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Vers une réforme en profondeur de l'aide juridictionnelle?

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Missionné en juin dernier par le président de la République, Jean-Michel Darrois, avocat de profession, devait notamment faire des propositions de réforme du système d'aide juridictionnelle (AJ) afin « non seulement d'en pérenniser l'existence mais aussi de favoriser le développement de l'accès au droit et à la justice, tout en permettant la maîtrise de son coût ». Il a remis son rapport, consacré plus globalement aux professions du droit, le 8 avril (1). Une partie de ses travaux est dévolue à l'assurance de protection juridique, qui pourrait, dans certains cas, constituer une alternative à l'aide juridictionnelle.

Trouver un financement complémentaire

Rappelant que le financement de l'aide juridictionnelle doit « rester une priorité de l'Etat », le rapport Darrois suggère, face à la hausse continue de son coût (2), la mise en place d'un fonds de financement complémentaire pour couvrir tous les besoins d'assistance et améliorer la rétribution de l'avocat. Géré par un Haut Conseil des professions du droit - dont la création est également préconisée par le rapport (3)-, ce fonds pourrait être alimenté par une contribution financière des professionnels du droit exerçant une activité juridique à titre principal ou accessoire, contribution assise sur le niveau de leur activité.

Malgré le coût important du dispositif, Jean-Michel Darrois estime « essentiel » de pérenniser le mécanisme de revalorisation automatique des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle. Toutefois, pour « limiter tout abus ou dérive consuméristes », il recommande la « suppression du principe de gratuité absolue, inhérent à l'aide juridictionnelle totale ». A cet effet, il suggère que le droit de plaidoirie (8,84 € ) dû à l'avocat dans le cadre de sa mission de représentation devant les juridictions, et qui relève des frais couverts par l'aide juridictionnelle, soit avancé par le bénéficiaire de l'aide chaque fois qu'il est demandeur à l'instance (4).

Par ailleurs, la commission « Darrois » recommande d'améliorer la gestion des demandes d'aide juridictionnelle. Pour ce faire, elle propose d'« inscrire dans la loi le principe d'une consultation juridique préalable à la demande d'aide juridictionnelle dispensée soit dans le cadre des permanences organisées par les conseils départementaux de l'accès au droit [CDAD], soit au cabinet de l'avocat choisi par le justiciable ». Consultation à l'issue de laquelle l'intéressé sera orienté vers la voie appropriée de règlement de son affaire et invité, selon le cas, à déclarer le sinistre à sa compagnie d'assurance s'il est titulaire d'un contrat d'assurance de protection juridique (voir ci-dessous) ou à déposer une demande d'aide juridictionnelle (5). Enfin, le rapport préconise que la juridiction saisie d'un litige ordonne la décision de retrait de l'aide juridictionnelle chaque fois qu'elle constate, en cours de procédure, un retour manifeste à meilleure fortune du bénéficiaire de l'aide (6). De même, il suggère de « sanctionner toute procédure jugée abusive ou dilatoire par le retrait de plein droit de l'aide juridictionnelle » ou de ramener le délai de contestation des décisions du bureau d'aide juridictionnelle de un mois à 15 jours à compter de la notification de la décision contestée.

Remettre les CDAD au coeur de la politique d'accès au droit

Les CDAD, qui devaient mettre en oeuvre la politique d'aide à l'accès au droit et accompagner le développement des modes alternatifs de règlement des conflits en matière civile, n'ont pas été en mesure de le faire pour trois raisons, selon le rapport. Tout d'abord, la généralisation de ces structures sur l'ensemble du territoire n'est pas achevée, dix départements n'en étant toujours pas dotés. En outre, dans la mesure où leur création est tributaire d'un financement partenarial et volontaire entre l'Etat, les collectivités territoriales et des organismes professionnels d'avocats, de notaires et d'huissiers, les crédits dégagés n'ont pas été suffisants. Enfin, le développement d'une politique d'aide effective à l'assistance d'un avocat lors de procédures non juridictionnelles s'est heurté à l'« absence de dispositions réglementaires définissant les critères d'admission à l'aide ou les conditions de désignation et de rétribution des professionnels du droit prêtant leur concours ». Dans ce contexte, il convient de « restituer aux CDAD un rôle majeur dans la conduite de la politique d'aide à la résolution amiable des litiges », souligne le rapport. Qui prône notamment d'« imposer la mise en place d'un CDAD dans chaque département dans un délai maximum de deux ans » et de les doter de moyens humains suffisants.

Autre recommandation : « instaurer un critère d'éligibilité à l'aide à l'assistance d'un avocat », fondé sur les ressources de l'intéressé. En la matière, souligne le rapport, une « transposition des plafonds d'admission à l'AJ totale ou partielle constitue la solution la plus simple et la plus cohérente, l'examen des ressources du demandeur pouvant être confié aux bureaux d'aide juridictionnelle ». Dans ce cadre, la commission « Darrois » préconise d'assurer une juste rétribution des avocats qui assistent les plus démunis lors de procédures non juridictionnelles, d'un niveau « suffisamment attractif » pour éviter que ces professionnels se détournent de la voie amiable de règlement des litiges au profit de la procédure contentieuse.

Favoriser le développement de l'assurance de protection juridique

Voulue par le législateur comme une alternative à l'aide juridictionnelle (7) l'assurance de protection juridique a connu un fort développement : le chiffre d'affaires des assureurs est en effet passé de 444 millions d'euros en 2001 à plus de un milliard en 2005. Cependant, regrette le rapport, le montant moyen des primes reste élevé, jusqu'à 60 € pour une garantie autonome et 25 € lorsqu'elle est incluse dans un contrat multirisque habitation. Afin de favoriser le recours à ce dispositif, la commission préconise de « compléter toute assurance obligatoire couvrant les conséquences d'une action en responsabilité par une garantie protection juridique prenant en charge, non seulement une assistance dans le cas d'un règlement amiable du litige mais également les frais de procès relatifs au risque principal assuré ». En outre, poursuit-elle, dans la mesure où le taux de diffusion de l'AJ est élevé dans le contentieux familial et le contentieux pénal des mineurs, il serait opportun que cette garantie s'étende aux divorces « toutes causes » et à la « défense pénale des mineurs ». Selon un groupe d'assurance mutuelle auditionné par la commission, l'intégration de ces deux nouvelles garanties représenterait une hausse de l'ordre de 10% du tarif d'un contrat d'assurance. Pour inciter les ménages à opter pour ce système de protection, la commission souligne la possibilité de mettre en oeuvre des mesures d'incitation fiscale.

Notes

(1) Disponible sur www.commission-darrois.justice.gouv.fr.

(2) Il est passé, entre 1998 et 2008, de 220 millions d'euros à près de 310 millions d'euros.

(3) Il s'agirait d'une structure permanente de discussion, d'échanges et de décision au sein de laquelle seraient représentées les différentes professions du droit.

(4) Cette somme pourrait lui être remboursée s'il gagne son procès.

(5) Toutefois, signale le rapport, l'instauration de ce principe ne doit pas exclure la saisine directe du bureau d'aide juridictionnelle, notamment lorsque l'intéressé est déjà engagé dans un processus judiciaire (procès pénal, assistance éducative ou contentieux relatifs aux conditions de séjour des étrangers).

(6) Bien que cette procédure puisse être mise en oeuvre par les bureaux d'aide juridictionnelle, elle ne l'est que rarement car ceux-ci ne sont en général pas informés des changements dans la situation financière de l'intéressé.

(7) Voir ASH n° 2494 du 16-02-07, p. 14 et ASH n° 2587 du 19-12-08, p. 10.

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