes que le Portugal, l'Allemagne, la Hongrie ou l'Autriche ont mis en place des politiques -en général au niveau des villes ou des régions- dont nous pouvons nous inspirer. Au regard de ce qui se fait ailleurs, on peut ainsi constater que, si la France n'a pas à rougir de ce qu'elle fait en termes de situation sanitaire et sociale des personnes en hébergement, elle a, en revanche, beaucoup à apprendre en ce qui concerne la mise en oeuvre d'une stratégie intégrée de prise en charge. Elle doit notamment se doter d'un dispositif efficace de recueil de données et fixer des objectifs de résultats chiffrés.

N'est-ce pas conforter un peu plus la politique du chiffre chère au gouvernement aux dépens de la prise en charge qualitative des personnes ?

La France continue à être rétive à l'idée d'objectifs à atteindre, tout particulièrement en matière de lutte contre la pauvreté. Or à la dictature de l'indicateur chiffré, j'oppose la démocratie de l'indicateur chiffré! Si les critères pour fixer les objectifs sont définis de façon concertée - ce que je souhaite-, la situation des personnes ne peut qu'être améliorée. En 2007, notre pays s'est d'ailleurs assigné comme ambition de réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans. Il a bien fallu se doter d'indicateurs dans cette optique, ce qui n'a pas manqué de nourrir un utile débat technique. Pourquoi ne pas faire la même chose pour les sans-abri ? Passer d'une logique de moyens à une logique de résultat, ce n'est pas une idée folle. D'ailleurs la France adhère déjà à ce principe dans le cadre du Millénaire pour le développement de l'ONU, qui fixe des objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté d'ici à 2015.

On a vu néanmoins les polémiques suscitées en novembre dernier par les déclarations de Christine Boutin sur l'hébergement obligatoire des sans-abri en cas de grand froid. Celles-ci s'inscrivaient dans le droit-fil de la promesse de Nicolas Sarkozy de parvenir à zéro SDF, d'ici à la fin 2008.

L'objectif « zéro SDF » ne me choque pas. Il permettrait de se doter d'un système d'intervention plus rationnel avec, par exemple, des hospitalisations d'office en cas de troubles psychiatriques et une réorganisation des dispositifs de maraude. Il faut néanmoins tenir compte de la polémique suscitée. Peut-être faudrait-il tout simplement trouver une formulation plus heureuse -par exemple, « mettre fin au sans-abrisme»? Mais arrêtons de faire de l'angélisme sur ce dossier! Les personnes qui dorment dans la rue sont en danger, et pas seulement en hiver: il y a des risques d'agression, de maladies, etc. Quand quelqu'un agonise en bas de chez soi, il faut agir! D'ailleurs, la jurisprudence autorise qu'un sans-abri soit conduit contre son gré en centre, en cas de grand froid notamment. Cela étant dit, la question des sans-abri en France est décriminalisée, et c'est une très bonne chose.

Vous montrez combien les systèmes de prise en charge sont divers en Europe. Quels sont les pays qui font figure de bons élèves ?

L'hétérogénéité est extrême. Pour caractériser les politiques nationales, j'ai isolé huit variables: existe-t-il un répertoire des services de prise en charge des sans-abri? Une institution publique dédiée ? Des budgets publics spécifiques ? Des objectifs de résultat fixés par les pouvoirs publics? Un appareil statistique adapté ou naissant ? Des documents stratégiques explicites (aux échelles locales et/ou régionales)? Une définition du sans-abrisme et/ou une législation y faisant référence? Est-il fait mention de cette problématique dans les rapports nationaux sur l'inclusion sociale? Certains pays - notamment ceux issus de l'ex-bloc soviétique, mais aussi la Grèce- répondent par la négative à toutes ces questions. A l'autre bout de la chaîne, les pays nordiques (Finlande, Danemark, Suède), les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Irlande, la Hongrie et certaines régions allemandes et autrichiennes sont dotés d'un appareil statistique adéquat et de budgets conséquents. Ce qui n'empêche pas que leur modèle d'action soit extrêmement variable tant en ce qui concerne le niveau de centralisation ou de dépenses, qu'en matière d'objectifs visés (hébergement ou logement), d'échelle de coercition et de criminalisation des sans-abri.

Où se situe la France dans ce panorama ?

