Recevoir la newsletter

Fillettes menacées d'excision : la Cour nationale du droit d'asile étend le bénéfice de la protection subsidiaire aux parents

Article réservé aux abonnés

Confronté à une augmentation sensible des demandes d'asile faites par des parents - principalement maliens et ivoiriens - refusant de faire exciser leurs enfants nés en France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a décidé, depuis juin 2008, de ne plus leur reconnaître le statut de réfugié et d'accorder le bénéfice de la protection subsidiaire à leurs filles et à elles seules. Dans deux décisions du 12mars 2009 qui devraient faire jurisprudence, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) va plus loin que l'office en estimant que les parents doivent bénéficier de la même protection.

Dans la première affaire (1), une femme de nationalité malienne mariée à un malien titulaire d'une carte de résident, mère de deux petites filles nées en France et séjournant en situation irrégulière dans l'Hexagone, comptait se séparer de son époux en raison de violences conjugales. Convaincue des dangers de l'excision et craignant que son mari ne reparte au Mali avec les enfants, les exposant ainsi au risque d'être excisées, la mère avait demandé la protection de l'OFPRA pour ses deux filles et elle-même en tant que mère d'enfants « protégés ». L'office a accepté d'accorder aux fillettes la protection subsidiaire, qui « présente des avantages en terme d'effectivité de la protection offerte [...] en ce qu'elle permet un contrôle annuel de l'intégrité physique des enfants » protégés. Il n'a en revanche pas étendu cette protection à leur mère, arguant du fait qu'elle était fondée à se voir délivrer une carte de séjour portant la mention «vie privée et familiale ».

Dans la deuxième affaire (2), une femme de nationalité ivoirienne ayant elle-même subi l'excision à 12 ans et élevant seule sa fille née en France affirmait subir des pressions familiales pour rentrer dans son pays d'origine et craignait, en cas de retour en Côte d'Ivoire, de ne pouvoir s'opposer à la mutilation génitale de son enfant. Elle réclamait par conséquent, pour sa fille et pour elle-même, la protection de l'OFPRA. Par une décision du 17juillet 2008 et comme dans l'autre affaire, l'office a accordé à l'enfant la protection subsidiaire sans toutefois l'étendre à sa mère, susceptible selon l'administration d'obtenir la délivrance d'une carte de séjour portant la mention «vie privée et familiale».

La Cour nationale du droit d'asile a statué dans les mêmes termes dans les deux affaires. Elle a rappellé en premier lieu que, «dans les pays à forte prévalence de la pratique de l'excision, les personnes qui ont manifesté leur opposition à cette pratique pour elles-mêmes, ou refusé d'y soumettre leurs enfants mineurs, ont ainsi transgressé les normes coutumières de leur pays d'origine et sont exposées de ce fait tant à des violences dirigées contre elles-mêmes qu'au risque de voir leurs filles excisées contre leur volonté». Et qu'elles peuvent donc être « regardées comme pouvant craindre avec raison des persécutions du fait de leur appartenance à un certain groupe social » au sens de la Convention de Genève et, de ce fait, obtenir le statut de réfugié.

En l'espèce, ni les filles, ni les mères ne répondaient à cette définition. Pour la CNDA, en effet, les enfants ne pouvaient manifester leur refus de la pratique de l'excision compte tenu de leur jeune âge. Quant aux mères, en s'abstenant de faire exciser leurs filles nées en France, elles n'avaient pas transgressé les normes coutumières de leur pays. Autrement dit, la Cour fait, comme l'OFPRA, une interprétation restrictive de la notion de «groupe social » qui empêche donc ces personnes d'accéder au statut de réfugié.

La Cour a par ailleurs confirmé le bénéfice de la protection subsidiaire aux jeunes filles « en vue de [les] soustraire au risque d'excision forcée en cas de retour » dans le pays d'origine. L'excision, explique-t-elle, est une « mutilation grave et irréversible » qui « constitue un traitement inhumain et dégradant » justifiant le bénéfice de la protection subsidiaire. La CNDA a en revanche été plus loin que l'OFPRA en ce qui concerne les mères des enfants protégées. Elle considère en effet que la mise en oeuvre effective de la protection accordée aux jeunes filles « impose » que celles-ci ne soient pas séparées de leurs mères. Ainsi, affirme la Cour, « en l'absence de dispositions législatives octroyant de plein droit un titre de séjour à la mère [d'un] enfant mineur bénéficiaire de la protection subsidiaire, la même protection doit être étendue à cette dernière, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public».

Voir l'intégralité des décisions dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques » sur www.ash.tm.fr}

Notes

(1) Cour nationale du droit d'asile, 12 mars 2009, Mme Fatim Fofana, n° 637716.

(2) Cour nationale du droit d'asile, 12 mars 2009, Mme Mariam Diarra épouse Kouyaté, n° 638891.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur