Il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à la scolarisation des enfants handicapés soit effectif. C'est la décision rendue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 8 avril. Selon lui, la carence de l'Etat en la matière est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. De plus, a-t-il jugé, l'administration ne peut pas invoquer l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou le fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci n'ayant pas le même objet.
Dans cette affaire, les parents d'une fillette handicapée née en 1995 recherchaient la responsabilité de l'Etat à raison du défaut de scolarisation de leur enfant dans un institut médico-éducatif à partir de la rentrée 2003. En 2006, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à les indemniser à hauteur de 14 000 € . Une décision annulée par la cour administrative d'appel de Versailles en 2007 (1). Celle-ci avait considéré non seulement que l'Etat n'avait qu'une obligation de moyens en matière de scolarisation des enfants handicapés, mais aussi qu'il n'avait commis aucune faute. Les parents ont alors porté l'affaire devant le Conseil d'Etat.
Selon la Haute Juridiction, les magistrats versaillais ont eu tort de se borner à relever que l'administration n'avait qu'une obligation de moyens - définie comme celle de faire toutes les diligences nécessaires - sans rechercher si l'Etat avait pris l'ensemble des mesures et mis en oeuvre les moyens nécessaires pour donner un caractère effectif au droit et à l'obligation pour les enfants handicapés de recevoir une éducation adaptée à leur situation. Ils ont donc commis une erreur de droit en méconnaissant les dispositions du code de l'éducation applicables à l'époque des faits, et selon lesquelles « les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative ». Depuis, rappelons que le droit à la scolarisation des enfants handicapés a été renforcé par la loi « handicap» du 11 février 2005.
Le Conseil d'Etat annule par conséquent l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et demande à cette dernière de rejuger l'affaire. Elle devra alors se pencher sur les modalités de réparation des préjudices entraînés par la carence de l'Etat. L'Unapei, qui a soutenu l'action de la famille, se félicite quant à elle de cette décision par laquelle « le Conseil d'Etat reconnaît pour la première fois la responsabilité pleine et entière de l'Etat ». Une décision qui devrait en outre avoir pour effet d'unifier la jurisprudence en la matière. Rappelons en effet que la cour administrative de Paris avait déjà reconnu en 2007 que le manquement à l'obligation légale d'assurer aux enfants handicapés une éducation adaptée à leurs besoins était une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat (2).