Elle se distingue par un niveau de criminalisation et de coercition très faible. Il existe en effet chez nous un fort consensus sur la légitimité de l'intervention en matière de lutte contre la pauvreté. Malgré les débats récurrents (notamment sur les arrêtés anti-mendicité en été), les Français sont globalement bien plus tolérants et accueillants que d'autres pays d'Europe. En Allemagne, par exemple, dormir à la rue est considéré comme un trouble à l'ordre public. En revanche, la France conduit sa politique vis-à-vis des sans-abri de façon très centralisée. Ailleurs, elle est souvent mise en oeuvre aux niveaux local ou régional.

Vous préconisez d'ailleurs la décentralisation de la prise en charge des sans-abri en France. Mais le risque n'est-il pas de renforcer les inégalités de prise en charge ?

Aujourd'hui, les inégalités sont déjà considérables! De plus, l'Etat distribue des ressources sans exigence de résultat puisqu'il n'y a pas d'objectifs chiffrés. La comparaison européenne montre en outre que ce sont les Etats de petite taille qui s'en sortent le mieux en matière de prise en charge. Mieux vaut donc agir localement. Le sujet est sensible mais c'est une proposition dont il faut discuter. Décentraliser permettrait également de mettre fin à la compétition malsaine qui existe entre certaines villes qui se renvoient les pauvres. Je propose que les grandes métropoles soient à la tête de ce dossier, sous impulsion nationale. Cela permettrait, couplé à des objectifs clairs, de noter les villes selon leurs résultats, comme aux Pays-Bas.

Encore la logique du chiffre...

Ça ne me choque pas. Chaque année, un rapport spécifierait l'évolution du nombre de sans-abri par rapport aux fonds attribués.

Parmi les spécificités françaises, vous soulignez l'importance des moyens dévolus à la prise en charge. La France dépenserait beaucoup pour peu de résultats...

La France est, avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Irlande, un des pays qui dépense le plus en direction des sans-abri. Or, chaque année, une polémique enfle autour de l'insuffisance des financements. Fixons-nous des objectifs clairs et partagés et nous verrons bien l'efficience des moyens alloués! Cela dit, avec les sommes dont nous disposons, nous devrions pouvoir contenir les difficultés, même dans un contexte de crise.

Y a-t-il des dispositifs de prise en charge dans les autres pays dont la France pourrait s'inspirer ?

Il y a en effet des dispositions dont nous pourrions nous saisir avec à-propos. La Belgique, par exemple, verse une prime d'installation à toute personne qui retrouve un logement en sortant d'un centre d'hébergement. Il y aurait sans doute aussi à chercher du côté de Bruxelles des solutions relatives à la mendicité des enfants, qui est pénalisée en France. Enfin, il y a bien sûr, au Danemark, les « maisons atypiques pour existences atypiques » (Freak houses for freak people), qui ont déjà fait l'objet d'une évaluation conjointe de certains Etats : ce sont de petites habitations aux faibles loyers avec des pièces communes et un « gardien social » destinées à des personnes incapables de vivre seules, mais dont l'hébergement en foyer est difficile. Le Danemark a aussi mis en place un conseil national pour les personnes marginalisées, qui joue un rôle important dans la construction et le suivi des politiques établies. C'est un moyen efficace de placer les usagers au coeur de la décision publique, ce qui me paraît tout à fait essentiel. Il semble également fondamental, comme en Angleterre avec le projet Reconnection, que les services de prise en charge des pays les plus riches soient en contact avec leurs homologues des pays les plus pauvres pour imaginer des dispositifs d'accompagnement au retour lors de migrations de sans-abri entre pays européens.

Vous montrez justement combien la problématique migratoire est centrale pour appréhender la question des sans-abri. A-t-on tendance à l'oublier ?

On en parle, mais on n'agit pas. La question est pourtant cruciale. L'Europe est un espace de libre circulation : tout est aménagé pour que les travailleurs puissent se déplacer. Or rien n'est fait pour les pauvres en errance. Pourquoi ne pas renforcer la coordination? Je propose notamment d'établir des standards européens minimaux de qualité de service afin d'assurer un accueil digne et identique pour tous les sans-abri européens. En leur absence, il est en effet tentant pour un ressortissant d'un pays de l'ex-bloc soviétique, par exemple, de tenter sa chance en France où les centres d'hébergement sont plus « confortables».

Certains pays ont opté pour une stratégie « Logement d'abord », que vous recommandez pour la France. Que recouvre cette expression ?

Elle signifie que la collectivité se fixe comme objectif le relogement plutôt que l'hébergement en centres. En France, tout le monde est d'accord pour dire que 20 à 30% des résidents en CHRS devraient pouvoir bénéficier d'un logement. Or ils ne peuvent accéder au parc social car celui-ci, à vocation généraliste, est inadapté. Il accueille des familles avec des revenus qui peuvent être relativement élevés alors que les personnes sortant de centres d'hébergement devraient être prioritaires -c'est d'ailleurs le cas au Royaume-Uni. C'est pourquoi il faut repenser complètement la vocation du logement social. D'ailleurs la mise en oeuvre du droit au logement opposable d'ici à 2012 nous y invite sérieusement.

Qu'en est-il du droit au logement dans les autres pays ?

La Belgique, l'Espagne, la Finlande affirment dans leur Constitution que l'Etat doit s'investir dans la décence des logements. Les Pays-Bas, la Suède et le Danemark vont plus loin en assignant les collectivités locales à appliquer ce droit, sauf qu'il ne s'applique qu'aux populations locales. Le cas britannique est souvent mis en avant mais, là encore, il existe une liste de personnes prioritaires pour bénéficier d'un logement. En outre, contrairement à la France, ce sont à chaque fois les autorités locales qui sont compétentes. Reste qu'il existe bel et bien un mouvement européen général en faveur de la reconnaissance de ce droit.

Vous proposez de rationaliser l'offre d'hébergement selon « trois étages standardisés » de prise en charge : urgence, CHRS et résidences alternatives. Quid de la richesse du système français ?

La France est le seul pays où il existe une telle diversité de sources de financement et de modes d'hébergement au point qu'il y a désormais un guide officiel des dispositifs d'hébergement et de logement adapté (1). C'est tout bonnement aberrant ! A chacun des trois étages, je propose donc une seule ligne budgétaire et un format juridique unique. Cette simplification, certes technocratique, limitera grandement la bureaucratie. Cela ne veut pas dire qu'on ne pourra pas adapter ici et là un service à une population ou à un territoire donnés. Simplement je pense que l'offre d'hébergement est inutilement compliquée et dispendieuse. Rationaliser est plus difficile que de rajouter un énième dispositif, mais c'est plus ambitieux. De la même façon, à Paris, je souhaite que soit établie une autorité unique pour mettre fin à l'empilement des dispositifs qui, outre son coût pour la collectivité, atteint un niveau surréaliste d'inefficience. Certains sans-abri sont réveillés trois ou quatre fois dans la nuit par des services de maraude différents! La France est le seul pays à avoir tant investi dans un système téléphonique et un dispositif de recueil mobile dédiés aux sans-abri. Tous ces moyens pourraient être revus dans la perspective, pour le 115, d'une simple information sur les droits et, pour le SAMU social, des seules maraudes.

Cette réorganisation radicale de l'offre d'hébergement risque de susciter des réactions. Une volonté de polémiquer ?

Certaines de mes propositions sont sans doute polémiques, mais le sujet des sans-abri est de toute façon polémique. Je veux simplement bousculer les grandes lignes. Au niveau national, il faut retenir de mon rapport trois propositions fondamentales : fixer des objectifs quantifiés de réduction et d'extinction du sans-abrisme, rationaliser l'offre d'hébergement et établir une autorité unique à Paris. Au niveau européen, la création d'une agence européenne en charge de la question des sans-abri et l'établissement de standards minimaux d'accueil seraient des avancées majeures. De même que la communication, tous les ans, du nombre de morts dans la rue au sein de l'Union permettrait de créer une mobilisation européenne face à des chiffres scandaleux.

Vos recommandations communautaires semblent bien timides...

Les propositions structurelles à l'échelle européenne doivent prendre en compte les bases juridiques de l'Union. Or la question des sans-abri est à l'ordre du jour de l'agenda européen depuis trop peu de temps pour organiser une révolution!

Qu'attendez-vous de ce rapport ?

Les propositions sont quasi secondaires. Ce qui m'importe avant tout, c'est que ce rapport entraîne une prise de conscience de la diversité des systèmes de prise en charge à l'échelle européenne. C'est également un outil dont il serait intéressant de se saisir dans le cadre des débats préparatoires à la conférence de consensus européenne qui aura lieu en 2010.

JULIEN DAMON est docteur en sociologie, ancien chef du service desquestions sociales au Centre d'analyse stratégique et professeur associé en urbanisme à Sciences-Po. Il a entre autres publié La Question SDF (PUF, 2002), L'exclusion (PUF, «Que sais-je?», 2008)et Questions sociales: analyses anglo-saxonnes (PUF, 2009).

UN RAPPORT VOLONTARISTE POUR DE NOUVELLES MESURES ?

Intitulé Les politiques de prise en charge des sans-abri dans l'Union européenne, le rapport de Julien Damon pourrait servir de base à une réorientation de la politique en direction de ces publics. Christine Boutin, ministre du Logement, a invité les associations à lui faire part de leurs observations à partir du document. Elle s'est engagée à annoncer des mesures d'ici à unmois sur le fondement de leurs suggestions.

Il faut dire que ce rapport se présente comme une véritable boîte à outils. A partir de graphiques, de fiches sur les différents pays et du croisement de plusieurs variables, Julien Damon compare les stratégies des Etats en matière de prise en charge des sans-abri. Et brosse à grands traits 25 recommandations volontaristes à l'échelle nationale et européenne. Un rapport qui se veut efficace donc, où la clarté a été privilégiée à l'exhaustivité et où l'auteur s'inscrit résolument dans la recherche du meilleur rapport coût/résultat, quitte à être parfois brutal dans ses suggestions. Un choix qu'il assume pleinement, estimant que « le changement ne passera pas par le consensus absolu, mais peut-être par des débats sérieux sur des options neuves ».

Cette façon un peu abrupte de traiter un sujet aussi complexe ne gène guère la FNARS. « Même si le rapport donne l'impression que les sans-abri sont une population bien identifiée alors qu'elle est de plus en plus mouvante », remarque Nicole Maestracci, sa présidente. Il n'entre toutefois guère en contradiction avec les recommandations de la conférence de consensus et le rapport Pinte. Et il vient confirmer le fait qu'il faut une stratégie publique volontariste à l'égard des sans-abri, se félicite-t-elle. Aussi est-elle d'accord pour fixer des objectifs quantifiés de réduction du sans-abrisme, mais à condition d'y ajouter des objectifs qualitatifs, car « il faut pouvoir aussi proposer des parcours à moyen terme à ces personnes ». S'iladhère également à cette proposition, Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, déplore cependant que l'auteur n'ait pas pris soin de préciser les garde-fous pour éviter les risques de chasse aux sans-abri et regrette, d'une façon générale, une approche trop centrée sur la réduction des coûts et la rationalisation.

Quant à la réorganisation de l'offre d'hébergement, menace-t-elle la richesse du système français ? Il y a un risque de « faire fi de toute une histoire et de la multiplicité des réponses mises en place », estime le délégué, qui juge la proposition « particulièrement floue ». Non, explique Nicole Maestracci, qui trouve même que le rapport ne va pas assez loin : « Nous avons proposé à plusieurs reprises un statut juridique unique pour l'ensemble des centres avec des prestations qui peuvent être différentes afin de prendre en compte la diversité des publics. » Si elle applaudit à d'autres propositions (pilotage unique à Paris, association des usagers à l'évaluation des services, système de collecte de données), elle est plus nuancée sur la décentralisation de la politique de prise en charge : « quels garde-fous pour les collectivités locales qui ne voudront rien faire pour ces personnes qui ne sont, par définition, pas attachées à leur territoire ? ». Et puis certaines propositions laissent dubitative la présidente, comme l'idée d'impliquer davantage l'armée dans les campagnes hivernales alors que « la prise en charge doit se faire toute l'année ». Même doute pour le délégué général sur la création d'une agence européenne sur les sans-abri, « une agence de plus visant à standardiser les réponses dans un objectif financier ? ». Enfin, àla FNARS, on relève encore certains manques, comme la question de la prévention ou lamise enplace d'équipes pluridisciplinaires plus nombreuses et structurées queles maraudes, afin d'aller au-devant des sans-abri qui nedemandent rien.

ISABELLE SARAZIN

Notes

(1) www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/guide_des_dispositifs_hebergement_logement_cle7dd151.pdf.

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